Mur d'honneur de Sobey
Colonne
174
Rangée
19
Luigi e Grazia Letizia Napolitano
L'histoire d'immigration de Luigi Napolitano (immigrant italien)
Voici l'histoire de Luigi Napolitano et de son épouse Grazia Letizia Marzo Napolitano, qui ont voyagé vers le Canada en quête d'une vie meilleure.
Pendant les années 1940 et 1950, la vie était difficile dans le sud de l'Italie. Luigi venait de passer trois terribles années comme prisonnier de guerre, de 1942 à 1945. Il avait fait du travail forcé et avait reçu très peu de nourriture, bien souvent que du pain et de l'eau. Il avait été témoin de nombreux bombardements, de la mort et de la destruction. Pendant cette période il n'a jamais été certain qu'il survivrait pour revoir sa famille. Il a cependant survécu et il a pu retourner dans son petit village de Chiesanuova, près de Gallipoli, dans la région sud-italienne de Pouille. Après avoir subi aux horreurs de la guerre, il était déterminé à bâtir sa vie. Il venait d'une famille d'agriculteurs et a donc commencé à planter des cultures afin d'essayer de s'établir et de fonder sa propre famille. Son sens de l'idéalisme lui était revenu.
Il a renoué avec ses amis d'enfance et ils se rendaient souvent dans le village voisin de Sannicola. Lors d'une promenade, il a vu une jeune femme qui faisait de la broderie assise à l'extérieur de sa maison, comme c'était la coutume à l'époque. Letizia, comme l'appelaient les membres de sa famille et ses amis, était fougueuse, pleine de vie et de sourires. Luigi a donc rapidement commencé à lui faire la cour, ce qui impliquait de lui rendre visite à la maison et de s'asseoir avec elle et son père à la table familiale. Il n'a été autorisé à rester que jusqu'à ce que les cloches de l'église sonnent les 20 heures. On lui a ensuite demandé de partir.
Comme Luigi devait s'établir et être en mesure de subvenir aux besoins d'une épouse et d'une famille, ils n'ont pas pu se marier avant bien des années. C'est ainsi que commença une période d'espoir et de désespoir, sept années à planter vigoureusement et à préparer des sillons. Il a planté des poivrons, des câpres, des raisins, des oliviers et des figuiers et même du tabac, mais sans succès. Ces années n'ont pas donné de bonnes récoltes. Après avoir aidé sa mère, son père et son petit frère, il ne lui en restait jamais assez pour avancer dans la vie.
Sa fiancée et lui ont ensuite pris une décision qui a changé sa vie à jamais.
Sa sœur Iolanda habitait déjà dans la ville canadienne d'Ottawa avec son mari et sa fille. Elle envoyait des lettres qui parlaient d'une vie de possibilités et d'espoir. Luigi a accepté son offre de commandite afin de pouvoir émigrer au Canada et en 1954, il commençait ses préparatifs de départ.
Luigi et Letizia se sont mariés le 11 mars 1954. Il est parti presque aussitôt, c'est-à-dire le 14 mars. Letizia est restée au pays et a attendu que Luigi soit au Canada et qu'il parvienne à épargner suffisamment d'argent pour venir la chercher.
Luigi a commencé le voyage de sa vie avec le cœur lourd, mais plein d'espoir.
Il a pris le train jusqu'à Naples en compagnie de son père et d'un ami. À bord du train, s'éloignant de plus en plus de sa maison, il laissait derrière lui sa terre près de la mer Méditerranée, les plages de sable blanc, les oliveraies, les vignobles et les maisons de pierres blanchies à la chaux où ses ancêtres avaient habité pendant des centaines et des centaines d'années. L'endroit où il habitait était appelé la terre du « soleil, du vent et de la mer ». Il s'est dit qu'il travaillerait, qu'il ferait venir son épouse, qu'ils travailleraient pendant un certain temps, puis qu'ils retourneraient vers leur terre bien aimée.
