Katrina Ewanishan Yurko

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Katrina Ewanishan Yurko

"Kay: Une histoire vieille de 85 ans

Je me suis souvent demandé quel mot serait le plus apte à décrire ma mère. C'était un réel défi que d'en trouver un sans exagération, mais le seul qui convient est sans doute « unique ». Tout, dans sa personnalité, sa manière de cuisiner ou même de jouer au golf, lui était propre. (Je parle sincèrement. Je ne suis pas en train de participer au concours de « la meilleure fille de l'année »). Toute ma vie, j'ai adoré les histoires, que ce soit sur la Russie, l'Amérique ou les sports. J'ai décidé d'utiliser l'occasion de ce présent cadeau d'anniversaire pour commémorer son histoire, en combinant les souvenirs personnels et un travail de détective dans les archives. Voici donc l'histoire de Catherine Yurko, les faits qui se sont produits et tout le reste.

Les premières années

Selon moi, le jour de naissance de chacun est un jour très spécial. Celui de ma mère ne fait pas exception à la règle. Elle est née le 21 juillet 1925, sous le nom de Katarzyna Iwaniszyn (Catherine Ewanishan) à Nowosiolki, en Pologne, pas très loin de la frontière ukrainienne. Katarzyna était le troisième enfant de Szymon Iwaniszyn (Samuel Ewanishan) et de Tacjanna Kuzio (Tatiana Ewanishan). Les Iwaniszyn ont pris la décision d'émigrer au Canada, en quête d’une vie meilleure. Le 8 juin 1928, mon grand-père a été le premier membre de ma famille à arriver dans la ville de Québec, après être arrivé par le Duchess of Bedford en provenance de Liverpool, en Angleterre. Il a traversé le pays en train pour Edmonton et s'est finalement installé à Hairy Hill en Alberta.

Comme les voyages étaient chers, l'émigration du reste de la famille au Canada s'est étalée sur une longue période. Les suivants ont été ma grand-mère et mon oncle, Jaroslaw Iwaniszyn (Larry Ewanishan), qui a voyagé gratuitement parce qu'il était encore bébé. Même si un an s'était écoulé, ils se sont arrangés pour prendre exactement la même route que mon grand-père, partant de Varsovie en Pologne, puis embarquant sur le Montrose depuis Southampton en Angleterre. Ils sont arrivés à Montréal le 5 juillet 1929. L'année suivante, ma grand-mère a travaillé dans les champs pour que ma mère, ses frères, Wlodmiers Iwaniszyn (Walter Ewanishan), Semko Iwaniszyn (Samuel Ewanishan) et mon oncle Semen Kuzio puissent rejoindre la famille. Ils sont tous arrivés à St John au Nouveau-Brunswick le 21 avril 1930 et ont dû changer de train à Montréal pour rejoindre tout le monde à Hairy Hill.

A Hairy Hill, le clan Ewanishan s'est mis au travail pour s'installer dans son nouvel environnement. Cela a commencé par quelques additions. D'abord, une sœur, Anne, est née en 1930 mais elle est malheureusement morte d'une infection six semaines plus tard. Le plus jeune frère de ma mère, Nick, est né en 1932, est sa sœur, Olga, l'a suivi deux ans plus tard. En plus de cela, ma mère a dû s'ajuster à sa nouvelle école à Hairy Hill, parce qu'elle ne parlait qu'ukrainien. Et en plus de la barrière de la langue, ma mère devait faire face à un handicap physique car elle était née avec deux hanches disloquées. La famille recherchait de meilleures opportunités et a déménagé à Two Hills, en Alberta, en 1936. Là, les choses ont commencé à s'améliorer pour les Ewanishan, et en particulier pour ma mère.

Elle a changé et a réussi à passer d'une jeune fille, qui avait jusque là été accablée par les circonstances passées, à une personne intrépide qui était prête à tout entreprendre.

Leçons de vie

Après avoir déménagé à Two Hills, ma mère a développé sa propre identité grâce à l'éducation et des centres d’intérêts divers, et s'est forgé sa propre personnalité. En juin 1939, elle a subi une première opération chirurgicale pour se faire rallonger une jambe, ce qui devait la soulager de l'inconfort physique qu'elle endurait au quotidien. Pendant ses six semaines de séjour à l'hôpital, ma mère a eu la chance de rencontrer la Reine d'Angleterre quand elle était de visite à Edmonton. Elle estimait avoir beaucoup de chance par comparaison à de nombreux enfants qui ne pourraient jamais marcher. Cette hospitalisation a permis à Maman de réaliser que même si elle n'avait pas eu de chance pour certaines choses, il y avait d'autres personnes dont la situation était encore pire. (Elle a souvent répété cela à ses enfants pour leur permettre de mettre en perspective les petits problèmes face à ceux qui sont bien plus graves.)

Même si elle souffrait, Maman était une excellente attrapeuse de balle dans l'équipe de softball de Two Hills. Cette prouesse physique l'a certainement beaucoup aidée plus tard dans la vie. Elle a travaillé dur à l'école et a passé les examens du gouvernement pour pouvoir aller à l'école secondaire. Maman s'est inscrite au Alberta Business College pendant un an. Elle a payé ses études en calibrant des œufs, ce qui était difficile pour quelqu'un avec son handicap. Après avoir reçu son diplôme, Maman a obtenu un travail de secrétaire chez Burns and Company. Le 13 février 1945, elle a eu son premier jour de travail salarié. Elle y a gagné aussi une amie pour la vie, et une future belle-sœur, Mary Paul. L'amitié de Mary a beaucoup soutenu ma mère, pendant des années, sans aucune défection, jusqu'à sa mort l'année dernière.

