Emmanuel et Rose Flaig

Mur d'honneur de Sobey

Colonne
170

Rangée
8

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Emmanuel and Rose Flaig

Mon histoire du Quai 21
Elizabeth Heinz, Nanaimo, C.-B
24 août 2015

Au cours des 120 dernières années, ma famille étendue a eu le privilège de tracer un chemin menant et sortant du Quai 21. Que ce soit pour trouver un refuge à titre d'immigrants, pour servir l'armée à l'étranger, pour y faire une agréable visite ou un pèlerinage, l'emblématique Quai 21 continue de jouer un rôle dans l'histoire de notre famille.

Nous faisions partie d'un grand groupe ethnique appelé les « Allemands de Russie ». Ces gens de langue allemande avaient immigré en Russie par milliers pendant une période difficile de l'État allemand qui s'est déroulée au 18e siècle. Le gouvernement russe les avait invités à venir s'installer, car il était à la recherche de colons et avait donc fait des offres alléchantes à ces nouveaux arrivants. Les tsars russes de cette période n'ont cependant pas honoré les promesses que leurs prédécesseurs avaient faites pour attirer ces colons en premier lieu. Ces événements se sont aussi déroulés à l'époque où le Canada et les États-Unis avaient tous deux promulgué des lois sur les lots de colonisation offrant des terres aux colons voulant venir s'y installer et les faire prospérer. C'est à cause de cet apogée d'événements qui a eu lieu à la fin des années 1800 et au début des années 1900 que les colons sont venus par milliers de la Russie, ainsi que d'autres pays.

Justina Flaig, mon arrière-grand-mère, a fui la Bessarabie après la révolution russe de 1905. Elle est arrivée au Canada par le Quai 21 lorsqu'elle était une jeune veuve. Elle était accompagnée de ses cinq enfants, parmi lesquels se trouvait Emmanuel, mon grand-père.

Pendant ce temps, en 1907, Edward et Helen Ruff , mes arrières-grands-parents, ont quitté une Crimée agitée en compagnie de leurs quatre enfants, parmi lesquels se trouvait ma grand-mère Rose. Ils sont arrivés à New York, puis se sont dirigés vers le nord pour venir au Canada.

Les deux familles ont traversé le pays en train, puis se sont installées à Hilda, en Alberta. Edward a établi une forge dans une ville des Prairies. Son commerce était un endroit fascinant. Le métal chauffé à blanc, les sifflements de la vapeur, les coups de marteau frappant l'enclume, l'odeur de la forge à charbon, toutes ces choses rendaient ce lieu très divertissant. Les enfants de la région étaient toujours les bienvenus lorsqu'ils se rassemblaient dans l'embrasure de la porte pour regarder la forge en action tout en gardant une distance sécuritaire.

Lorsqu'il avait 16 ans, Emmanuel a aidé à bâtir la section des Chemins de fer nationaux du Canada qui passe par le sud de l'Alberta. Un chemin de fer qui relie tout le pays au Quai 21.

Rose et Emmanuel Flaig se sont mariés en 1921 et ils ont eu quatre enfants : Ray, Lloyd, Bertie et ma mère Ida, qui est née à Hilda en 1923.

Ida a épousé William Heinz en 1947. Ses grands-parents faisaient aussi partie des « Allemands de Russie » qui sont arrivés à la fin des années 1800. Ils se sont d'abord installés au Nebraska, puis se sont dirigés vers le nord pour aller dans la région d'Hilda, en Alberta. C'est à cet endroit que John Heinz et Lydia Lehr ont vu naître leurs six enfants : William, Elroy, Ella, Harry, Edna et Herb

Pendant la Seconde Guerre mondiale, les quatre enfants Heinz qui avaient l'âge de pouvoir se battre se sont enrôlés dans l'armée et ont été envoyés à l'étranger à partir du Quai 21. Ils ont servi au Royaume-Uni ou en Europe. Les trois frères ont servi dans le Corps royal de l'intendance de l'Armée canadienne et leur sœur Ella a servi dans le Service féminin de l'Armée canadienne.

Alors qu'il était encore en sol canadien, William a eu un terrible début avec la guerre. Le 27 décembre 1942, son train de transport de troupes était dans l'Ouest canadien, en route vers le Quai 21 d'Halifax afin que les soldats puissent naviguer vers le Royaume-Uni. L'événement s'est produit par une nuit d'hiver, à 20 h, alors que William se rasait dans la petite salle de bain du train. Le train de transport de troupes de 13 wagons s'est fracassé contre l'arrière d'un train de passagers qui était stationné près d'Almonte, en Ontario. Cet accident est l'un des pires désastres ferroviaires de l'histoire du Canada. Il s'est profondément coupé avec son rasoir au moment de l'impact. Lui et les autres soldats ont passé les jours qui ont suivi à fouiller les montagnes de débris. Ils ont aidé à retrouver et à secourir 39 morts et 150 blessés. Un monument qui honore le dévouement et l'héroïsme de ceux qui ont fait de leur mieux et qui, cette nuit-là, ont répondu à l'appel est érigé à Almonte.

