Mur d'honneur de Sobey
Colonne
13
Rangée
6
Je suis venu au Canada en novembre 1961 avec ma mère, Maria Rosaria (Teti) Pagano et ma sœur, Maria Grazia Pagano. Nous sommes venus rejoindre mon père qui avait immigré au Canada en 1958. Nous venions d'Italie, d'une petite ville appelée San Pietro Infine dans la région de la Campanie. Nous sommes partis de Naples à bord du Saturnia.
J'avais sept ans à l'époque et je me rappelle l'excitation de monter à bord et la tristesse de quitter ma grand-mère. Mon oncle m'a acheté mon premier coca-cola dans le port de Naples pendant que nous attendions l'embarquement. Je me rappelle combien tout le monde était excité au moment de quitter le port, les cris et les grands gestes d'au revoir autour de moi sur le pont du navire.
De Naples, nous sommes allés en Sicile prendre d'autres passagers et je me souviens que nous avons accosté à Gibraltar et à Lisbonne. Nous sommes arrivés à Gibraltar durant la nuit et à Lisbonne pendant la journée. Nous avons pu débarquer un moment à Lisbonne.
Je me souviens que le navire était très grand avec une salle à manger immense, un théâtre et même une chapelle. Quelques jours après le départ de Lisbonne, la mer est devenue orageuse. Je me souviens que presque tout le monde sur le bateau était malade. Pour quelque raison que ce soit, je n'ai pas été malade. Ma mère et ma sœur ont passé beaucoup de temps malades et au lit jusqu'à l'arrivée à Halifax. Heureusement, il y avait à bord un garçon plus âgé qui venait de ma ville natale. Sa mère, ses sœurs et lui allaient à Montréal retrouver son père. Alors j'en ai fait mon ami sinon ma mère ne m'aurait pas laissé sortir de la cabine tout seul. Notre cabine était sous l'eau et loin de la cloison extérieure de la coque. Nous n'avions donc pas de hublots pour regarder dehors. Habitué à vivre à la campagne, je me souviens de m'être senti à l'étroit dans la cabine que nous partagions avec une femme plus âgée qui venait de ma ville et qui émigrait à Montréal pour être avec ses enfants. Quand nous sommes arrivés à Halifax, nous étions tous contents de quitter le navire. Le voyage a duré 11 jours, je crois.
Quand nous avons débarqué à Halifax, on nous a conduits au Quai 21. Je me souviens qu'il y avait beaucoup de valises, de malles et d'autres bagages dans l'entrepôt. Nous devions trouver nos bagages et appeler un agent des douanes pour qu'il vienne les inspecter et indiquer qu'ils avaient été inspectés. Après, nous nous sommes rendus au Bureau des douanes et on nous a envoyés à la gare ferroviaire. Je me souviens qu'il y avait une longue table dans l'entrepôt et que la table était pleine de denrées que les nouveaux immigrants n'étaient pas censés apporter au Canada comme du prosciutto, des saucisses, des fromages, du salami et des bouteilles d'alcool. Je me souviens avoir dit à ma mère que je n'avais jamais vu autant de prosciutto. Nous ne parlions pas anglais et les agents des douanes ne parlaient pas italien, mais ils étaient très aimables. Ils nous ont fait nous sentir les bienvenus et ils ont veillé à ce que nous prenions le bon train.
Un des hommes qui voyageait avec nous sur le bateau passait son temps à dire qu'il apportait un beau prosciutto qu'il avait fait lui-même et qu'il avait hâte de le manger avec sa famille quand il arriverait à Toronto. Comme on pouvait s'y attendre, son prosciutto a été confisqué à la douane à Halifax et je me souviens que quelques hommes l'ont taquiné à ce sujet.
Ma mère est allée au magasin de la gare acheter du pain et de la mortadelle pour nous faire des sandwiches. Ma sœur et moi avons trouvé le pain et la mortadelle tellement sucrés que nous avons refusé d'en manger. C'était la première fois que nous avions du pain canadien et de la viande préparée. Comme nous ne voulions pas manger les sandwiches, une fois à bord du train, ma mère nous a amenés à la voiture-restaurant et a commandé une assiette de spaghetti pour chacun de nous. À nouveau, ma sœur et moi avons trouvé la nourriture tellement sucrée que nous avons refusé de manger. Maman a commencé à avoir peur que nous soyons malades si nous ne mangions pas. Heureusement, elle avait quelques biscuits qu'elle avait faits en Italie et c'est ce que nous avons mangé jusqu'à notre arrivée à Toronto. Notre train allait de Halifax à Montréal et à Montréal nous devions changer de train pour en prendre un qui allait à Toronto. Il y avait beaucoup de neige le long du trajet. À certains endroits, la couche de neige était très épaisse et il faisait très froid. Comme nous étions habitués à un climat tempéré, les vêtements d'hiver que nous avions apportés ne nous gardaient pas tellement au chaud. Ma mère passait son temps à regarder par la fenêtre et à dire : « Où avons-nous abouti, en Sibérie? »
Quand nous sommes arrivés à Montréal, le cousin de ma mère, Guido Fuoco, et sa femme Madalena nous attendaient à la gare. Ils sont restés avec nous pour bavarder jusqu'au départ du train pour Toronto. Nous sommes arrivés à la gare Union à Toronto dans la soirée. Je me souviens qu'il faisait froid et que mon père, ma tante (la sœur de mon père) et son mari étaient venus nous accueillir à la gare.
Comme mon père était parti quand j'avais 3 ans, je ne me souvenais pas de lui et je ne voulais pas aller vers lui. Je pense qu'il a été un peu déçu. Tout compte fait, pour un garçon de sept ans, le voyage a été une aventure excitante. Nous étions contents d'arriver dans notre nouvelle maison. Je ne pense pas que mes parents aient eu l'intention de rester au Canada toute leur vie. Comme pour beaucoup d'immigrants à l'époque, l'idée était de faire de l'argent et de retourner au pays. Je suppose que nous nous sommes habitués au Canada et que nous avons décidé de ne pas rentrer. Commencer l'école sans avoir aucune notion d'anglais a été difficile. Ma sœur et moi avons éventuellement fini par maîtriser la langue. Elle est devenue secrétaire et moi je suis allé à l'Université de Toronto et je suis devenu ingénieur.
Mes parents ont acheté une maison, une automobile et ils ont voyagé lorsqu'ils ont pris leur retraite. Nous avons appris que le Canada était un pays qui offrait beaucoup de possibilités à ceux qui étaient prêts à travailler. Même si cela fait déjà 37 ans que je suis arrivé au Quai 21, je n'ai jamais oublié le jour où nous sommes arrivés. J'ai dû me rendre à Halifax pour affaires et je me suis arrangé pour y retourner. J'étais très content d'apprendre que le Quai 21 allait devenir un monument national en hommage à ceux d'entre nous qui sont arrivés au Canada en passant par le Quai 21. C'est une merveilleuse façon de ne pas nous oublier, nous qui avons fait le voyage pour trouver une vie meilleure au Canada !