Mur d'honneur de Sobey
Colonne
195
Rangée
23
Arrivant à titre de : Immigrant
Pays d'origine : Pays-Bas
Nom du navire : Groote Beer
Port d'entrée : Halifax
Date d'arrivée : 1 mai 1958
Âge à l'arrivée : 23 ans
L’histoire de Jan J.H. Schoo et de Joan J.A. Greenfield
Mon père, Jan Schoo (photo 1), est né le 14 novembre 1935 à Leiden. Il était le deuxième fils et troisième enfant des six enfants de Jan et Mien Schoo. Il a été nommé d’après son père. Il a grandi à Warmond, un petit village sur le Kagerplassen. Dès son plus jeune âge, il a dû contribuer au revenu de la famille. Il travaillait comme bagagiste (photo 2), ce qui signifiait qu’il devait transporter les valises des clients de la gare à l’hôtel de Warmond avec un chariot, soit une distance d’environ 1 km. À l’époque, on a découvert que ses jambes n’étaient pas tout à fait droites, alors il devais porter une attelle/un support pour s’assurer que ses jambes restent droites. Malgré ces attelles, il transportait les valises de la gare vers son chariot, puis jusqu’à l’hôtel. Finalement, ses jambes ont bien tourné, à tel point qu’il est arrivé plusieurs fois deuxième lors de courses de 100 m et 200 m. C’était toujours le même garçon qui arrivait en première place. Mon père était toujours deuxième après lui (photo 3). Il était très apprécié sur la piste d’athlétisme de Leiden et il avait aussi un bon groupe d’amis autour de lui. Après l’école secondaire, il a commencé à travailler pour la marine à Oegstgeest comme opérateur télégraphique et, pendant son temps libre, il aimait aller danser à Noordwijk. Il y a rencontré une fille. Malheureusement, elle était d’origine protestante et mon père était catholique. Ils n’étaient pas autorisés à se fréquenter à cette époque. Ils ont été forcés de rompre leur relation. Un couple d’amis du Bataven (l’association d’athlétisme de Leiden) a eu l’idée d’émigrer au Canada et de demander à mon père de l’accompagner. Il n’aimait pas beaucoup son travail, ses fréquentations étaient terminées et il était prêt à relever un nouveau défi dans sa vie. C’était un nouveau départ. Et c’est ainsi que Jan Schoo est arrivé, le 1er mai 1958 au Quai 21 à bord du Groote Beer (photo 5) en provenance de Rotterdam. À son arrivée, le groupe s’est d’abord dirigé vers Calgary. Lorsque deux membres du groupe se sont vus offrir du travail, mon père s’est rendu à Lethbridge pour y tenter sa chance. Le groupe s’est désagrégé et chacun a suivi sa propre voie. Mon père n’a pas vraiment trouvé sa voie et est allé travailler pour le Chemin de fer Canadien Pacifique. Il a fait des allers-retours entre Vancouver et Toronto en tant que commissaire de bord. Après un certain temps, il a voulu s’installer à Toronto, car il y avait plus de Néerlandais là-bas. Les Pays-Bas lui manquaient beaucoup. C’était difficile pour lui. Il y avait tellement d’immigrants à la recherche d’un emploi qu’il n’était pas facile de trouver du travail. Il a tout de même réussi à rejoindre un groupe d’amis, dont Joan et son mari.
Et c’est là que leur vie commune a commencé, et leur union depuis plus de 62 ans !
Joan Greenfield (photo 4). En 1957, ma mère, Cardiff Wales, s’est enfuie de chez elle pour se marier à Gretna Green, en Écosse, où l’on pouvait se marier dès l’âge de 16 ans sans le consentement des parents. Elle a ensuite émigré au Canada avec son mari.
Mon grand-père et ma grand-mère ont tout essayé pour arrêter ma mère, mais elle était convaincue qu’elle pouvait changer cet homme.
Malheureusement, mon grand-père et ma grand-mère avaient raison : ma mère était maltraitée, n’était pas autorisée à avoir des contacts avec ses parents et n’avait pas d’argent à elle (à l’époque, il n’y avait pas de téléphone portable, d’Internet, etc.).
