Mur d'honneur de Sobey
Colonne
199
Rangée
27
Ariella Milanese est née en octobre 1936, à San Lorenzo di Fumicello, dans la province d’Udine, dans la région Frioul-Vénétie-Giulia, au nord-est de l’Italie. Elle est la fille de Romolo Milanese et d’Anna Pasqualini, la deuxième d’une famille de quatre enfants.
Un mois après la naissance d’Ariella, la famille s’est installée avec le reste de la famille de son père dans une petite ferme de la ville voisine, à Villa Vicentina. Romolo, ses parents, ses trois frères et leurs familles vivaient tous dans cette petite maison, soit 23 personnes en tout. Chaque famille avait sa propre chambre à coucher et il y avait une petite grange abritant les animaux qu’ils utilisaient pour compléter le revenu de l’entreprise familiale de camionnage.
Romolo et l’un de ses frères possédaient et exploitaient une petite entreprise de camionnage à Addis-Abeba, en Éthiopie. Ils envoyaient de l’argent à la maison tandis que les deux autres frères restaient à la maison, en Italie, et s’occupaient de la famille.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, lorsque les forces alliées ont libéré l’Éthiopie de l’occupation nazie, tous les Allemands et les Italiens ont été emprisonnés dans des camps de prisonniers de guerre, puis leurs biens ont été saisis. Romolo et son frère ont tout perdu. Romolo est resté prisonnier jusqu’à la fin de la guerre, mais son frère s’est échappé et vivait librement parmi les habitants de la région.
La plus jeune fille de Romolo est née alors qu’il était emprisonné en Éthiopie, et elle n’a pas rencontré son père avant l’âge de six ans. Après sa naissance, il voulait une photo d’elle pour voir de quoi elle avait l’air. Anna a donc emmené ses trois filles en ville pour prendre une photo afin de l’envoyer à leur père et, avec l’argent restant, elle voulait acheter une petite poupée à chacune d’entre elles, à condition qu’elles se comportent bien. Cependant, lorsque le photographe a voulu s’assurer que les filles regardaient l’appareil photo, la petite Ariella a pris les choses un peu trop au pied de la lettre. Le photographe a dit aux filles « regardez, le petit oiseau va sortir » et la petite Ariella est sortie du cadre pour chercher l’oiseau. Cette photo et plusieurs autres ont été ruinées avant qu’ils n’en obtiennent enfin une bonne. Malheureusement, cela a épuisé le peu d’argent qu’elles avaient et les filles n’ont pas pu acheter de nouvelles poupées, à leur grand désarroi.
À cette époque, en Italie, il n’était pas courant pour les enfants de poursuivre leur scolarité au-delà de la cinquième année, car beaucoup d’entre eux devaient travailler dans les fermes familiales. Cependant, Ariella était différente; elle voulait continuer à apprendre. Son grand-père a dû supplier le professeur de la laisser aller en sixième année. Elle a finalement obtenu l’autorisation, mais a dû faire l’aller-retour en vélo à plus d’une heure de route, car c’était le seul endroit à proximité offrant la sixième année.
Ariella voulait apprendre à coudre. Sa famille l’a encouragée à demander des leçons à une couturière experte d’une ville voisine. Cependant, avant que la couturière ne puisse l’aider, Ariella devait obtenir ses certificats de coupe et de conception. L’endroit le plus proche pour obtenir ces certifications se trouvait à une longue distance en bus ou en train. Le train ne s’arrêtait même pas à Villa Vicentina, et personne dans la famille n’avait de voiture. Le père d’Ariella s’est donc arrangé avec un ami qui allait la chercher à la gare et la ramenait à la maison, généralement après minuit. Ariella a travaillé sous la direction d’une couturière experte pendant trois ans, confectionnant des vêtements simples pour sa famille. Elle se souvient qu’il a fallu beaucoup de temps avant que les vêtements commencent à être beaux, et qu’elle a surtout appris sur le tas.
