Nancy Belle Archibald

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Nancy Belle Archibald
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War Bride

Mme Nancy Archibald, épouse de guerre, vit à Victoria, en Colombie-Britannique. En août 2011, elle a célébré son 90e anniversaire et le 65e anniversaire de son arrivée au Canada par le Quai 21. Elle a été rejointe par sa famille : sa fille Margaret et son gendre, Roger Amoroso, son fils Bill Archibald et sa belle-fille, Kay Norton, et ses deux-petits-fils, Geoff et Rob Archibald.

Nancy Belle Archibald (née Chester)

NOTRE VOYAGE AU CANADA (Mai 1946)

(Lettre d'une épouse de guerre de la Seconde Guerre mondiale à ses parents, relatant son voyage d'Angleterre au Canada avec sa fille de 17 mois, pour rejoindre son nouveau mari (S/Ldr RCAF) en Saskatchewan) par Mme Nancy Belle Archibald (née Chester)

Le mercredi 22 mai 1946, nous avons quitté Lancaster par le train de 10 h 20 du matin. À Preston, je me suis arrangée pour voir Geoff pendant un petit moment, sur le quai. Nous avons été heureuses d'arriver à la gare de Euston Station à Londres parce qu'il faisait très chaud et nous étions ankylosées à force de rester assises si longtemps. (J'ai oublié de mentionner que trois autres épouses voyageaient avec nous depuis Lancaster.)

Nous sommes arrivées à Euston vers 4 h de l'après-midi, et nous espérions pouvoir prendre une tasse de thé, mais nous avons dû récupérer nos bagages et nous présenter au R.T.O. canadien qui nous a inspectées et nous a toutes envoyées par bus à Londres à l'Hôtel de la Croix-Rouge sur South Street. On nous a dit de nous présenter immédiatement à l'officier médecin et au comptable pour nos derniers chèques et nos polices d'assurance. Finalement, à 7 h du soir, nous avons enfin pu goûter à la fameuse tasse de thé dont nous avions envie.

Nous avons appris que nous devions passer la nuit dans cet hôtel, que nous devrions nous lever à quatre heures du matin le lendemain, prendre le petit déjeuner à cinq heure et être prêtes à partir en train juste après. Comme Margaret a dû dormir avec moi sur un étroit lit superposé, aucune de nous n'a réussi à bien dormir et il a été difficile de se lever à 4 h. Mais le bruit que faisaient toutes les autres femmes et les autres bébés m'ont vite tirée du lit.

On nous a emmenées en bus à la gare de Waterloo et là-bas, nous avons été aidées par le personnel de l'Armée canadienne et des Forces aériennes, puis des travailleuses de la Croix-Rouge sont venues nous offrir une tasse de thé fort appreciée vue l'heure si matinale.

Nous avons quitté Waterloo vers 7 h 30 du matin. Des infirmières et des officiers de l'armée et de l'armée de l'air voyageaient avec nous. Ils vérifiaient tous les détails, etc. Comme toutes les épouses voyageaient dans ce train avec leurs enfants, j'ai perdu contact avec la femme que je connaissais de Morecombe. Elle m'a manqué, parce qu'elle m'avait bien aidée avec mes bagages à main.

Nous avons quitté Londres par une belle matinée ensoleillée et la campagne avait un air de verdure et de fraîcheur. Il était presque 9 h 30 du matin quand nous sommes arrivées à Southampton, et comme le train s'arrêtait sur le quai, nous avons entrevu le Queen Mary, qui avait fière allure, avec une belle couche de peinture blanche et trois cheminées rouges, qui contrastaient avec les hangars gris des docks.

Nous sommes entrés dans les hangars et là, des fonctionnaires attendaient pour retrouver nos noms sur leurs listes de passagers. On s'occupait de nous par ordre alphabétique et j'ai été une des premières à franchir les barrières. Une volontaire de la Croix-Rouge portait Margaret et mon bagage à main pendant que je recevais mon passeport, ma carte médicale, et mes tickets pour la cabine et les repas. Aucun de mes bagages n'a été inspecté (alors que je m'y attendais), j'ai gravi la passerelle et ensuite, à mon grand étonnement, nous avons pris un ascenseur pour monter jusqu'au pont “M”.

