L’Acte d’immigration de 1910 augmentait encore davantage les pouvoirs discrétionnaires du gouvernement en matière de contrôle de l’afflux d’immigrants au Canada, en renforçant et en augmentant les dispositions stipulées dans l'Acte de l’immigration de 1906.
En vertu de la nouvelle loi, la liste des immigrants indésirables était allongée et le gouverneur en conseil (soit le cabinet fédéral) obtenait plus de pouvoirs de porter des jugements discriminatoires au sujet de l’admissibilité et de la déportation. Une nouvelle disposition précisait que le gouverneur en conseil pouvait arbitrairement interdire l’arrivée de tout immigrant jugé « inadapté au climat ou aux exigences du Canada ». Les immigrants parrainés par les organismes de charité étaient aussi exclus, à moins d’avoir obtenu l’autorisation préalable du surintendant de l’immigration à Londres. Cette condition fut établie en réaction à un afflux d’immigrants britanniques pauvres en 1907, parmi lesquels plusieurs avaient reçu l’aide d’organismes de charité afin de faciliter leur immigration.[1]
Cette loi introduisait aussi le concept de domicile, ou résidence permanente, qu’un immigrant pouvait obtenir après avoir résidé pendant trois ans au Canada. Jusqu’à l’attribution du statut de résident permanent, un immigrant pouvait être déporté s’il se voyait classé indésirable. Parmi les immigrants indésirables, on retrouvait les prostituées, les proxénètes, les vagabonds et les détenus des pénitenciers, des hôpitaux et des asiles d’aliénés. En vertu de la nouvelle loi, les dissidents politiques militant en faveur du renversement par la force du gouvernement et ceux qui tentaient de troubler l’ordre public s’exposaient à la déportation.[2]
Les responsabilités des conseils d’examen furent élargies et plus clairement définies par l'Acte d’immigration de 1910. Ceux-ci obtinrent le pouvoir de décision face à l’admissibilité et la déportation, à partir de toute preuve jugée crédible ou digne de confiance. Afin de veiller à ce que le pouvoir en matière d’immigration demeure l’apanage de la branche exécutive du gouvernement, la loi interdisait aux tribunaux et aux juges de réviser, renverser ou d’interférer de quelque façon que ce soit avec les décisions du ministre responsable de l’immigration et les travaux des conseils d’examen.[3]
Les décrets du conseil adoptés plus tard au cours de cette année renforcèrent les politiques d’immigration restrictives. Tous les immigrants d’origine asiatique étaient tenus d’avoir 200 dollars en leur possession avant d’obtenir le droit d’entrée (CP 926, 9 mai 1910), tandis que les autres immigrants, hommes et femmes, étaient tenus de posséder un minimum de 25 dollars au moment de leur arrivée au Canada (CP 924 9 mai 1910).[4]
Bibliothèque et Archives Canada. Statuts du Canada. Loi concernant l’Immigration, 1910. Ottawa: SC 9-10 Édouard VII, Chapitre 27
- Valerie Knowles, Strangers at Our Gates: Canadian Immigration and Immigration Policy, 1540-1997 (« Étrangers à nos portes : Immigration et politiques d’immigration au Canada de 1540 à 1997 ») (Toronto: Dundurn Press, 1997), 85.↩
- Ninette Kelley and Michael Trebilcock, The Making of the Mosaic: A History of Canadian Immigration Policy (« La création de la mosaïque : une histoire des politiques canadiennes d’immigration ») (Toronto: University of Toronto Press, 1998), 137.↩
- Kelley et Trebilcock, 137-138.↩
- Knowles, 86.↩