Comme c’était courant en Italie, les soldats du sud étaient envoyés au nord et vice versa, dans le cadre de leur service militaire obligatoire. Comme c’est souvent le cas, les personnes en poste loin de chez elles se mêlent aux habitants et inévitablement, des relations se développent. C’est ce qui est arrivé à Ariella et à sa grande sœur. Sa sœur a épousé un jeune homme de Sardaigne et, des années plus tard, Ariella a épousé un jeune homme de Sicile. Malheureusement, pendant la majeure partie du temps qu’ils se sont fréquentés, le mari d’Ariella a été beaucoup plus malade qu’il ne l’avait laissé entendre. À 23 ans, mariée depuis moins de trois semaines, Ariella était veuve.
Elle s’est retrouvée seule et responsable du bar de son mari. Elle y a travaillé pour passer le temps, pour gagner un peu d’argent et pour honorer la mémoire de son défunt mari, avec l’aide de quelques amis et de sa famille. Un jour, Mario Pecile, le frère du voisin d’Ariella, est entré dans le bar. Il avait immigré au Canada huit ans plus tôt et était de retour pour rendre visite à sa famille. Il a instantanément été séduit par Ariella et son statut de veuve ne semblait pas avoir d’importance à ses yeux. Ariella a cependant hésité à lui parler. Il a commencé à lui envoyer des lettres tous les jours par l’intermédiaire de sa sœur. Mario et Ariella se sont parlé par lettres pendant un an, puis l’amour a fleuri. Ariella a accepté d’immigrer au Canada et de l’épouser.
À la fin du mois de novembre 1960, Ariella était prête à quitter l’Italie et à commencer sa nouvelle vie au Canada. Le beau-frère de Mario et la mère d’Ariella ont conduit Ariella à Milan, où elle devait prendre un vol pour Rome, puis où elle devait prendre un vol de correspondance pour Toronto, au Canada. Les choses ont cependant vite changé, car le vol entre Milan et Rome avait du retard et elle a manqué son vol de correspondance pour Toronto.
Elle a discuté pendant des heures avec la compagnie aérienne et les a convaincus de faire tout ce qu’il fallait pour régler les choses; absorber les frais, payer un télégramme envoyé à Toronto et payer l’hôtel entre temps, pour elle-même, une jeune passagère et ses deux jeunes enfants. Les deux femmes ont finalement obtenu un vol de correspondance via New York. Ariella a aidé la femme à s’occuper de ses enfants pendant qu’elles attendaient de partir vers le Canada.
Elle est arrivée à New York deux jours plus tard, mais ce ne fut pas une expérience agréable, car les deux femmes ne parlaient pas l’anglais et le comprenaient encore moins. Elles ont été sorties de l’avion par deux policiers et interrogées dans une petite salle d’attente. En attendant leur correspondance vers Toronto et après avoir rencontré de nombreuses difficultés liées à la barrière de la langue, Ariella a pu obtenir du lait pour les enfants.
Ariella a enfin atterri à Toronto après un voyage long et cahoteux et a été accueillie par Mario, qui avait reçu son télégramme lui annonçant le changement de plan.
Ariella avait un visa indiquant qu’elle avait un mois pour épouser Mario, sinon elle serait expulsée vers l’Italie. Onze jours après son arrivée, ils se sont mariés lors d’une petite cérémonie à laquelle ont assisté quelques amis que Mario s’était faits au Canada.
Lorsqu’Ariella est arrivée au Canada, sa grande malle, remplie de vaisselle, de serviettes, de draps, de couvertures et d’autres articles de literie, ainsi que d’une machine à coudre, avait été perdue. Ariella a donc commencé son mariage sans la plupart des fournitures dont elle avait besoin. Elle a dû magasiner pour ces articles et Mario s’est arrangé pour que la femme de son propriétaire l’aide pendant qu’il était au travail. Ariella a finalement reçu sa malle un mois après son arrivée. Une partie de sa vaisselle était cassée.
Lorsqu’Ariella est arrivée au Canada, Mario vivait dans un studio typique. Après leur mariage, ils ont loué un petit appartement sur l’avenue McRoberts, dans la petite Italie de Toronto. Ils se sont disputés avec le propriétaire et ont trouvé un autre appartement sur l’avenue Earlscourt, où la propriétaire était une dame douce et gentille. Le couple est resté à cet endroit jusqu’à ce qu’ils achètent leur première maison.
