Rosa et Giuseppe Ritorto

Mur d'honneur de Sobey

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107

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27

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Rosa and Giuseppe Ritorto

Souvenirs de mon immigration au Canada

J’avais 14 ans le 15 mars 1959 lorsque mes parents, mes deux jeunes frères, ma sœur et moi-même avons dit au revoir à nos chers grands-parents, notre tante, notre oncle et notre petit cousin avec lesquels nous vivions dans le sud de l’Italie. L’ensemble de nos effets personnels était rangé à l’intérieur de 2 malles, 3 valises et quelques sacs. Ils consistaient en 2 robes pour moi-même, 2 robes pour ma sœur, 2 pairs de culottes courtes et 2 chemises pour chacun de mes frères, toutes nos couvertures, nos nappes ainsi que nos draps et torchons - fait main- et un litre d’huile d’olive avec quelques morceaux de fromage.

Tôt le matin la voiture de location, que mon père avait réservée quelques jours avant, était arrivée. Nous sommes tous montés à l’intérieur et même si nous étions entassés et que nous ne pouvions plus bouger, nous étions ravis. C’était notre toute première fois en voiture ! Le chauffeur nous a conduits à la gare où nous avons pris le train pour Naples. Une fois arrivés à Naples, nous sommes montés à bord du Giulio Cesare qui allait nous amener à Halifax, au Canada. À l’époque, je ne savais pas que nous allions arriver au Quai 21.

Nous nous sentions tous bien à bord du navire durant les deux premiers jours du voyage. Pour nous, les enfants, tout était magnifique. Il y avait tant de choses à explorer et tant de nourriture. Certain aliment me semblait étrange et ne ressemblait à rien de ce que je ne connaissais tel que des olives farcies aux piments, des cornichons miniatures et des petits oignons marinés. Par contre, c’est le pain tranché qui m’a le plus impressionné. Il était si moelleux ! Nous n’avions pas l’habitude de manger ce genre de pain et je me souviens de ma mère qui disait en pleurant que s’il n’y avait que ce genre de pain au Canada, elle voulait retourner en Italie. Elle ne voulait même pas y goûter.

Aussitôt que le navire a atteint l’Océan Atlantique, nous avons eu le mal de mer et ce, durant les 7 jours restants du voyage. Nous ne sortions du lit que pour aller vomir aux toilettes. Les serveurs étaient remplis de délicatesse et nous apportaient de la soupe. Finalement, au bout de 9 jours de traversée, nous sommes arrivés à Halifax tous un peu plus mince !

Nous avons dû faire la queue longtemps, à la suite de nombreux autres passagers et nous avons finalement débarqué du navire, passé les douanes, ce qui a pris plusieurs heures. Je me souviens de mon père offrant de l’argent à un douanier pour ne pas qu’il ouvre nos bagages.

Il était tard le soir lorsque tous les dossiers étaient complétés alors nous avons loué une chambre dans un hôtel près du port. La chambre était si spacieuse qu’il y avait de la place pour nous six. Une fois de plus, nous étions émerveillés par tant de nouveautés comme l’eau courante autant froide que chaude, l’éclairage électrique ainsi qu’une salle de bain avec une douche. Toutes ces commodités dans notre chambre.

Le lendemain matin, nous avons pris notre déjeuner au restaurant de l’hôtel. Celui-ci était composé d’œufs, de bacon et de rôties. Mais quel genre de déjeuner était-ce ? Ma mère a mangé les œufs et le bacon mais n’a pas touché au pain. Après, nous sommes allés dans un grand magasin où mon père a acheté des manteaux chauds et des bottes pour nous tous. Il faisait très froid, il y avait beaucoup de neige et nous ne portions que des chaussures.

De retour à l’hôtel, nous avons fait nos bagages et nous avons pris un taxi jusqu’à la gare. Le chauffeur de taxi était si gentil. Il a même aidé mon père à mettre les bagages à bord du train. Un fois de plus, nous étions sur la route pour plusieurs heures mais cette fois-ci vers Mont-Joli au Québec. Nous étions si curieux et surexcités, on regardait par les fenêtres : toute cette neige et tant de maisons isolées. Je me questionnais à savoir comment les gens parvenaient à vivre entourés de tant de neige. À bord du train, des sandwichs composés de laitue, tomates, jambon et fromage nous avaient été servis mais ma mère n’a mangé que la garniture et a laissé le pain.

Lorsque nous sommes arrivés à Mont-Joli, nous sommes descendus du train pour immédiatement prendre un taxi qui nous a conduits à un petit aéroport qui se trouvait à proximité. Là, le plus petit des avions nous attendait pour nous mener vers notre destination finale : Sept-Îles. À ce moment-là, nous étions tous effrayés, tout particulièrement ma mère. Après quelques heures de vol, nous sommes finalement arrivés à notre nouvelle ville. Nous y avons vécu 24 ans. Nous n’arrivions pas à croire la quantité de neige qu’il y avait et le froid était insupportable. Pourtant, nous nous y sommes habitués comme tous les autres là-bas.

Mon père était arrivé 6 ans auparavant et il avait obtenu un bon emploi avec une compagnie qui prenait de l’expansion : Iron Ore Company du Canada. Il avait déjà construit notre maison et avait tissé des liens avec plusieurs collègues de travail. Ses amis, qui étaient également des immigrants, avaient déjà fait venir leur famille au Canada et nous étions chanceux de les avoir comme amis. Nous sommes d’ailleurs encore en contact aujourd’hui. Le seul autre membre de la famille que nous avions était un oncle, le frère de mon père, qui avait immigré avant lui.

Avec le temps, ma mère a appris à cuire le pain à l’aide d’une cuisinière électrique même si nous avons mangé de temps à autre du pain pas assez cuit ou parfois brûlé. Aujourd’hui encore, à 80 ans, ma mère refuse de manger du pain tranché.

Il y a quelques années de cela, ma sœur et mon fils, tous deux Canadiens de naissance, ont eu la chance d’aller à Halifax pour visiter le maintenant célèbre Quai 21. Ils y étaient durant la saison estivale et ils m’ont décrit la beauté de la ville, la verdure abondante et les magnifiques fleurs de toutes les couleurs. Pour ma part, tous mes souvenirs de Halifax sont en noir et blanc !

Aujourd’hui, après 48 ans de vie au Canada, mon mari et moi-même vivons dans notre maison isolée en haut d’une colline dans l’est de l’Ontario, entouré de beaucoup de neige chaque hiver. Nous sommes tous deux heureux et fiers d’être citoyens de ce vaste et magnifique pays que nous appelons chez nous, notre Canada.

Rosa Ritorto

Photographie en pied de trois adultes et de trois enfants posant devant une aire délimitée par un rideau.
Vieille photographie de famille en noir et blanc prise à l’extérieur.
Petite photographie couleur d’une mère assise sur un divan rose avec trois enfants.