par Jan Raska PhD, Historien
(Mise à jour le 9 octobre 2020)
En mai 2015, le Musée canadien de l’immigration du Quai 21 a ouvert de nouvelles expositions sur l’histoire du site canadien historique du Quai 21 et sur l’histoire de l’immigration au Canada. Ce blogue est basé sur la recherche qui contribue aux nouveaux présentoirs sur l’histoire de l’immigration au Canada.
Introduction
Dans le cadre de la nouvelle exposition permanente du musée, la galerie Histoire de l’immigration au Canada informera les visiteurs de l’évolution de ce que les responsables canadiens ont cru « souhaitable » pour un immigrant potentiel et ainsi le rendre admissible. L’exposition illustrera aux visiteurs que l’idée de ce qui est désirable au sein de la politique d’immigration et de sa pratique continue d’évoluer avec la culture canadienne, les politiques et l’économie.
Le concept d’admissibilité demeure un principe de base sur lequel le Canada façonne la politique d’immigration et la sélection d’immigrants. Les lois historiques canadiennes sur l’immigration ont développé une construction binaire, établissant les qualités ou les circonstances qui pourraient déclencher l’admission ou l’interdiction d’un demandeur. Les descriptifs « désirable » ou « indésirable » sont attribués aux demandeurs par les autorités canadiennes à la lumière de la politique d’immigration ainsi que du jugement personnel. Historiquement, la race, l’idéologie, le pays d’origine, la situation financière, l’occupation, l’état de santé, le sexe, et plusieurs autres facteurs ont contribué à juger ce qui est, ou n’est pas désirable. Certains se sont vu refuser l’entrée au Canada, ainsi exclus de pouvoir commencer une nouvelle vie dans le pays qu’ils avaient choisi pour leur réinstallation.
Depuis 1869, lorsque la première Loi sur l’immigration a été adoptée, les représentants canadiens ont cherché des immigrants qui étaient physiquement et mentalement en bonne santé et dont la réputation reflétait les valeurs canadiennes au moment de l’immigration. Plus important, les représentants canadiens ont recherché des immigrants qui pouvaient avoir un impact économique significatif au-delà du travail. Le type d’immigrants que recherchaient les fonctionnaires canadiens a été tempéré par les restrictions ethno-raciales et géographiques jusqu’à la fin des années 60. La santé, la réputation et l’économie ont eu une influence significative sur la façon dont l’idée de l’admissibilité a changé au fil du temps dans la politique d’immigration et sa pratique. Ce qui suit est un résumé de la législation canadienne et les des règlements qui ont façonné le concept « de ce qui est désirable », de la Confédération à aujourd’hui.
La première Loi d’immigration canadienne (1869)
L’Acte de l’Amérique du Nord britannique (AANB) de 1867 (aujourd’hui la Loi constitutionnelle de 1982) décrit comment le Dominion du Canada et ses provinces se partageraient les pouvoirs législatifs. Dans la section 95 de l’Acte de 1867, le portefeuille de l’immigration a été jumelé à l’agriculture, accordant aux gouvernements fédéral et provinciaux la capacité d’adopter des législations relatives à la circulation des immigrants au Canada. Le gouvernement fédéral a conservé la compétence constitutionnelle sur la naturalisation, le processus par lequel un non-citoyen qui est résident du Canada obtient la citoyenneté.[1] Deux ans plus tard, en 1869, le Canada a adopté la première Loi d’immigration. En comparaison avec la législation future, la loi de 1869 établit peu de restrictions à la circulation des personnes au Canada. Toutefois, la loi a assuré la sécurité des immigrants lors de leur passage au Canada et les a protégés contre l’exploitation dès leur arrivée. L’absence de restrictions sur la circulation des immigrants visait un objectif : le gouvernement conservateur du premier ministre John A. Macdonald faisait la promotion d’une politique d’immigration de la porte ouverte dans une tentative d’encourager la colonisation du Canada. Cependant, au cours de la seconde moitié du XIXe siècle, le taux d’émigration du Canada vers les États-Unis et l’Europe est demeuré plus élevé que le nombre de personnes qui cherchaient à immigrer de façon permanente au Canada.[2]
Renforcement des pouvoirs discrétionnaires pour la sélection des immigrants, l’admission et le refus
En 1906, le gouvernement canadien a adopté une nouvelle Loi sur l’immigration, la première révision législative majeure strictement liée à l’immigration en presque quatre décennies. Une politique d’immigration a été introduite qui a élargi les catégories d’immigrants interdits. En vertu de la nouvelle Loi, les agents chargés du contrôle aux points d’entrée avaient le pouvoir d’interdire l’accès selon la santé, la situation financière ou la réputation des candidats. Ils avaient également le pouvoir discrétionnaire d’utiliser certaines clauses vagues pour interdire les individus qu’ils jugeaient indésirables en raison de l’origine culturelle ou de l’identité ethno-raciale.[3] La loi de 1906 a été principalement utilisée pour empêcher l’entrée les immigrants d’origine africaine, les Asiatiques, les indésirables politiques comme les anarchistes, les personnes handicapées mentalement ou physiquement et toute personne susceptible de devenir une « charge publique ».
