Le 2 janvier, j’ai reçu un courriel de la part d’une Margot Tarajos, très fébrile. Elle demandait si nous serions ouverts pour sa visite, 367 jours plus tard. Margot avait deux ans et demi, le jour de la Saint-Sylvestre, le 31 décembre 1955, lorsque sa famille est arrivée au Quai 21. Elle débutait la planification d’un voyage de retour pour célébrer le 60e anniversaire de son arrivée.
Elle écrivait :
« Nous sommes passés par le Quai 21, d’Immigration Canada, selon mes documents estampillés, le 31 décembre 1955. Ma mère m’a dit qu'il était très tard dans la nuit. Il y avait des religieuses qui nous avaient accueillis avec un sourire chaleureux et convivial et avaient donné à ma mère trois chapelets, un pour chacun de nous, et nous avaient reçus au Canada. Les meilleures ambassadrices que ce pays ne pouvait jamais avoir. Ma mère a encore ces chapelets.
Ma mère a peu de souvenirs au sujet du quai 21 lui-même. Trop d'émotions pour une seule journée.
Ensuite, nous avions pris le train qui nous amenait à Scarborough, en Ontario. Nos documents avaient été estampillés par le Chemin de fer Canadien National, le premier janvier 1956. Le 31 décembre venait d’apparaître et de disparaître.
Il faisait très, très froid et mon père pensait que s’ils n’allumaient pas le chauffage nous allions certainement geler. Le train démarrait et était sorti pour quelques milles hors de la ville, s’était de nouveau arrêté et enfin la chaleur avait été allumée. Nous nous sommes installés pour notre première nuit au Canada.
Le lendemain matin, nous avions commencé notre voyage. Je ne pense pas que mes parents réalisaient la grandeur du Canada. Voyager deux jours de plus et demeurer toujours dans le même pays!
Mon père a demandé une bière au conducteur qui a répondu : « Il n'y a pas de bière au Canada ». Pas de bière!
Mon père a essayé de nous acheter de la nourriture; rappelez-vous qu'il ne parlait pas anglais, même pas un petit peu. Il était revenu avec du pain blanc et du « spam ». C’était très amusant quand on y pense aujourd’hui. Le pain blanc, nous l’appelions pain de « gomme balloune » et nous l’appelons ainsi encore aujourd'hui. Vous voyez, ils étaient habitués au pain de seigle et à la charcuterie. Sur une note positive, mon père aimait le spam, mais il était le seul! ...
... Enfin nous étions arrivés à la gare Union, de Toronto. Mon grand-père nous attendait avec une voiture qu'il avait empruntée à un bon ami. Nous avions eu une réunion joyeuse alors que nous étions en route vers notre première maison au Canada.
Mais d'abord, nous avons fait un arrêt sur Danforth Road, à une épicerie fine européenne, avec du pain de seigle et beaucoup de charcuterie. La vie était belle! Lorsque nous sommes arrivés à la maison, au 31 Commonwealth Avenue, à Scarborough, nous avons eu une soirée de bienvenue. Il y avait une baignoire pleine de glace et de bière. Jamais je n’avais vu mon père sourire comme ça. Ils avaient de la bière au Canada et même qu’ils la livraient à votre porte. »
Les parents de Margot avaient travaillé dur et avaient construit une vie merveilleuse pour leur famille au Canada. Elle écrivait : « Merci à ma mère, qui continuait à me parler en allemand, je suis encore capable de parler, écrire et lire l'allemand ... Mon père était gérant d'une compagnie de construction pour environ 33 ans. Il maîtrisait la langue anglaise. Il aimait vraiment ce pays et je dois dire qu’il n’avait jamais regardé en arrière. Le Canada était la patrie pour sa famille et il était fier de lui. Il est mort le 10 octobre 1987 et il me manque toujours. »
Margot termine son histoire en écrivant : « imaginez que vous êtes jeune, que vous avez un petit enfant, que vous ne parlez, lisez ou écrivez la langue, que vous n’avez que très peu d'argent et que vous laissez la plupart de vos biens derrière, que vous venez dans un nouveau pays et que vous commencez une nouvelle vie!
Ce récit est consacré à mes parents, qui ont eu le courage et la perspicacité de faire exactement cela. Sans eux, je ne serais pas en mesure de vous dire fièrement aujourd'hui « JE SUIS CANADIENNE ». »
Je suis très impatiente de la visite de Margot le 31; de me joindre à elle pour célébrer le 60e anniversaire de son arrivée au Canada et d’offrir un toast en l’honneur de ses parents, avec une Molson Canadian, je pense.