L’Acte de l’immigration de 1906 introduisait une politique d’immigration plus restrictive, élargissant les catégories d’immigrants refusés, formalisait un processus de déportation et attribuait au gouvernement des pouvoirs de jugement arbitraire accrus lors de l’admission.
La nouvelle loi sur l’immigration fut élaborée sous la direction de Frank Oliver, ministre de l’intérieur de 1905 et 1911. Contrairement à son prédécesseur, Clifford Sifton, Oliver ne prônait pas l’immigration non règlementée de fermiers européens vers l’Ouest du Canada. Il favorisait une politique plus sélective limitant la venue d’immigrants indésirables, plus attentive à leur origine culturelle et ethnique, plutôt qu’à leur potentiel économique.[1]
Une grande partie de la société favorisait l’imposition de règles plus sévères. L’immigration devenait de plus en plus diversifiée au début du 20ème siècle, en raison d’une politique d’immigration relativement ouverte, accueillant de plus en plus d’immigrants de l’Europe centrale, de l’Est et du Sud. Beaucoup de Canadiens exprimaient des préoccupations à l’effet que ces immigrants menaçaient la prévalence de normes anglo-saxonnes et étaient incapables de s’assimiler. Les syndicalistes craignaient qu’un afflux incontrôlé d’immigrants crée un surplus de main d’œuvre et entraîne une diminution des salaires au Canada.[2]
La nouvelle loi sur l’immigration conservait plusieurs dispositions de l’Acte d’Immigration de 1869, mais élargissait considérablement la liste des immigrants rejetés. L’immigration était interdite aux épileptiques, aux aliénés, aux personnes souffrant de problèmes de vision, de parole ou d’ouïe, souffrant de maladies contagieuses, ainsi que les démunis, pauvres et de toute personne susceptible d’être à la charge de l’État. Des aspirants immigrants convaincus d’actes criminels, de turpitude morale, de prostitution ou de proxénétisme étaient aussi inadmissibles. Le cadre législatif permettant de déporter les immigrants indésirables était un élément majeur de la loi. Toute personne ayant pu être classée dans une des catégories prohibées deux ans avant son arrivée au Canada pouvait être déportée. Les cas de déportation augmentèrent radicalement après 1906, le gouvernement devenant plus rigoureux pour identifier les personnes sujettes à déportation.[3]
Même si la loi ne limitait pas spécifiquement l’immigration sur la base de leur culture, de leur origine ethnique ou de leur nationalité, elle stipulait que le gouverneur en conseil (soit le cabinet fédéral) pouvait refouler n’importe quelle catégorie d’immigrants lorsque jugé nécessaire ou opportun. Le gouverneur en conseil pouvait aussi édicter des règles obligeant les immigrants à posséder un certain montant d’argent avant d’être autorisés à entrer au Canada. Le cadre interprétatif flou de ces dispositions confiait au gouvernement des pouvoirs discrétionnaires absolus permettant de restreindre le flux d’immigrants selon les idéologies dominantes à l’égard de la race, de la désirabilité et de l’assimilation. Afin de réguler l’admission, la loi créait des comités d’enquête dans tous les ports afin de décider du sort des immigrants demandant l’admission.
Malgré la mise en œuvre d’une politique d’immigration plus sélective, les immigrants provenant de pays indésirables tels l’Italie, l’Ukraine, la Pologne et la Russie arrivaient au Canada en nombre croissant. Les besoins de main-d’œuvre de l’industrie nécessitaient la venue de travailleurs non-spécialisés de pays moins recherchés.[4]
Bibliothèque et Archives Canada. Statuts du Canada. Acte concernant l’immigration et les immigrants, 1906. Ottawa: SC 6 Édouard VII, Chapitre 19
- K. Tony Hollihan,”’A brake upon the wheel’: Frank Oliver and the Creation of the Immigration Act of 1906,” (« Un frein sur la roue : Frank Oliver et la création de la Loi sur l’immigration de 1906 ») Past Imperfect 1 (1992): 96.↩
- Ninette Kelley et Michael Trebilcock, The Making of the Mosaic: A History of Canadian Immigration Policy (« La création de la mosaïque : une histoire des politiques canadiennes d’immigration ») (Toronto: University of Toronto Press, 1998), 131-133.↩
- Barbara Roberts, Whence they Came: Deportation from Canada 1900-1935 (« D’où venaient-ils : Déportations du Canada, de 1900 à 1935 ») (Ottawa: University of Ottawa Press, 1998), 57-58↩
- Hollihan, 106-107.↩