Pour la plupart des jeunes d'aujourd'hui, l'Holocauste est un cauchemar lointain, quelque chose qui a eu lieu il y a longtemps, dans un endroit éloigné. Ils ont entendu parler des atrocités et des statistiques, mais les jeunes Canadiens et Canadiennes, en particulier, n’ont, en grande partie, pas été personnellement affectés par cet exemple horrible du pire de l'humanité. Des livres, des documentaires et des monuments commémoratifs font parcourir un long chemin dans l'apprentissage de l'Holocauste, mais établir un lien personnel est le moyen le plus efficace d’avoir un impact émotif, inculquer l'empathie et, espérons, assurer la fin de tout génocide. Dans la matinée du 9 novembre 2015, le Musée canadien de l'immigration du Quai 21 et le Conseil Juif de l'Atlantique apportaient cette connexion personnelle aux étudiants néo-écossais en la personne du survivant de l'Holocauste, Sidney Zoltak.
Je n'avais jamais vu une salle de 400 étudiants du secondaire si calme. Personne ne parlait ou s’excitait, aucun n’appliquait de crème sur les lèvres, personne n’envoyait de texto ou jouait à des jeux sur leurs téléphones ou tablettes. Ils étaient juste assis là, silencieux, regardant fixement et écoutant le vieil homme de 84 ans sur la scène. Sa voix était claire et même s’il le leur racontait un récit, son récit, sa survie contre des obstacles presque insurmontables. En partie, c’était son charisme et sa présence qui commandaient leur attention, mais surtout que c’était son histoire à lui qui avait commencé lorsqu’il était jeune, comme eux. Il parlait avec tant d'éloquence des choses qui lui étaient arrivées et qu'il avait faites, à la fois extraordinaires et banales, lorsqu’il riait ils riaient et lorsqu’il essuyait une larme, ils faisaient de même.
La causerie éducative du 9 novembre était le point culminant de la semaine d’éducation sur l’Holocauste, un événement annuel présenté par le Conseil Juif de l'Atlantique, qui avait vu le Quai 21 devenir son partenaire pour trois présentations uniques. Tout d'abord, le film sur la famille de Nicky (Nicky’s Family) était présenté le 3 novembre, dans le cadre de notre série de films Pleins feux sur la diversité. Le documentaire raconte le récit de Sir Nicholas Winton et sa responsabilité personnelle pour le sauvetage de 669 enfants dans le cadre du Kindertransport. Dans mon introduction au film, le thème des gens ordinaires faisant des choses extraordinaires au nom de ce qui est juste ou tout simplement au nom de la survie, avait émergé. Ce thème se poursuivait dans mon esprit tout au long des deux événements suivants.
Le deuxième événement tenu au musée était l'anniversaire de la Nuit de Cristal (Kristallnacht), le dimanche 8 novembre. Le programme commençait par une explication de l'importance de la Kristallnacht (qui se traduit à peu près par la Nuit du cristal brisé) par un étudiant local, Shael Brown dont les paroles éloquentes donnaient le ton pour le reste de l'événement. Le court métrage poignant d’Andrew David Terris, Lullaby, une exploration dans l’assassinat de masse des Juifs lituaniens traçait la beauté envoûtante du poème de la poétesse juive lituanienne, Leah Rudnitsky. Le poème, appelé Birds are dreaming on their branches (Les oiseaux rêvent sur leurs branches) a été écrit après que 4 00 hommes et femmes juifs aient été fusillés massivement, dans la forêt à l'extérieur de Vilnius, en 1943. Rudnitsky avait vu un petit enfant errant dans le ghetto de Vilna, rendu orphelin par le massacre et qui a inspiré l’écriture du poème. Leah Rudnitsky avait elle-même péri dans un camp de concentration nazi en Estonie, moins de deux ans après avoir composé cette poésie.
Après le film, la soprano Janice Jackson exécutait des morceaux choisis d’un opéra à venir, d’un compositeur local Sandy Moore, Escape to Freedom (Fuite vers la liberté), qui également mettait un projecteur sur une personne ordinaire qui avait accompli des choses extraordinaires, d'abord au nom de ce qui est juste et ensuite afin d’assurer sa propre survie. Son nom était Mona Parsons. Elle était une femme de la Nouvelle-Écosse vivant aux Pays-Bas pendant l'occupation nazie et, elle et son mari néerlandais faisaient partie de la résistance, en aidant les aviateurs alliés abattus à s’échapper et à retourner en Angleterre. Lorsqu’ils avaient été capturés, elle avait été emprisonnée, mais son exécution était suspendue en raison de sa bravoure et de sa politesse. Elle avait finalement échappé à l'emprisonnement en Allemagne et était retournée aux Pays-Bas, puis au Canada. Son histoire de courage, sa ruse et son honneur restaient ensevelis depuis des décennies, jusqu'à ce que les minutes d’héritage de Historica Canada sur ses exploits donnent à Mona Parsons la reconnaissance qu'elle méritait :
Enfin, Sidney Zoltak fermait le programme Kristallnacht avec sa propre histoire de courage face à un grand péril, mais le héros, comme il rendrait cela encore plus clair le lendemain matin, n'était pas lui. C’était sa mère. Elle, une autre personne ordinaire, avait convaincu son mari de couper la clôture entourant le ghetto de Siemiatycze, en Pologne, pour que leur famille puisse s’échapper dans les bois environnants. Il a attribué à son incroyable volonté de survivre et à sa volonté de faire ce qui devait être fait pour sa propre survie. Alors qu'ils étaient cachés dans le bunker souterrain d'un fermier, elle enseignait à Sidney comment tricoter afin qu'il puisse faire des foulards pour les chandails qu’elle tricotait, ce qui était le seul moyen pour le jeune adolescent de tromper l'ennui pendant les longues journées dans l'obscurité.
Lorsque que l’on se souvient de l'Holocauste, il est aisé de voir le chagrin, la mort et la souffrance. Et cela est tout à fait valable. Mais le 27 janvier, alors que le monde fait une pause pour la Journée de commémoration de l’Holocauste des Nations Unies, nous devons nous rappeler que l'espoir existe, même dans le visage du mal. Nous devons nous rappeler ces gens ordinaires qui ont accompli des choses extraordinaires d'empathie, d'amour et de foi dans la communauté. Nous devons nous rappeler ceux qui, comme Mona Parsons, mettent leur vie en danger pour le meilleur. Nous devons nous rappeler ceux qui, comme Nicholas Winton, travaillaient sans relâche pour sauver les enfants en péril sous un régime pourri pariant sur leur anéantissement. Nous devons également nous souvenir de ceux qui, comme Sidney Zoltak, ont survécu et prospéré alors que c’était presqu’une impossibilité statistique.