Luigi s'est rendu jusqu'au port de Naples où l'attendait le Homeland numéro 825, le magnifique navire qui le mènerait vers ce nouveau monde et vers sa nouvelle vie. Après avoir fait des adieux déchirants à son père et à son ami, il est entré dans le navire et dans sa nouvelle vie. En tout, la traversée a duré huit jours. Le navire a fait un arrêt à Palerme, puis a poursuivi sa route vers le détroit de Gibraltar pour s'arrêter de nouveau dans le Ponta Delgada, situé dans les Açores, au Portugal, où plusieurs immigrants portugais sont montés à bord. Les eaux de la Méditerranée étaient calmes et d'un bleu cristallin, mais lorsque le navire a quitté la Méditerranée pour entrer dans l'océan Atlantique, les vagues ont pris de l'ampleur. Il était difficile de dormir la nuit, mais pendant le jour, Luigi et un nouvel ami se rendaient au centre du navire où ils pouvaient se reposer du tangage incessant. De façon générale, le navire était toutefois confortable et, étonnamment, la délicieuse nourriture italienne y était abondante. Il a rencontré plusieurs autres personnes provenant de partout en Italie, certains de Pouille, mais peu de sa région. En tout, il y avait 749 passagers portugais et italiens qui attendaient tous de commencer leur nouvelle vie avec espoir, anxiété et un sentiment persistant de tristesse. Huit jours plus tard, le 27 mars 1954, Luigi est arrivé au Quai 21 d'Halifax, au Canada.
Lors du débarquement, on l'a dirigé vers les bureaux de l'immigration et ses documents ont été examinés. Il s'est ensuite dirigé vers la passerelle reliant le Quai 21 à l'espace bagages, puis vers les douanes.
Ses bagages ont été inspectés après deux heures d'attente. Il avait amené de l'huile d'olive et de la liqueur, qui, heureusement, n'a pas été confisquée. Des agents d'immigration ont donné des sandwichs à ceux qui avaient traversé les douanes et on a aussi remis à Luigi les dix dollars qu'il avait donnés à Naples. Cet argent allait servir à payer le voyage en train jusqu'à Ottawa.
Le voyage en train a été long et comme il s'est déroulé au mois de mars, le paysage était fait de neige fondante et de terres canadiennes désolées. C'était très différent du soleil et de la mer qu'il aurait pu voir chez lui.
Luigi est finalement arrivé à Montréal où il a été accueilli par sa sœur, Iolanda, ainsi que par son mari, Luigi. Ils ont été accueillants et encourageants avec lui. Luigi a habité avec eux pendant qu'il cherchait du travail à Ottawa. Bien que le travail ne manquait pas, la ville lui était étrangère et la langue était difficile à apprendre. Trouver un premier emploi n'a pas été facile. Comme il n'avait plus beaucoup d'argent et qu'il avait pris du retard avec sa recherche d'emploi, Luigi avait peur de devoir repousser le moment où il pourrait commanditer son épouse. Pire encore, il avait peur d'échouer et de devoir retourner en Italie. Pendant ce premier mois, Luigi a passé plusieurs nuits blanches et il a souvent éclaté en sanglots à cause de l'inquiétude.
Heureusement, il a réussi à se trouver un emploi d'ouvrier manuel au cours de cette période. Il a accepté ce qu'on lui a offert comme travail. Il s'est efforcé d'apprendre l'anglais et, en peu de temps, il avait suffisamment appris pour pouvoir participer davantage en tant que membre actif de la société. Bien que le travail présentait un défi à cause de son anglais limité, les collègues de Luigi l'ont toujours bien traité. Il a ensuite appris un métier, il est devenu plâtrier et il a travaillé sans relâche. Il a réussi à commanditer sa bien-aimée Letizia en trois mois.
Pendant ce temps, Letizia attendait des nouvelles de son mari. Elle s'ennuyait désespérément de Luigi et elle voulait commencer sa nouvelle vie avec lui dans cette terre dont elle ne savait rien. Elle avait dit à sa famille et à ses amis : « Je vais partir vers cet autre monde. » Elle a finalement reçu un message lui indiquant qu'elle pouvait partir vers ce nouveau monde. Elle a pris le train jusqu'à Naples, elle aussi accompagnée des membres de sa famille. Elle est aussi montée à bord du Homeland 825, elle a traversé la mer Méditerranée, puis s'est rendue jusque de l'autre côté de l'Atlantique. Pour Letizia, le voyage s'est passé tout en douceur. Elle a aimé ses moments sur le pont à regarder les vagues paisibles de l'océan Atlantique, la sensation de la brise et le souvenir du vent venant de sa mer tant aimée. Le 31 juillet 1954, lorsqu'elle est arrivée au Quai 21, elle est passée par les mêmes étapes que son mari pour ensuite prendre le train jusqu'à Montréal, où elle a été accueillie par Luigi et son beau-frère.