Un soir, Jan a vu ma mère courir sur la route en pleurant, sans chaussures, avec des bleus et une lèvre cassée. Il l’a emmenée en voiture et ne l’a plus lâchée. Il s’est avéré que ma mère avait de nouveau été battue par son mari, car la nourriture n’était pas à son goût. Mon père est alors allé le voir et lui a fait comprendre qu’il ne devait plus jamais toucher ma mère, sinon il aurait affaire à mon père. Entre-temps, ma mère avait emménagé chez une amie et ne voulait pas retourner chez son mari. Elle voulait divorcer, mais cela ne se faisait pas à l’époque. Son mari lui avait dit de ne jamais divorcer : si elle n’était pas à lui, personne ne l’aurait.
Le 20 décembre 1958, maman et papa ont convenu de continuer en tant que mari et femme. Cette date a toujours été leur anniversaire de mariage. Personne dans la famille ne savait si c’était vrai. Et quelque part à cette époque, j’ai été conçue...
J’étais un bébé d’amour, évidemment, mais un bébé illégitime, et c’était mauvais à l’époque. Au fur et à mesure que la grossesse de ma mère avançait, elle a également eu des complications. J’étais trop grosse pour ma mère, clairement une enfant néerlandaise avec une tête de fromage. Ma mère voulait rentrer chez ses parents. Alors, quand elle était enceinte de 7 mois, elle est retournée à Cardiff avec de l’argent emprunté à des amis. Papa ne pouvait pas venir. Ils n’avaient plus d’argent pour ça. Je suis née 16 octobre 1959. En janvier 1960, papa avait assez d’argent pour aller à Cardiff aussi et voir enfin sa fille. Maman travaillait maintenant dans une brasserie à Cardiff et ma grand-mère s’occupait de moi. On a également cherché et trouvé du travail pour mon père. Mon grand-père et ma grand-mère étaient si reconnaissants à mon père d’avoir éloigné leur fille d’un homme terrible. Ils ont engagé un avocat et ont essayé de divorcer officiellement. Il n’a pas coopéré. Son nom ayant été officiellement changé entre-temps, ma mère était connue partout comme Mme Schoo-Greenfield. Lorsque le contrat de mon père n’a pas été renouvelé, il est parti aux Pays-Bas et, lorsqu’il a eu un emploi, il nous a fait venir, ma mère et moi, aux Pays-Bas.
En 1978, ma mère a reçu un message lui annonçant que le père de son mari était décédé et qu’une grosse somme d’argent avait été libérée. Maman lui a alors dit : « Puisque je suis toujours ta femme, je veux la moitié de cette somme. Sinon, signe les papiers de divorce. » Il l’a fait immédiatement. Trois jours plus tard, mes parents étaient officiellement mariés. Je ne connais même pas cette date. (Photo 6)
Toute sa vie, ma mère a eu peur que les autorités découvrent qu’ils n’avaient pas été légalement mariés pendant un certain temps. Surtout si on m’avait demandé le certificat de mariage de mes parents à l’école, je ne pourrais jamais le leur montrer. L’excuse était toujours qu’ils se sont mariés au Canada et qu’ils n’avaient pas de certificat de mariage là-bas. Maman et Papa ont toujours travaillé très dur, mais ne sont jamais retournés au Canada. En 1964, ils ont également eu un fils nommé Patrick, qui est également né à Cardiff. Et puis en 2016, Ian, leur petit-fils le plus âgé, a immigré au Canada. Il avait rencontré une Canadienne lors de la traversée du Lac-Saint-Jean au Québec, et il a été admis au Canada. Il y a depuis créé une entreprise appelée VDH-geo.ca (photo 7) et la boucle est bouclée. Ian et Pascale sont à l’origine de cette pierre commémorative.
Papa est décédé le 4 avril 2020 et Maman, le 28 octobre 2020, six mois après son mari. Maman est littéralement morte de tristesse. Ils ont été ensemble pendant 62 ans et se sont soutenus contre vents et marées. Ils ont été mariés pendant 42 ans. Maman et Papa ont eu deux enfants, Birgitta et Patrick, trois petits-enfants, Ian, Daley et Willow, et trois arrière-petits-enfants, Lily, Mila et Jake. (Photos 10- 11)
Finalement, leur ADN s’est retrouvé au Canada en Ian et Lily (photo 8). Leurs rêves sont devenus réalité.