Amour, mariage, et tout le reste

Je suis sûre que bien des enfants ne se rendent pas compte que leurs parents ont eu une vie à eux, avant qu'ils ne fassent partie de la famille. Quant-à-moi, j'ai décidé au contraire de rechercher comment Catherine Ewanishan et Michael Yurko sont devenus « Kay and Mike ». Ils ont réussi à se trouver malgré les circonstances de la guerre et des temps pendant lesquels on n'était sûrs de rien.

Pendant la Seconde guerre mondiale, les histoires d'amour sont passées au second plan puisque les soldats devaient partir au combat. L'amour était certes au rendez-vous pour mes parents mais la guerre elle-aussi était là et il fallait faire avec. Le 17 mars 1945, ma mère s'est fiancée avec mon père et l'a finalement épousé une semaine plus tard, juste avant qu'il ne soit envoyé en Angleterre pour servir dans les Forces aériennes royales canadiennes (Royal Canadian Air Force). Pendant que mon père faisait son service outre-mer, elle a continué de travailler pour Burns and Company jusqu'a son retour de la guerre.

À la fin de la guerre, mon père est allé étudier à l'Université d'Alberta. Il a obtenu un diplôme en génie et mes parents ont commencé à vivre ensemble. Lorsqu'ils vivaient à Edmonton, mes sœurs Donna (10 mai 1947) et Janice (6 décembre 1948) se sont ajoutées au ménage. Notre famille est partie pour Montréal où mon père a obtenu sa maîtrise en génie et en physique en 1951 à l'Université McGill. Pendant que mon père allait à l'école, Maman s'occupait de la famille, qui s'était encore agrandie avec la naissance d'Allen, le 25 septembre 1951. Maman a élevé trois enfants avec un modeste salaire en gérant au mieux les fonds à sa disposition. Cela voulait aussi dire qu'elle faisait elle-même les vêtements pour les enfants et qu'elle reprisait les chaussettes qui semblaient pouvoir durer éternellement. Elle a été un facteur déterminant pour le succès des études de mon père, en fournissant ses fameux muffins à l'avoine à son groupe d'étude. Un autre déménagement est intervenu, pour Ottawa, quand mon père a travaillé pour le gouvernement. Et deux autres additions à la famille avec les naissances de mon frère, Richard, le 30 octobre 1953 et la mienne le 11 décembre 1954. Autre crédit à apporter à ma mère : elle s'est occupée seule de toute la maison et très efficacement, quand mon père est parti travailler un an aux États-Unis, ne rentrant à la maison que pour les fins de semaine..

Après cette année, ma famille a décidé qu'il était mieux d'émigrer aux États-Unis, pour pouvoir vivre ensemble au quotidien. Le 7 juillet 1960, notre famille est arrivée aux États-Unis par le Ogdensburg, à New York, avant de s'installer à Hastings sur l’Hudson, dans l'état de New York. Un an plus tard, nous avons déménagé à Levittown, dans le New Jersey, et plus tard Willingboro. C'est là que mes parents ont eu la surprise de l'arrivée d'un sixième enfant, quand ma jeune sœur Linda est née le 20 juin 1963. Notre famille a souvent blagué en disant que c'est la seule qui pourrait devenir Présidente des États-Unis. (Est-ce que vous pouvez vous imaginer un Yurko à la Maison-Blanche ? Les possibilités sont sans limites.)

Quand mon père a démarré sa propre compagnie d'électronique, ma mère, et tous les enfants plus âgés, ont contribué tout ce qu'ils pouvaient, trempant leur chemise pour que cette affaire marche. La compagnie a prospéré et Maman a insisté pour que tous ses enfants profitent d'une bonne éducation au collège et chacun des six enfants a en effet obtenu un diplôme collégial. On a eu l’occasion de construire une maison sur un terrain de 80 acres à Hainesport, dans le New Jersey. Ma famille s'est débrouillée pour acheter une deuxième propriété à Orlando, en Floride, où ils pouvaient faire du golf quand ils voulaient. Ma mère s'est révélée être une excellente golfeuse, même si elle a appris à jouer après mon père. Un jour, elle a réussi à faire un trou en un seul coup quand elle jouait sur le court de Bay Hill. Elle a aussi gagné le championnat du club de golf de Bay Hill à l'âge de 80 ans. Plus tard, ma mère a gagné le championnat disputé par les nonagénaires.

Au fil des ans, ma mère a dû affronter bien des défis physiques et mentaux. On lui a fait quatre opérations de remplacement de la hanche, elle a eu plusieurs petites attaques, une chirurgie pour des calculs dans la vessie, des problèmes de pression sanguine, de coiffe des rotateurs... Malheureusement, le cancer a été le pire des obstacles pour toute notre famille. Il a culminé avec la mort de mon père en 1994. Ma mère a aussi vu les maladies du cœur et le cancer affecter les vies de cinq de ses six enfants. Heureusement, nous avons prouvé que comme elle, nous sommes des battants et que nous pouvons nous battre contre n'importe quoi avec nos propres armes.

Malgré les problèmes de santé, le bon temps a eu bien plus de poids que le mauvais. Cérémonies de remise de diplôme, mariages, naissances de six enfants, douze petits-enfants, et six arrière-petits-enfants sont des repères de choix dans l'histoire de notre famille. Écrire cette histoire m'a permis de saluer de manière particulière le courage dune femme qui nous a tout donné et qui a fait de nous qui nous sommes. Je l'ai fait pour célébrer le 85e anniversaire de ma mère dans le Maine, et la remercier de tout ce qu'elle a fait pour nous.

Vieille photographie d’identité de passeport tamponnée de trois petits enfants.
Image de Katrina âgée, portant du rose, près d’une plaque portant son nom.
Image de trois plaques de famille sur le Mur de l’honneur de Sobey au Musée du Quai 21.