Enfin réunis, Luigi et Letizia ont commencé leur nouvelle vie ensemble avec grand enthousiasme. Letizia s'est rapidement trouvé du travail chez un nettoyeur à sec et le couple a rapidement pu emménager dans leur propre maison, qu'ils ont louée pendant une courte période. Ils ont tous les deux travaillé très fort et en peu de temps, ils ont pu se permettre leur propre maison. C'était une époque merveilleuse et Letizia s'est même habituée aux hivers blancs d'Ottawa. Elle aimait les batailles de boules de neige et la liberté qu'elle avait trouvée dans cet autre pays. L'enfance de Letizia a été difficile, car elle a perdu sa mère étant très jeune. Son père bien-aimé a fait de son mieux, mais sa vie a tout de même été un combat. La pauvreté et la faim ont toujours fait partie de sa vie, surtout après la Seconde Guerre mondiale. Le Canada a donné à Letizia et Luigi l'occasion de vraiment commencer leur vie.
Maria, leur première enfant, est née en 1956. Letizia a quitté son emploi chez le nettoyeur à sec pour de bon et est restée à la maison pour élever leurs enfants. Grazio, puis Enio, sont nés au cours des cinq années suivantes. Luigi a eu bien du succès dans son emploi et s'est même mis à faire de l'investissement immobilier. Dix ans plus tard, ils ont fait face à une période difficile. Soudainement, au milieu des années 1960, le travail s'est fait rare et Luigi a une fois de plus été confronté à la pression et à l'anxiété de ne pas savoir d'où arriverait le prochain chèque. Ils ont été frugaux et ont fait bien des sacrifices afin de survivre à cette période difficile. Luigi a ensuite reçu un message provenant de son frère Antonio qui était encore en Italie. Antonio s'ennuyait de ses frères et sœurs et souhaitait depuis toujours être une fois de plus réuni avec sa famille. Il a expliqué à Luigi qu'il lui avait trouvé un endroit où travailler s'il revenait en Italie. Luigi et Letizia ont beaucoup discuté. Letizia a finalement décidé qu'elle ne pouvait pas quitter sa sœur et son frère, qui venaient tout juste d'arriver à Ottawa grâce à son soutien. C'est aussi lors de ce moment crucial qu'ils ont réalisé que le Canada était devenu leur demeure, un endroit qu'ils avaient appris à adorer, un pays qui leur avait offert tant d'opportunités et où leurs enfants étaient nés et avaient maintenant des racines. Ils sont donc arrivés à la conclusion que le Canada était leur demeure et qu'il le serait toujours. Pendant cette période, ils sont fièrement devenus des citoyens canadiens.
Au cours des années suivantes, ils ont principalement été occupés par la famille, l'église et les paesani, des gens de leur village qui ont aussi immigré à Ottawa. Luigi a perdu sa Letizia bien aimée en 1979 à cause d'une crise cardiaque tragique et soudaine. Trois de ses enfants étaient encore à l'école et avaient besoin de soutien. À cette époque, sa priorité était d'éduquer ses enfants. Luigi n'avait lui-même jamais eu cette chance, car il avait dû quitter l'école en cinquième année afin d'aider sa famille dans les champs. C'est avec force et persévérance qu'il a continué de travailler comme plâtrier, déterminé à ce que ses enfants n'aient pas à vivre la même chose. Grâce à son soutien et à ses sacrifices, tous ses enfants ont pu terminer leurs études universitaires. C'est quelque chose dont il est très fier.
Pendant les années qui ont suivi, ses enfants se sont mariés et Luigi a vu naître ses petits-enfants, c'est-à-dire Justin, Gregory, Samantha, Vanessa, Michael et Jaclyn.
Bien que Luigi soit retourné en Italie de temps à autre pour rendre visite à la famille qu'il a dû quitter, le Canada est devenu sa demeure. Grâce à sa persévérance et à son travail acharné, le Canada était maintenant l'endroit où il avait bâti sa vie et où il avait vu naître ses enfants et ses petits-enfants. Il n'a jamais regretté cette décision et il a toujours été reconnaissant envers cette grande nation qui l'a accueilli et qui lui a offert toutes ces possibilités.