Mur d'honneur de Sobey
Colonne
127
Rangée
3
JoAnne Potter, née Vanderheyden
Je suis née le 21 mai 1940 à Beek & Donk en Hollande. Après que la Seconde Guerre mondiale a dévasté notre pays, mes parents ont pris la décision d’émigrer au Canada en 1948.
Les préparatifs étaient nombreux pour la famille avant de pouvoir entreprendre un tel voyage. Deux pairs de klompens (souliers en bois) ont été fabriquées pour chaque membre de la famille. Je me souviens encore d’avoir observé l’homme en train de les faire. Mon père a décidé que ce serait une bonne idée d’emporter de la viande fumée de cheval, ne sachant pas si nous aurions assez d’argent ou de nourriture à notre arrivée au Canada.
Alors que de grandes caisses en bois étaient préparées et remplies, ma mère a dû aller à La Haye pour des tests de tuberculose. Elle a emmené ma sœur Hélène avec elle car elle était encore un petit bébé. Les tests de tuberculose ont été négatifs et ma mère est revenue aussi avec la nouvelle qu’elle était enceinte de deux mois.
En plus de ma mère et de mon père, nous étions six enfants à faire le voyage. J’étais l’aîné de mes frères Ed, John, Leo, Harry et de mon unique sœur Helen. Notre destination était Forest en Ontario, où nos parrains, Harley et Nellie Hetherington, allaient employer mon père dans leur ferme laitière.
Beaucoup de gens, dont nous les enfants, ont eu le mal de mer sur le Kota Inten. Avec ma mère enceinte, c’était particulièrement vrai. Nous avions largement de quoi manger même si les pommes-de-terre étaient jaunes et qu’elles avaient un goût différent, et que la confiture de framboises avait le goût d’huile. Le manque de place faisait qu’on ne pouvait ni courir ou jouer mais il y avait des jeux de toutes sortes un peu partout.
Je me souviens que nous avons navigué de la Hollande jusqu’en Angleterre puis avons bifurqué vers le nord en passant près de l’Islande puis vers le sud vers le Groenland et Halifax pour débarquer à la ville de Québec au Québec. Des mines le long de la voie principale depuis la Hollande jusqu’au Québec ont rallongée la traversée et forcé à emprunter cette voie plus longue mais la vue de ces grands icebergs a été inoubliable.
Parmi mes souvenirs, il y en a un de mon frère Harry, qui avait alors presque trois ans. Il avait une poupée de chiffon qu’il coinçait sous son bras, par commodité quand il n’en avait pas besoin ou simplement pour la transporter, alors qu’il suçait deux de ses doigts. Un jour lui et sa poupée se sont penchés bien trop en avant à travers l’un des nombreux hublots. Je me rappelle de deux passagers qui ont rattrapé Harry par les jambes juste à temps et l’ont ramené à bord, sans sa poupée, mais sain et sauf cependant.
Les femmes et les enfants dormaient d’un côté du navire et les hommes de l’autre. Papa venait toujours contrôler le matin et le soir. Je pense que beaucoup d’autres pères et de maris ont fait la même chose.
Selon les passeports, nous avons quitté Rotterdam en Hollande le 6 juillet pour arriver au Québec le 17 juillet. J’avais toujours cru que la traversée avait été plus longue, ce qui peut se comprendre venant d’un enfant de 8 ans. Je me souviens aussi de la confusion qui régnait dès qu’il fallait récupérer ou trier les valises, les enfants, les passeports et les documents alors que nous débarquions du navire et nous préparions à prendre le train pour Sarnia en Ontario. Après deux jours de train, Harley Hetherington nous a accueillis à la gare. Il conduisait une Rambler des années 1930 qui avait une banquette arrière capable d’accueillir cinq enfants, avec les parents, le bébé et lui-même sur le siège avant. Il va sans dire que lui et mon père sont retournés à la gare le lendemain chercher nos affaires.
Il n’y avait pas d’allée qui allait de notre maison à celle des Hetherington et donc quand nous sommes arrivés à la ferme, ils ont marché à travers champ avec nous jusqu’à une vieille maison en bois qui avait servi de grenier. Quand nous avons ouvert la porte, nous avons vu le bouquet de fleurs des champs que Nellie Hetherington avait placé sur la table. Ma mère s’est assise sur une chaise et s’est mise à pleurer.
La maison était à peine habitable, avec des trous de souris partout qu’il fallait boucher avec des couvercles de boites de conserves en fer. Elle a fini par devenir notre chez-nous et je me souviens courir dans les pâturages, cueillir des fleurs, pêcher l’éperlan et donner du lait aux chatons dans la grange. Ma mère faisait pousser des fleurs autour de la maison où il y avait aussi un très beau lilas.
L’église catholique de Forest s’apprêtait à fermer ses portes parce qu’il n’y avait que sept personnes qui participaient à la messe. Une fois que notre famille et quelques autres personnes sont arrivées, elle est restée ouverte pendant de nombreuses années.
Entre les traites à la ferme laitière, mon père allait à bicyclette jusqu’en ville travailler dans une fabrique de panier pour gagner un peu d’argent supplémentaire. Il a fabriqué une charrette avec des pièces détachée d’une vieille voiture à laquelle il a attelé deux chevaux. Il a aussi acheté une ferme en bas de la route qui est devenue notre propre ferme laitière. Soixante ans plus tard, mon frère aîné Ed en est toujours le propriétaire avec la ferme d’origine des Hetherington. Notre vieille maison en bois a été détruite par un incendie mais les souvenirs que j’en ai gardés sont encore vivants aujourd’hui.