J'avais l'impression de me promener dans un hôtel, avec les agents, debouts dans leurs habits blancs, attendant de nous servir. Les murs des longs corridors étaient garnis de très beaux panneaux, et les planchers brillaient comme de l'eau. Notre cabine était la M122 et, en temps de paix, c’était une cabine de première classe, mais elle avait été reconvertie et contenait quatre lits avec deux couchettes superposées. Aux couchettes du bas, ils avaient fixé des parcs pour enfants équipés de petits hamacs. Il y avait cinq femmes et quatre enfants dans la cabine, et donc pas mal d'animation.

Le premier repas que nous avons pris à bord était le déjeuner : soupe de tomate, petits pains blancs et beurre, côtes de porcs ou tranches de bœuf froides, petits pois, épinard et pommes de terre, suivis d'une tarte aux pommes et d'un café. Les repas étaient spectaculaires et je n'en ai manqué aucun. Il y avait des fruits frais, de la crème glacée, de la dinde, du poulet et du saumon à profusion ; et pour les enfants, ils avaient des menus spécialement préparés avec de la nourriture pour eux.

La salle du restaurant aurait pu être celle du Ritz ou du Dorchester et on nous apportait des chaises hautes pour les enfants, les repas étaient servis à 7 h du matin, à midi et à 6 h du soir, et il y avait deux tours de couverts pour chaque repas. On pouvait obtenir des boissons non alcoolisées dans le lounge que nous partagions avec les passagers réguliers.

Nous avions à notre disposition des pièces pour faire du lavage ou du repassage et une crèche de jour. Là, on pouvait laisser les enfants sous le contrôle d'infirmières compétentes. Et les enfants avaient accès à plein de jouets, dont certains qu'ils n'avaient jamais vus avant. Les crèches étaient situées un pont plus bas que le nôtre et les bébés pouvaient y dormir sous la surveillance d'une infirmière. Les mères pouvaient laisser leurs enfants dans une des crèches, par exemple quand elles voulaient faire du lavage ou du repassage.

Nous nous sommes arrangées pour nous procurer des couvertures pour le voyage, et chaque matin, Elsie et moi nous nous rendions sur le pont, trouvions un endroit abrité et y passions toute la matinée. Margaret s'endormait sous ma couverture. J'ai seulement eu le mal de mer le premier matin. Après ça, je me sentais juste la tête vide.

(Je vois que j'ai oublié de mentionner que nous avons quitté Southampton le jeudi après-midi à 4 h 30. Il y avait quelques personnes de la famille et quelques Canadiens sur le quai pour nous dire au-revoir. Quelqu'un a mis un disque sur un gramophone de Bing Crosby qui chantait 'Thanks for Everything' et ça passait dans les haut-parleurs. Je n'ai pas aimé ce moment du tout et ça m'a soulagée quand on nous a dit de nous présenter au rapport dans le lounge.)

La traversée n'a pas été trop dure, mais quand nous nous sommes approchés de la Nouvelle-Écosse, nous avons rencontré du brouillard, et nous ne pouvions plus aller nous asseoir sur le pont. C'est alors que j'ai été contente que notre voyage touche à sa fin.

Le lundi 27 mai, vers 4 h 30 de l'après-midi, nous avons vu la côte. À l'approche de Halifax nous avons été escortés par un navire de combat qui a piqué plusieurs fois sur notre bateau. À ce moment, tout le monde était debout sur les ponts et attendait d'accoster à Halifax. Il était 5 h quand nous sommes arrivés au quai et là il y avait un orchestre qui jouait 'Here Come the Brides' (marche nuptiale). Je n'ai pas été très impressionnée par ce que j'ai vu à Halifax mais les collines aux alentours étaient très vertes ; je ne m'attendais pas à cela, je pensais que la Nouvelle-Écosse était plutôt un pays infertile.

