par Jan Raska PhD, Historien
(Mise à jour le 2 octobre 2020)
Introduction
Dans mon dernier blogue, Quelque chose à déclarer ? Partie 1 - L’immigration et les douanes, depuis la Confédération, présentait le rôle historique des douaniers au Canada et proposait certaines des demandes anecdotiques les plus amusantes et étranges provenant de voyageurs. Ce blogue continue l’examen du rôle des douanes comme partie essentielle de l’expérience du nouvel arrivant au Canada, à travers les témoignages d’un ancien agent de Douanes Canada au Quai 21 et d’immigrants qui sont passés par ici.
Témoignages personnels sur l’expérience douanière du Quai 21
En tant qu’agent de Douanes Canada au cours de la période d’après-guerre, Arthur Vaughan en a vu, des immigrants arrivant par le Quai 21 avant de monter dans les trains pour leur destination finale au Canada. Monsieur Vaughan raconte :
L’arrivée de personnes déplacées donnait lieu à des scènes qui tranchaient avec celles remplies de bonne humeur des épouses de guerre bavardant. Il est difficile de comprendre ce que ces âmes désespérées avaient subir à cause de l’inhumanité de l’homme envers l’homme. Ils sont arrivés avec presque aucun élément de valeur, leurs quelques biens transportés dans des sacs de différentes sortes ou des valises usées en carton. Ces gens venaient de plusieurs milieux de vie : l’agriculture, l’industrie, le commerce et, dans bien des cas, le milieu professionnel. Les ravages de la guerre avaient emporté leurs maisons, leurs moyens de subsistance et, trop souvent, leurs proches. Ils ont apporté leurs compétences avec eux et un espoir brûlant pour une nouvelle vie, dépourvue d’oppression et de privation. Comme on peut l’imaginer, il y avait très peu de travail pour le personnel des douanes, et nous savions que nous travaillerions simplement comme des aides afin de les assister dans les procédures nécessaires.[1]
Le 28 mai 1951, Milan V. Gregor, personne déplacée tchécoslovaque, est arrivé au Quai 21 à bord MS Nelly. Gregor se souvient : « Chaque émigrant pouvait emporter avec lui deux pièces de bagages avec un poids limité. Étant célibataire à ce moment-là, je n’avais qu’une seule petite valise. En Allemagne, un compatriote qui avait une femme et un enfant m’a demandé si je pouvais emporter au Canada sous mon nom une de ses bagages. J’ai dit oui. Après avoir débarqué et être entré dans l’immense salle des douanes avec ce fameux Bienvenue au Canada inscrit sur le mur dans de nombreuses langues, chacun de nous devait faire face à un agent des douanes qui se tenait debout près d’une table basse inclinée. Chaque immigrant devait vider ses poches et placer leur contenu sur cette table. Ensuite, il ou elle devait ouvrir les bagages. Quand j’ai ouvert la valise, j’ai figé : sous mes yeux se trouvaient un déshabillé féminin, un soutien-gorge et petit-pot pour enfant ! L’agent a souri. Il avait compris la situation ! Mais il n’a pas commenté. »[2]
Le 22 juin 1954, l’immigrante d’origine allemande Ilse Koerner est arrivée au Quai 21 à bord SS Conte Biancamano. Madame Koerner se souvient que les immigrants étaient dirigés de façon à ce qu’ils placent leurs bagages contre un mur.
La nourriture appartenant aux immigrés était confisquée et empilée au milieu de la salle. Des rayons de soleil dessinaient une sorte de nature morte aux couleurs éclatantes sur cette montagne de saucisses, de miches de pain, de meules de fromages, de fruits et d’autres denrées périssables. Nous avions seulement deux valises et deux sacs à main. Nous avons été attribués au premier groupe à pouvoir s’asseoir sur les chaises placées en rangées. Pendant que nous attendions, des immigrants remplis de vie nous divertissaient : des enfants couraient autour de l’amas de nourriture au centre, des filles allaient chercher les petits qui s’étaient égarés, des mères tentaient de calmer les bébés en pleurs en les berçant dans leurs bras. Des hommes portaient et poussaient les bagages, se criant les uns aux autres à travers la grande salle. Tous ces hommes gesticulaient avec leurs mains, essayant de se faire comprendre par les responsables.[3]
Conclusion
Ces exemples de première main au Quai 21 illustrent bien l’importance de l'expérience des douanes, pour les responsables, comme pour les nouveaux arrivants. Les études sur l’histoire de l’immigration et l’histoire ethnique au Canada passent souvent en survol toute discussion au sujet des douanes comme étant une partie essentielle des toutes premières expériences des immigrants au Canada. La prochaine fois que vous entrerez au Canada et passerez les douanes, vous tenterez d’imaginer comment cela pouvait être en 1867, en 1911, dans les années 1930 ou 1950 d’être un agent des douanes ou un immigrant attendant avec inquiétude d’être autorisé à entrer au pays… Avez-vous quelque chose à déclarer ?