Quatre ans plus tard, le gouvernement libéral du premier ministre Wilfrid Laurier a élargi la liste des immigrants interdits et augmenté le pouvoir discrétionnaire des agents d’immigration dans la sélection, l’admission ou l’empêchement d’immigrants d’entrer au Canada. La Loi d’immigration de 1910 a également rendu inadmissibles des personnes jugées inaptes au climat du Canada. La désignation “inaptitude climatique” visait principalement les groupes raciaux, comprenant les candidats de descendance africaine. Ceci a permis aux agents canadiens de prétendre, da façon fallacieuse, qu’il n’y avait pas de « barre de couleur » dans la législation canadienne. Ce genre d’autorité sombre et discrétionnaire a donné une protection face au questionnement en vertu de la loi de 1910, de telle sorte que le système judiciaire fédéral et provincial ne puisse réviser ou renverser les décisions du ministre fédéral responsable de l’immigration.[4]
Rationaliser l’administration de l’immigration
L’admission de milliers de personnes déplacées et de réfugiés politiques européens à la suite de la Seconde Guerre mondiale et pendant la guerre froide a forcé le gouvernement canadien à adopter une nouvelle loi sur l’immigration. Quarante-deux ans après que le gouvernement Laurier eut révisé la pièce maîtresse de la législation sur l’immigration, le gouvernement libéral du premier ministre Louis St-Laurent paissait en 1952 la Loi sur l’immigration. Semblable à celle qui lui avait précédé en 1910, la nouvelle loi a simplifié l’administration de l’immigration avec l’accroissement du nombre de personnes déplacées et de réfugiés qui entraient au Canada.
La nouvelle loi a également donné de larges pouvoirs, y compris « un grand degré de pouvoir discrétionnaire sans contrôle », au ministre responsable de l’immigration.[5] La sélection et l’admission d’immigrants potentiels ont été confiées au Gouverneur en conseil, en réalité au Cabinet fédéral qui était représenté par le ministre de l’immigration. À la suite de ces changements, le Cabinet fédéral pourrait refuser l’entrée à toute personne sur la base de la nationalité, du groupe ethnique, de l’occupation, du style de vie incluant l’homosexualité, l’usage de drogue, le trafic de drogue, l’inaptitude au climat du Canada, une incapacité perçue pouvant être facilement assimilable, et une idéologie ou une croyance personnelle, en particulier le communisme.[6] En substance, le gouvernement du Canada a recherché des immigrants qui supportaient les valeurs de la classe moyenne, à prédominance blanche et chrétienne et qui pouvaient apporter une contribution significative à l’économie à titre de travailleurs qualifiés et de professionnels.[7]
La libéralisation de la politique d’immigration
Officiellement connu comme le Décret du Conseil CP 1967-1616, le « système de points » établissait de nouvelles normes d’évaluation des candidats à l’immigration. Dans un effort pour éliminer la nature subjective de la sélection des immigrants par les représentants canadiens d’outre-mer, les nouvelles normes ont amélioré l’objectivité des procédures d’admission dans l’évaluation des immigrants en utilisant des points dans des catégories spécifiques relatives aux compétences professionnelles, à l’historique d’emploi, l’éducation, la compétence en anglais et en français et à la réputation personnelle. Les immigrants potentiels qui recevaient 50 points ou plus sur un total de 100 étaient admis au Canada sans aucune considération de leur identité ethno-raciale ou de leur pays d’origine.[8] L’aspect subjectif ou discrétionnaire de l’examen n’a pas été entièrement éliminé : 15 points demeuraient à la disposition de l’agent d’immigration pour désigner un candidat selon ses « qualité personnelles ».[9]
Moins d’une décennie plus tard, la Loi sur l’immigration de 1976 est devenue la première loi sur l’immigration depuis la Confédération à présenter les objectifs de la politique de la loi sur l’immigration et par conséquent a été accueillie favorablement au sein de la société canadienne.[10] Au cours des dernières années, le gouvernement canadien a refusé l’entrée aux immigrants jugés inadmissibles selon les catégories suivantes : la sécurité, les violations des droits humains ou des droits internationaux, la criminalité, le crime organisé, les motifs de santé, les raisons financières, les fausses déclarations, la non-conformité à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés de 2001 ou avoir un membre de la famille inadmissible.[11]
Conclusion
L’admissibilité demeure un concept puissant dans la politique et la mise en pratique de l’immigration au Canada. Depuis la Confédération, le gouvernement canadien a changé les règles d’admissibilité afin de refléter l’évolution des attitudes envers les groupes d’immigrants. Dans bien des cas, les personnes et les groupes sont jugés « désirables », tandis que d’autres étaient « indésirables ». Ces derniers se sont vu refuser l’entrée au Canada, ainsi exclus de pouvoir commencer une nouvelle vie dans le pays qu’ils avaient choisi pour se réétablir. Les changements sociaux et culturels ont amené les autorités canadiennes à repenser ce qui est désirable ou indésirable, plusieurs fois depuis la Confédération. Toutefois, les éléments essentiels à l’inclusion ou à l’exclusion, les questions de santé, de réputation et d’économie, sont demeurés constants pendant plus d’un siècle de la politique canadienne et de sa pratique.
