Umeeda Switlo et Lella Umedaly

(Traduit d'anglais)
Umeeda Switlo (US) : En grandissant, nous avions... les communautés étaient divisées, en ce sens que les Blancs allaient dans les écoles blanches, les Noirs allaient dans les écoles noires, et les enfants ismaéliens et indiens allaient à l’école de la communauté ismaélienne. Et il y avait une grande communauté ismaélienne en Ouganda, très prospère et éduquée. Nous avions, à bien des égards, une vie communautaire merveilleuse. Beaucoup d’événements religieux. L’Aga Khan venait nous rendre visite. C’était très excitant. Une belle mosquée avec de beaux escaliers qui montaient jusqu’à l’étage où l’on faisait la prière. Et une communauté très ouverte. Nous avons beaucoup voyagé en Ouganda.

Lella Umedaly (LU) : Oui.

US : Nous allions camper dans des loges de safari, à un lac vraiment cool, le Lac Nabugabo. Nous― nous avions un endroit préféré, pas vrai, maman ?

LU : Oui, nous l’aimions beaucoup, il y avait des singes et ils volaient nos― les bananes et ce genre de chose. Nous adorions cet endroit.

US : Des pirogues, des hippopotames dans le lac et du ski nautique. Nous avons eu beaucoup d’aventures. Nous aimions vraiment notre vie en Ouganda.

(Traduit d'anglais)
Intervieweuse : Pourquoi êtes-vous partie seule au lieu de partir avec votre famille?

Umeeda Switlo : À une époque où l’armée violait les filles, un agent de la CIA avait réussi à obtenir, pour ma sœur et à moi, des visas étudiants en direction des États-Unis. J’allais à Medford, dans l’Oregon, et elle en Virginie de l’Ouest. Ils voulaient que les filles quittent le pays immédiatement. Idi Amin nous avait donné quatre-vingt-dix jours pour partir et nous sommes parties dans les deux premières semaines de ces quatre-vingt-dix jours.

Lella Umedaly : Quand Idi Amin a annoncé à la télévision que tous les Asiatiques devaient partir, il a fait marche arrière et a dit : « Seuls ceux qui ont la citoyenneté peuvent rester. » Eh bien, j’avais la citoyenneté. Toute notre famille l’avait. Nous tous...Je me suis dit : « Non, je ne peux pas laisser mes filles comme ça. » Il y avait beaucoup de viols qui se passaient, ce genre de chose. Et puis― je suis plutôt restée et nous les avons préparées à partir, une par une. Grâce à notre ami américain, nous avions ce qu’il fallait; il a tout arrangé pour nous.

(Traduit d'anglais)
Lella Umedaly : Ils ont tellement de respect pour tout le monde que je pense que même vous, n’importe quelle nationalité, qui voudrait voir la mosquée... On ne peut pas la visiter pendant la prière. Mais il y a un temps spécial pour les visites.

Umeeda Switlo : La communauté ismaélienne au Canada, en Colombie britannique, a dix-sept mosquées. On les appelle jama’at khanas. Ils ont un service bénévole très intéressant, le SEVA. Ce sont des bénévoles pour la communauté, qui sont très engagés dans la communauté canadienne. Nous avons un merveilleux Centre du pluralisme à Ottawa, un nouveau musée à Toronto. Ce sont des gens très instruits, une communauté engagée.

L’Aga Khan est un merveilleux chef spirituel et nous donne de fabuleux conseils. Il s’agit toujours d’éducation, de pluralisme et d’intégration, et de servir sa communauté. Ce sont les éléments fondamentaux de notre foi; ils restent avec nous. Et, bien sûr, prier régulièrement. Ouais, alors nous allons à la mosquée ici au Canada.

(Traduit d'anglais)
Je suis allée au Kenya et j’y ai vu ma famille. J’ai de la famille au Kenya. Puis j’ai pris l’avion pour aller en Ouganda. Ma fille était assise à côté de moi. Elle avait une vingtaine d’années à l’époque. Elle a remarqué à quel point j’étais anxieuse. Je suis habituellement une personne très calme, mais j’étais assez anxieuse. L’avion a atterri. Nous sommes descendues de l’avion et il y avait des panneaux partout disant qu’on ne pouvait pas prendre de photos. Mais ma fille a pris une photo de moi à l’atterrissage et j’ai posé mon pied sur le sol à, dans l’aéroport et tous ces moments, ce jour que j’ai décrit, le départ, me sont revenus. Une fille très triste, très fâchée a débarqué de l’avion. Et je ne savais pas quoi faire de ma colère.

Alors nous sommes allés voir l’agent d’immigration et ils m’ont demandé mon visa, je veux dire, de payer pour mon visa. Et c’était― ils ont dit que ça allait être cinquante dollars. Et tout d’un coup, j’ai dit, « Ouais, voici mon passeport canadien, mais vous savez que je suis citoyenne ougandaise. Je― vous avez pris ma maison, ma vie, mes chiens, que j’aimais tant. Et maintenant je dois payer, je dois payer pour revenir faire du travail humanitaire dans mon propre pays. » Et elle a dit : « Puis-je voir votre passeport? Votre passeport ougandais? » J’ai dit : « Non, il est dans ma poche, mais je ne vous le montre pas. Parce que si je vous le donne, vous pourriez le prendre et je ne le reverrai jamais. » Et c’est mon seul souvenir du temps que j’ai passé ici.

Et la dame a dit la chose la plus extraordinaire. Je me demande si ça ne lui était pas déjà arrivé. Mais elle a dit : « Madame, l’Ouganda a changé. Nous sommes désolés. Bienvenue à la maison. » J’étais chez moi.