Ariella voulait travailler pour aider sa nouvelle famille à gagner de l’argent, mais lorsqu’elle a appris qu’elle était enceinte, Mario n’a plus voulu la laisser sortir, craignant que quelque chose n’arrive au bébé. Vivant de maigres revenus fixes, Ariella et une amie, également enceinte et originaire de la même région d’Italie, allaient régulièrement acheter du tissu pour fabriquer leurs propres vêtements de bébé, couches, literie, etc. Mario et Ariella sont sortis dans le but d’acheter un berceau, mais les superstitions auxquelles ils croyaient les ont empêchés de le faire avant la naissance du bébé. Leur premier fils, Stefano, est né en janvier 1962.
En octobre de la même année, Mario et Ariella ont acheté leur première maison, un petit bungalow de North York, pour la somme de 15 000 $.
Leur deuxième fils, Robert, est né juin 1965.
Un club de couture/social a rapidement été formé. Il était beaucoup moins cher d’acheter de grands morceaux de tissu et de fabriquer ses propres vêtements que d’en acheter de nouveaux. Ariella a donc commencé à confectionner des vêtements pour sa famille et ses amis, pour les occasions spéciales et les événements importants. Il n’était cependant pas facile de fabriquer ces vêtements toute seule, et elle a donc demandé l’aide de son petit groupe d’amies. Bien que le groupe ait été créé pour la couture, il s’agissait plutôt de rencontres sociales parsemées d’activités de couture, chacune informant les autres des dernières nouvelles personnelles.
Ariella a obtenu son permis de conduire en 1972. Ariella a obtenu sa citoyenneté canadienne en 1975.
Vers la fin de la cinquantaine, Mario a commencé à avoir des pertes de mémoire et à être désorienté par des choses simples. Un jour, il s’est assis avec sa femme et lui a demandé de noter leur adresse et leur numéro de téléphone, au cas où on lui demanderait ces renseignements et qu’il ne s’en souvienne plus. Cette situation s’est progressivement aggravée.
Il a fini par consulter un spécialiste pour voir ce qui n’allait pas. Il se souvenait qu’il avait deux fils, mais ne pouvait plus se rappeler de la date d’aujourd’hui. On lui a diagnostiqué une maladie d’Alzheimer précoce en 1988, à l’âge de 61 ans.
À la même époque, Ariella a appris que sa mère, en visite d’Italie, luttait contre un cancer dont l’état s’était considérablement détérioré et qu’elle devait être renvoyée en Italie de manière anticipée. Ariella et Mario l’ont accompagnée, et Ariella s’est occupée de sa mère mourante et de son mari. L’état de Mario s’est rapidement détérioré et il a été envoyé chez un spécialiste. Ariella a dû manquer les funérailles de sa mère pour s’occuper de son mari.
Mario passait la plupart de ses journées à dormir, mais se levait la nuit pour se promener. Ariella et Robert ont fait ce qu’ils ont pu pour s’occuper de lui, mais quand les choses sont devenues trop difficiles, la famille a accepté de le placer dans une maison de retraite où il serait surveillé 24 heures sur 24 et où il recevrait des soins appropriés. Il a passé le reste de sa vie dans une maison de retraite, recevant des visites quotidiennes de sa femme, des visites régulières de sa famille et de sa famille élargie, et où il a rencontré son premier petit-fils.
Mario est décédé en mai 1995.
En 2002, Ariella a rencontré un homme récemment veuf dont la belle-sœur était par hasard la voisine de la sœur aînée d’Ariella. Ce qui a commencé par une simple rénovation chez Ariella s’est transformé en une amitié de plus de 16 ans, au cours de laquelle ils ont passé la plupart de leurs journées ensemble, sont allés voir des pièces de théâtre, sont allés danser, ont pris des vacances dans le sud et même en Italie pour rendre visite à la famille d’Ariella.
En septembre 2018, alors qu’ils magasinaient, le compagnon d’Ariella a subi un accident vasculaire cérébral et est décédé, laissant Ariella seule une fois de plus.
Ariella vit toujours dans le petit bungalow qu’elle et Mario ont acheté en 1962.