Le retard qu'a occasionné ce tragique incident a fait en sorte qu'une fois arrivés à Halifax, ils ont dû débarquer du train de transport de troupes au Quai 21 pour monter directement à bord de leur navire. Ce garçon des prairies attendait depuis longtemps le moment où il pourrait voir la mer pour la première fois, ainsi qu'une occasion de pouvoir y tremper ses doigts afin de voir si son eau était vraiment très salée. Ces petits plaisirs devraient attendre.

William a fait partie de la force d'invasion du jour J avec le 47e Bataillon canadien d'infanterie. Il a débarqué sur la plage Juno le matin de son 23e anniversaire, c'est-à-dire le 6 juin 1944. Il a été catapulté dans le gros cratère d'une bombe au moment où il faisait descendre son camion de transport de la péniche de débarquement, puis il s'est mis à couler comme une pierre. Il a lutté de façon frénétique pour sortir de son camion submergé, puis il a essayé de faire surface à plusieurs reprises tout en essayant désespérément de se dégager de certaines parties de son équipement de combat qui pesait plus de 100 livres. William, qui ne savait pas nager, a finalement réussi à atteindre la surface. Il se débattait sauvagement et cherchait à respirer, mais était étranglé par le sang, le carburant et les débris qui se trouvaient dans l'eau (salée). Tout cela s'est produit pendant qu'il esquivait les obus, les balles et les bombes qui passaient au-dessus de sa tête. Bonne fête.

Pendant ce temps, sur le front intérieur, Rose Flaig travaillait avec Mme Montgomery, une professeure bien appréciée qui avait enseigné aux 4 enfants Heinz servant maintenant à l'étranger. Elles organisaient des travaux bénévoles chez Rose, où les femmes et les filles du coin venaient offrir leur aide. Il y avait du tissu dans toute la petite maison de ferme, sur les comptoirs de cuisine comme sur la table à manger. Ce tissu servait à fabriquer des pyjamas, des vestes contre la pneumonie, des écharpes à attelle, ainsi que d'autres objets essentiels au confort des troupes. Leurs confections artisanales étaient ensuite emballées, puis envoyées à Medicine Hat pour être expédiées par train à l'autre bout du pays. Ces items étaient finalement chargés à bord de navires amarrés au Quai 21, puis envoyés sur les lignes de front.

Pendant les trois ans et quelques mois où les Heinz ont servi, ils ont eu plusieurs occasions de pouvoir se rencontrer. Ils ont pu se voir lorsqu'ils étaient en congé au Royaume-Uni, puis en Allemagne une fois la guerre terminée. Ces rencontres étaient des plus joyeuses! Ils sont tous revenus au Canada en passant par le Quai 21. De retour à la maison, sains et saufs, physiquement du moins. Ils n'ont jamais beaucoup parlé de la guerre et lorsqu'ils le faisaient, c'était pour partager des histoires drôles ou des anecdotes au sujet des aspects plus légers de leur expérience. Ils ont ensuite tous eu des vies bien remplies et productives. Ils se sont mariés et ont élevé leurs propres familles. Mon père et ses frères ont entre autres aidé à construire la route Transcanadienne qui passe par le sud de l'Alberta. Une autoroute qui relie tout le pays au Quai 21.

Visiter le Quai 21 est une expérience qui enseigne l'humilité. Que ce soit à titre de soldat ou d'immigrant, on ne peut qu'imaginer à quel point il devait être difficile d'embarquer sur un navire sans savoir si ou quand il serait possible de revenir au pays. Le Quai 21, ce phare pour l'âme tant aimé, est l'un des derniers bâtiments que ces personnes auraient pu voir en quittant le Canada et l'un des premiers bâtiments qu'ils auraient vu en arrivant au pays, que ce soit pour rentrer à la maison ou en arrivant pour la première fois. Oh, les larmes, la peur et les joies, d'un sens comme de l'autre.

Pour commémorer le service et le sacrifice de mon père, de ses frères et de sa sœur, nous avons acheté des plaques pour le Mur de service de la Seconde Guerre mondiale du Quai 21. Des plaques pour mes grands-parents seront aussi installées sur le Mur d'honneur Sobey lorsque j'arriverai au Quai 21, de retour d'un pèlerinage transatlantique d'automne. Cette plaque servira à commémorer le courage et la détermination dont ils ont fait preuve en venant au Canada, en recommençant tout à zéro et en aidant à bâtir cette nation pendant une période très difficile. Nous devons beaucoup à ceux qui sont passés par le Quai. Nous leur devons notre liberté et notre fière histoire canadienne. Comme on dit : nous sommes tous des immigrants avec différents niveaux d'ancienneté. Cette déclaration puissante montre à quel point nous avons des choses en commun.

En tant que Canadienne, en tant que membre du village mondial, c'est un privilège de soutenir le Quai 21 en honorant ceux qui m'ont précédé. Ceux qui nous ont ouvert la voie afin que nous puissions nous retrouver dans ce pays. Ceux qui ont aidé à bâtir cette nation. Ceux qui se sont battus et qui ont servi afin que le Canada demeure fort et libre.

Le sourire de la femme dans la veste bleue y est debout devant un mur avec des plaques vertes
Elizabeth Heinz, Mur de service - Musée canadien de l’immigration du Quai 21.
Vieux portrait noir et blanc d'homme et femme
Rose (Ruff) et Emmanuel Flaig, vers 1933
Vieux portrait noir et blanc d'homme et femme
Helen (Gittel) et Edward Ruff, vers 1890