Cette nuit-là, nous avons été très occupées, rassemblant nos affaires qui devaient être collectées le soir même, et de nouveau, nous nous sommes retrouvées avec juste nos bagages à main. Seules les épouses qui allaient rester en Nouvelle-Écosse ont été autorisées à quitter le bateau cette nuit-là. Elles ont débarqué dans l'ordre de leur numéro de groupe. Des inspecteurs des douanes sont venus à bord et au fur et à mesure qu'ils appelaient les numéros de groupes, on sortait sur le lounge et on nous donnait nos billets de train et nos billets-couchettes. Des soldats étaient là, prêts à vous aider pour prendre les bagages à main, ou les enfants. On descendait identifier nos bagages sur le quai et les officiers des douanes les cochaient quand ils avaient repéré leurs propriétaires.

Ensuite nous sommes allées vers les trains et nous avons pris nos places. Les trains étaient spacieux. Ils avaient un aspect lourd, avec un garde très haute au-dessus du sol. Ils ressemblaient en fait à ceux qu'on voit dans les films. Toutes les femmes dans le wagon voyageaient à Saskatoon, ou dans les environs, et nous nous sommes vite fait des amies ; il n'y avait pas beaucoup d'enfants dans notre wagon. Certains wagons étaient bondés d'enfants et très bruyants. Tous les repas dans le train étaient très bons. Ils ne s'occupaient pas beaucoup de la nourriture pour les enfants, mais comme Margaret n'était pas bien du tout et qu'elle avait froid et la diarrhée, elle ne pouvait pas manger grand-chose.

La première nuit nous avons traversé des paysages qui ressemblaient un peu à certaines régions en Angleterre et notre premier arrêt a été dans une ville appelée Moncton. Là nous avons acheté des oranges et des journaux. Les couchettes ont été préparées après le souper à 6 h 30 du soir. Margaret et moi avons dormi dans la couchette du bas. C'était agréable de se réveiller le matin, de tirer le store et de voir défiler la campagne. La campagne jusqu'à Montréal était agréable, plutôt proche des campagnes anglaises, et il y avait beaucoup de maisons peintes en blanc avec des toits très colorés.

Nous sommes restées une heure à Montréal mais comme nous étions dans une voie de garage, nous n'avons rien vu de la ville, et comme il faisait très chaud, nous avons été heureuses de remonter dans le train et de retrouver l'air conditionné. Je ne pense pas que les trains ici valent les trains de ligne en Grande-Bretagne ; ici les trains vous secouent tellement d'un côté à l'autre, en tout cas celui dans lequel nous étions nous secouait dur.

Le voyage de Montréal à Winnipeg a été plutôt ennuyant au bout d'un moment, puisqu'on ne voyait que des forêts. De temps en temps il y avait un grand lac, et puis, de nouveau, de la forêt. J'ai appris depuis que nous sommes venues par la pire région de l'Ontario, et que le sud de l'Ontario est bien plus joli. Nous étions contentes de voir Winnipeg. Le paysage était très diffèrent, très plat, avec beaucoup de larges espaces.

On a eu une belle journée ensoleillée jusqu'à Saskatoon (à 12 h de Winnipeg) et nous commencions à être très excitées ; nous nous tenions déjà prêtes des heures avant notre arrivée, le vendredi 31 mai à 8 h 30 du soir. Il y avait plein de gens à la gare. Margaret s'est endormie dans mes bras le temps de descendre les marches du train et la moitie d'un escalier. J'étais très nerveuse et je me demandais si mon chapeau était bien ajusté.

Je me rappelle avoir vu Jack sortir de la foule en courant et il m'a semblé rencontrer ensuite cent et une personnes ! Les rues étaient gaiement éclairées, avec des enseignes en néons partout. Je les ai remarquées quand nous avons conduit à l'hôtel où nous devions passer la nuit.

Le père de Jack était aussi là, et le lendemain, après avoir rencontré des tonnes et des tonnes de gens, nous avons conduit pendant 135 miles jusqu'à St Brieux, où vivaient la mère et le père de Jack. C'était un long voyage et toute une expérience, parce que les routes étaient en mauvais état et poussiéreuses, et les villages à des miles les uns des autres. Nous sommes arrivés à St. Brieux à l'heure du thé, et satisfaits d'être enfin parvenus à notre destination finale après onze jours de voyage.

Je vais essayer d'écrire une autre lettre sur ce pays et sur tout ce qu'il y a de nouveau ici.