Filena Bruno Fiorita et sa famille

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Filena Bruno Fiorita and Family

Mon père Silvio Fiorita a quitté l’Italie par les airs et est arrivé à Montréal au milieu d’un blizzard en décembre 1951. Il a travaillé pendant 4 ans pour obtenir assez d’argent et l’envoyer à sa femme, ma mère, Filena Bruno Fiorita, ainsi que mes sœurs et mon frère, afin qu’ils viennent au Canada. Filena avait déjà 41 ans, ma sœur Maria en avait 15, mon frère Dionigi, ou Dan comme on a fini par l’appeler, avait 8 ans, et Laura en avait 4, lorsqu’ils sont montés à bord du La Biancamano en août 1955. Filena se souvient du nombre de passagers qui ont eu le mal de mer pendant le voyage vers le Canada. Elle n’a pas été affectée. Elle a immédiatement commencé à aider les autres femmes avec leurs enfants. À leur arrivée à Halifax, ils se rappellent qu’ils ont reçu des petits emballages de Corn Flakes. C’était plutôt étrange pour eux, parce qu’en Italie, le maïs nourrit les animaux et non les gens. Cependant, les Corn Flakes sont rapidement devenus incontournables au déjeuner pendant mon enfance. Leur voyage n’était pas terminé. Ils sont montés à bord d’un train au charbon pour le long voyage vers Montréal, où ils ont été réunis avec mon père Silvio. Dan se souvient d’être couvert de suie de charbon.

Mon père a loué une maison à Parc Extension, un quartier où beaucoup d’immigrants se sont installés. Un an plus tard, en août 1956, leur fille Silvia est née à Montréal... leur contribution à leur nouveau pays. Les enfants ont commencé l’école. Dan a redoublé une année, parce qu’il ne parlait pas anglais, mais après l’avoir appris en vitesse, il est passé à l’année suivante. La vie était difficile. Filena ne connaissait personne ici. Elle avait quatre enfants dont elle devait s’occuper, et elle ne parlait ni l’anglais ni le français. Elle dépendait complètement sur son mari, pour tout. Elle a fait preuve de beaucoup d’inventivité et a commencé à faire un peu d’argent en plus pour la famille en gardant des enfants et en commençant un commerce à la maison où elle embellissait les robes de soirée et de mariage pour une boutique, un travail qu’elle a fait pendant de nombreuses années. Silvio a travaillé dans la construction pour Francon, devenant éventuellement maître de chantier. Il a pavé beaucoup des autoroutes principales à Montréal et dans les environs, y compris le Queensway à Ottawa et l’aéroport dans le projet LG2 de la Baie James. Ils sont restés dans le quartier Parc Extension toutes leurs vies, jusqu’à ce qu’ils emménagent dans une résidence pour personnes âgées lorsqu’ils n’ont plus été autonomes. Filena s’ennuyait énormément de sa famille à Cosenza, en Italie, et attendait les lettres de ses proches, ce qui, à l’époque, exigeait de nombreux jours. Filena a aussi préparé et envoyé des colis contenant des choses essentielles comme du café et du sucre pour sa famille au pays. Bien qu’ils n’étaient pas riches, mes parents s’en sont mieux tirés que certains des membres de leur famille qu’ils ont laissés derrière eux. Ils voulaient les aider autant que possible. Je me souviens que mes tantes leur ont rendu la pareille en leur envoyant des sachets d’origan et de camomille et des délicieuses confections aux figues appelées crocettis. Filena n’a jamais appris les langues de son nouveau pays, alors il fallait que ses enfants lui servent de traducteurs dans bien des cas... parfois dans des situations drôles, ou inconfortables, et toujours surprenantes à travers les années. Par conséquent, tous ses enfants ont conservé leur langue maternelle, tout en apprenant l’anglais et le français. Filena s’est habituée aux hivers canadiens après avoir appris que ce n’était pas une bonne idée de faire sécher les vêtements sur la corde à linge par temps froid et ensoleillé… ses draps ont fendu en deux après une seule journée sur la ligne.

Ils ne pouvaient pas appeler leur famille, parce qu’il n’y avait pas de téléphone installé dans leur village de Redipiano. Cela a changé en 1968, et Filena a pu entendre la voix de son père pour la première fois en 13 ans. Inutile de dire qu’il y a eu bien des larmes de joie. Tous les membres de la famille, à l’exception de Silvia, qui est née ici, sont devenus citoyens canadiens. Ils ont développé l’habitude italo-canadienne d’inclure bien des angliciscmes dans leur dialecte italien, de sorte que leur magasin ne s’appelait pas un « magazzino », mais bien, tout simplement, un « storo ». Tout cela a causé bien de la confusion lorsque Filena est rentrée en Italie. Elle s’est aperçue que même sa langue avait changé. Filena et Silvio étaient des membres honnêtes et travaillants de la société canadienne, dont les enfants et les petits-enfants et arrière-petits-enfants ont grandi dans l’un des meilleurs pays du monde, leur offrant bien des occasions de s’épanouir. La famille a maintenant contribué aux domaines médical, des communications et des services de sécurité, laissant leur marque sur le pays adoptif de leurs parents et grands-parents. Dan, leur seul fils, est devenu en 1985 le premier Canadien né à l’étranger nommé représentant canadien de l’OACI, un poste qu’il a occupé pendant 5 ans. Malheureusement, Filena et Silvio ont dû enterrer deux de leurs quatre enfants, Dan et Maria, avant leur propre décès. Ils ont tous les deux atteint l’âge de 100 ans. Silvio nous a quittés en 2013, et Filena, en 2014.

Comme seule membre non immigrante de la famille, j’ai appris à apprécier le petit peu d’Italie qu’ils ont mis dans mon cœur. Et comme fière Canadienne, j’ai l’intention de transmettre un peu de ce lieu précieux à mes propres enfants et petits-enfants canadiens.