Anne MacKinnon Jeffrey

Mur d'honneur de Sobey

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Anne MacKinnon Jeffrey

Anne MacKinnon Jeffrey

Ma sœur, Catherine MacKinnon Read, et moi avons quitté Gourock, en Écosse, sur le SS Bayano le 15 août 1940. Alors que nous descendions la Clyde, nous nous tenions au bastingage sur le pont supérieur, à regarder le pays qui nous avait vus naître disparaître à nos yeux et à nous demander quand nous le reverrions. Une fois en mer, nous nous sommes joints à un grand convoi composé de nombreux navires différents. Pour moi, c'était le début d'une véritable aventure.

Le SS Bayano, un bananier, avait été condamné avant la guerre, mais il avait repris du service pour transporter les enfants évacués au Canada afin qu'ils soient en sécurité. Le capitaine Bingham-Wallis était un homme bon, attentif et joyeux tout comme l'équipage du petit navire qui avait 99 passagers à son bord.

J'ai été séparée de ma sœur et mise en charge de deux petites filles dans une cabine avec trois couchettes dans la cale. Ma sœur était dans une autre cabine où une fille plus âgée était en charge. Nous avions espéré être sur le pont promenade, mais ça n'a pas fait de différence pour ce qui était du mal de mer. Le mal de mer était un gros problème. Le capitaine nous avait dit de manger beaucoup, surtout un gros bol de gruau au petit déjeuner pour bien se caler l'estomac, et que nous ne serions pas malades. Je l'ai fait et j'ai été bien pendant le voyage de 14 jours!

Les exercices avec les embarcations de sauvetage et les ceintures de sauvetage étaient très importants. Nous portions même les ceintures pour dormir la nuit. Plus tard, j'ai compris pourquoi. Les sous-marins allemands coulaient tous les navires, même les navires qui transportaient des enfants. Un bateau dans notre convoi a été torpillé et tout le monde est mort parce que personne ne s'arrête pour repêcher les survivants en temps de guerre. Notre convoi a été le dernier à transporter des enfants.

Les membres d'équipage étaient extrêmement gentils avec nous. Ils nous cuisinaient d'excellents repas, nous montraient des films, jouaient à des jeux, nous faisaient chanter, tout ça pour que nous ne pensions pas à la menace constante de périr en mer. Tous les jours, nous montions sur le pont pour les exercices avec les embarcations de sauvetage. Les enfants étaient divisés en groupes de 12 environ avec un adulte en charge. Ces femmes étaient comme des mères, des guides et des amies, des héroïnes méconnues du programme d'évacuation.

Quelques-uns d'entre nous, ceux qui étaient en santé, marchaient sur le pont promenade plusieurs fois par jour, et se tenaient au bastingage pour regarder les navires qui nous entouraient sur l'océan à perte de vue. Parfois les navires n'étaient que des petits points à l'horizon. Mais nous nous sentions toujours en sécurité à cause d'eux. Les oiseaux qui volaient autour du navire sans jamais sembler se poser nous étonnaient beaucoup.

Il y avait une chose que je n'aimais pas. C'était de prendre un bain en utilisant un petit bol d'eau ordinaire pour se savonner pour ensuite se rincer avec de l'eau salée pompée de l'Atlantique. Curieusement, l'eau salée ne causait pas de problème de peau.

Pendant tout ce temps, je voyais ça comme une grande aventure et j'étais toujours optimiste et heureuse.

La veille de notre arrivée, l'équipage a donné un concert et nous avons tous reçu des souvenirs du SS Bayano et mangé du gâteau et de la crème glacée.

Notre navire d'évacués a été le seul à ne pas finir son voyage à Halifax et au Quai 21, à cause de la présence de sous-marins. Nous avons remonté le fleuve Saint-Laurent en restant sur le pont pour regarder le paysage et nous étions béats devant la grandeur de ce pays, le Canada, qui allait être mon foyer pendant 4 ans.

Nous avons accosté brièvement à Québec, et ensuite nous avons continué vers Montréal où nous avons débarqué. On nous a servi un bon repas et donné des friandises à manger durant le voyage en train jusqu'à Toronto. Nous sommes tous restés dans des résidences de l'Université de Toronto, soit Fisher House et Hart House. Chaque jour, il y avait un examen médical quelconque et beaucoup de vaccins et un jour, on nous a examiné la tête au cas où nous aurions de poux. Environ 2 semaines plus tard, ma sœur et moi sommes parties en train pour Ottawa, en Ontario. Après avoir passé quelques jours dans 3 familles d'accueil, on nous a finalement conduites à la maison de notre famille hôte.

En août 1944 (j'avais 18 ans), je suis retournée en Écosse à bord, eh oui, du SS Bayano ! Il y avait un nouveau capitaine. Le capitaine Bingham-Wallis avait été renvoyé de la Marine royale parce que son navire s'était arrêté pour repêcher des survivants en mer. Un des jeunes officiers à bord était son fils, Geoffrey.

Je vais toujours me souvenir de la grande bonté dont on a fait preuve à notre égard en Écosse, sur le navire et au Canada.

Toute cette expérience a changé nos vies à jamais.

Après la guerre, ma sœur et moi sommes revenues au Canada et nous sommes fièrement devenues citoyennes canadiennes. Nous nous sommes mariées en 1949 et 1951 respectivement et nous vivons encore ici avec nos maris, nos enfants et nos petits-enfants.

Photographie d’un groupe de jeunes garçons et filles à bord du SS Bayano.
Anne, Catherine et les autres enfants évacués sur le pont du Bayano
Plusieurs jeunes garçons et filles sur le pont du Bayano.
Enfants sur le pont du Bayano.
Anne et sa sœur Catherine, jeunes femmes au Canada.
Anne et Catherine au Canada
Anne et Catherine, plus âgées, visitant le Quai 21 dans le cadre d’une réunion.