Mur d'honneur de Sobey
Colonne
23
Rangée
2
Je m'appelle Luigi et je voudrais vous raconter l'histoire de mon père Nicola Lavolpicella et comment il est venu au Canada.
C'était au début des années 50 et les conditions économiques en Italie étaient mauvaises. Il y avait très peu de travail et peu à manger. Le bruit s'est mis à courir qu'en Amérique il serait possible de commencer une nouvelle vie et de prospèrer et Nicola s'est dit qu'il devait saisir cette occasion. Il faudrait pour cela qu'il quitte ses parents Luigi et Maria ainsi que ses deux sœurs, Apollonia et Porzia.
Le 21 juillet 1921, à 23 ans, avec seulement 20 dollars en poche prêtés par son oncle, il a entamé son périple à Bari, en Italie, à bord de l'Argentina. Sa cabine n'était pas bien aérée et il a commencé à y faire très chaud : il s'est mis alors à dormir sur le pont. Il s'est rapidement lié d'amitié avec d'autres voyageurs et beaucoup ont eu le mal de mer. Mon père, qui passait parfois la journée sans manger, n'allait pas laisser quelques vagues le déranger. Il a simplement continué à manger à chaque occasion. Au bout de 10 jours, son voyage s'est terminé au Quai 21 à Halifax. Il était arrivé au Canada.
Après avoir débarqué, mon père, avec d'autres, a pris le train pour Montréal. Il a commencé par travailler pour CNR sur le chemin de fer, faisant des journées de 10 heures et gagnant 0,70 dollars de l'heure. Ils étaient nourris et logés pour 1,75 dollars par jour. Au bout de 3 semaines, il a changé d'emploi et il a travaillé à la cantine qui servait exactement les mêmes employés du chemin de fer. Il n'y est resté que 2 semaines, entendant dire par un ami qu'il y avait beaucoup d'emplois à saisir à Ottawa. Il est donc monté dans un autobus pour s'y rendre et recommencer une nouvelle vie – encore une fois ! À Ottawa, il a été consterné de constater que le travail n'était pas aussi facile à trouver qu'il l’avait espéré. Ça faisait maintenant 5 mois et toujours rien à l'horizon. Il s'en sortait juste avec l'aide de quelqu'un qu'il connaissait à peine mais qui est devenu un grand ami, Pietro Borracci. Il était à court d’idées. Il a décidé alors d'aller chercher consolation dans l'église St. Anthony où il a parlé au Père Ferraro. La chance allait bientôt tourner. Le Père Ferraro l'a dirigé vers le restaurant Macy's à la gare routière. Il a commencé le travail tout de suite comme plongeur. Il ne le savait pas encore mais sa longue carrière de Chef-cuisinier était en train de naître.
Il gardait assez d'argent pour survivre et envoyait le reste à sa famille. Il s'est tout d’abord assuré de complètement rembourser son oncle Pasquale Turturro qui lui avait prêté 20 dollars au début de son voyage. Il était toujours particulièrement reconnaissant envers Zio Pasquale. Ça n'a pas pris longtemps pour qu’à Macy's, on le récompense pour son dur travail et son dévouement. Il a été promu cuisinier de casse-croûte.
Ça faisait 3 ans qu'il était à Ottawa et il avait le sentiment qu'il était temps que son père le rejoigne. Macy's allait parrainer son père qui arriverait à Ottawa en été 1954. Durant tout ce temps il avait commencé à échanger des lettres avec Francesca Tancorre à Bari. Ils ne s'étaient jamais rencontrés mais l'affinité était indéniable. Les deux familles pensaient qu'ils feraient un couple parfait et, même si ce n’était que par des photos et des lettres, ils se sentaient très proches. Grâce aux gentils encouragements de sa sœur Apollonia, Nicola a décidé de faire venir Francesca à Ottawa. Les parents de Francesca connaissaient bien mon père et ils étaient très contents de lier leur famille à la sienne. Ils ont voulu s'assurer que le mariage soit prononcé avant qu'elle entreprenne le long voyage pour le Canada. Il a été décidé qu'ils s'épouseraient par procuration.
Le 21 septembre 1954, ma mère est arrivée pour être avec mon père. Ils ont habité dans un ensemble d'habitations collectives avec beaucoup d'autres. Une amie de la famille, Pina Minichelli, les a gardés séparés la première nuit, déclarant qu'avant qu'ils puissent passer la nuit ensemble, ils devaient être bénis par le prêtre. La bénédiction devait avoir été bonne : mon père et ma mère ont accueilli dans ce monde ma sœur Maria le 31 janvier 1956.
Suite à leur mariage, un flot continu de membres de la famille est venu s'installer avec mes parents, à commencer par mon oncle Franco Tancorre arrivé en janvier 1957. Pendant les dix années suivantes, notre famille s'est agrandie avec les naissances de Caterina née le 9 mai 1960, Lucia née le 22 octobre 1965 et moi, Luigi, né le 20 septembre 1967. Mon père a travaillé dur les trois décennies suivantes, soutenant la famille et nous insufflant de solides valeurs familiales. Il est aujourd'hui fièrement sept fois grand-père (4 nièces et 3 neveux). Merci Papa !