- Gouvernement du Canada (ci-après GC), Site Web de la législation (Justice), “VI. Distribution of Legislative Powers,” consulté le 23 avril 2014, http://laws-lois.justice.gc.ca/fra/const/page-4.html
- Lindsay Van Dyk, “les lois canadiennes sur l’immigration,” consulté le 23 avril 2014, /research/immigration-history/canadian-immigration-acts-and-legislation; Ninette Kelley et Michael Trebilcock, The Making of the Mosaic: A History of Canadian Immigration Policy (Toronto: Les presses de l’Université de Toronto, 1998), 62, 83; Reginald Whitaker, Canadian Immigration Policy since Confederation (Ottawa: Canadian Historical Association, 1991), 4.
- Van Dyk, “Canadian Immigration Acts and Legislation;” K. Tony Hollihan, “‘A brake upon the wheel’: Frank Oliver and the Creation of the Immigration Act of 1906,” Past Imperfect 1 (1992): 96, 106-107; Kelley et Trebilcock, Making of the Mosaic, 131-133; Barbara Roberts, Whence They Came: Deportation from Canada 1900-1935 (Ottawa: Les presses de l’Université d’Ottawa, 1998), 57-58.
- Van Dyk, “Canadian Immigration Acts and Legislation;” Knowles, Strangers at Our Gates: Canadian Immigration and Immigration Policy 1540-2006 (Toronto: Dundurn Press, 2007), 85-86; Kelley et Trebilcock, Making of the Mosaic, 137-138.
- Knowles, Forging Our Legacy: Canadian Citizenship and Immigration, 1900-1977 (Ottawa: Travaux publics et services gouvernementaux Canada, 2000), 72-73; Van Dyk, “Canadian Immigration Acts and Legislation;” Kelley and Trebilcock, Making of the Mosaic, 314, 324-326; Freda Hawkins, Canada and Immigration: Public Policy and Public Concern (Montreal and Kingston: McGill-Queen’s University Press, 1988), 102-103.
- Knowles, Forging Our Legacy, 72-73.
- Une conséquence inattendue de la nouvelle loi, ce qui a également chargé considérablement le bureau du ministre.
- Van Dyk, “Canadian Immigration Acts and Legislation;” Kelley et Trebilcock, Making of the Mosaic, 359-360; Knowles, Forging our Legacy, 84; Whitaker, Canadian Immigration Policy since Confederation, 19. See also Triadafilos Triadafilopoulos, “Dismantling White Canada: Race, Rights and the Origins of the Points System,” in Wanted and Welcome? Policies for Highly Skilled Immigration in Comparative Perspective, ed. Triadafilos Triadafilopoulos, 15-38 (New York: Springer, 2013).
- Hawkins, Canada and Immigration, 424. Le service a lutté sur la façon de répartir ces points d’une façon compatible avec la tentative d’impartialité du système plus vaste. Voir Bibliothèque et Archives Canada, fonds de la Direction générale de l’immigration, volume 938, dossier “Immigration Manual,” classeur 18.
- Van Dyk, “Canadian Immigration Acts and Legislation;” Knowles, Strangers at Our Gates, 169-170; Kelley and Trebilcock, Making of the Mosaic, 372, 380; Freda Hawkins, Critical Years in Immigration: Canada and Australia Compared (Montreal: McGill-Queen’s University Press, 1991), 70, 73.
- Government du Canada, “Determine your eligibility – Immigrate to Canada,” consulté: 24 avril 2014, http://www.cic.gc.ca/francais/immigrer/admissibilite.asp; Government du Canada, “Reasons for inadmissibility,” accessed: 24 April 2014, http://www.cic.gc.ca/francais/information/inadminissible/qui.asp