Les historiens ont tendance à tendre l’oreille lorsqu’un lieu semble « muet » dans la mémoire collective. Cela s’est vérifié avec un lieu public situé près du Quai 21, dans le Port d’Halifax. L’Île Lawlor est voisine de l’Île McNabs, tout près de la passe de l’Est. Les gens d’Halifax adorent les îles du port. Tout le monde sait cela. L’Île du Diable (Devil’s Island), les îles Georges et McNabs – les gens ne s’en lassent pas. Mais curieusement, personne en ville ne sait grand-chose au sujet de l’Île Lawlor ou de son histoire.
C’est bizarre. Pourquoi tout cet engouement pour les autres îles et cette indifférence envers celle-ci ? Éh bien, l’Île Lawlor a une histoire complexe. C’était là que se trouvait la quarantaine d’Halifax, de la fin du 19e siècle jusqu’au milieu des années 1930. Elle abritait aussi un hôpital pour maladies vénériennes durant la Deuxième Guerre mondiale. Peut-être le lieu porte-t-il les stigmates de ces fonctions historiques ? Ou bien encore le fait que l’Île ait été désignée zone de protection environnementale (interdisant les visites impromptues) qui l’ont mise en marge de la mémoire collective ? Si peu de gens s’y rendent, l’absence d’interactions efface-t-elle le lieu de la conversation et de la conscience du public ? Les gens n’ont pas l’habitude de se rendre à l’île George non plus, mais ce lieu occupe une place importante dans l’esprit du public et a fait l’objet de nombreux travaux historiques, notamment un projet énergique de restauration et de commémoration mené par Parcs Canada !
Je ne peux fournir une réponse unique expliquant pourquoi nous semblons toujours regarder au-delà de cette île magnifique et historiquement importante du Port d’Halifax. Néanmoins, c’était un lieu de quarantaine, important pour de nombreux immigrants se dirigeant vers tout le pays, et donc, il est de notre ressort au Musée de travailler un peu avec ce patrimoine.
Dans le cas de l’Île Lawlor, nous avons eu de la chance. Le Dr Ian Cameron, docteur en médecine et historien chercheur accompli a effectué une importante somme de travaux au sujet de l’histoire de l’Île et même publié récemment une monographie à son sujet. Il y a dix-huit ans que l’édifice de la quarantaine s’est écroulé, ses restes ayant été éparpillés par un ouragan en 2003, mais nous espérions qu’une reconnaissance de l’Île nous permettrait de faire le décompte des ressources patrimoniales subsistantes. Si vous voulez en apprendre davantage dans une perspective de recherche historique, voir ci-dessous ; ma prochaine publication détaillera nos trouvailles !
Steve Schwinghamer est historien au Musée canadien de l’immigration et est affilié au Centre d’histoire orale et de récits numériques de l’Université Concordia. Avec Jan Raska, il a co-écrit Quai 21 : Une histoire Il s’intéresse aux politiques et aux lieux de l’immigration canadienne, en particulier au XXe siècle.