Hendrik et Iefje Eyk

Mur d'honneur de Sobey

Colonne
150

Rangée
13

First Line Inscription
Hendrik and Iefje Eyk
Second line inscription
and Children

En mars 1949, Hendrik et Lefje Eyk avec leurs trois enfants, Cornell, Willem et Tineke, se sont embarqués sur le Gripsholm, à Göteborg (Suède) en direction d’Halifax à titre d’immigrants en provenance de Hollande.

Voici deux lettres et une carte postale décrivant en détail leur départ, leur traversée de l’Atlantique et leur arrivée au Canada jusqu’à leur premier lieu de résidence. Ces lettres ont été traduites par leur fils, Willem.

(Lettre rédigée par ma mère à l’intention de ses parents et de sa sœur).

15 février 1949

Velp, Hollande

Cher père, chère mère et Ans,

Une fois encore, c’est dimanche et comme d’habitude, nous sommes assis ici à écrire des lettres.

Tout d'abord, félicitations pour les anniversaires de Trien et Anneke et aussi celui de Cornell. Eh bien, ils ne l’ont pas oublié. À l'exception de vous trois, il a reçu une carte ou une lettre de tous les membres de la famille, et il flotte dans les nuages ! Il a reçu un joli livret de tante Ann et de notre part, un crayon et une paire de chaussures. Merci également à Opa et Oma. Et puis, tante Ans, quand viendrez-vous nous voir ? Si vous voulez toujours venir, vous devrez faire vite, sinon les oiseaux se seront déjà envolés vers d’autres cieux. La semaine dernière, nous vous avons écrit au sujet de ces gens qui devaient quitter dans les trois semaines. Eh bien, hier soir à 20 heures, la bombe a éclaté. Nous avons reçu deux lettres en même temps. L’une était mal adressée, sinon nous l’aurions appris hier matin, mais encore là, le temps reste court.

... alors, nous venons d’arriver de l’église et sommes de retour à la maison. Selon les lettres reçues, nous comprenons que le 2 mars - ne soyez pas surpris - nous nous rendrons en train de Deventer à Göteborg, en Suède. C’est probablement le même train qu’An deMoes a pris avec notre voisin. Nous allons donc traverser l’Allemagne. Puis, la Suède, afin de monter à bord du navire à Göteborg, le 4 mars. Si nous ne faisons pas cela, cela peut alors prendre une autre année avant que notre nom ne revienne une autre fois. Nous ne savons pas encore la région vers laquelle nous nous dirigeons, mais cela nous sera communiqué dès que possible. Vous comprenez bien que cela occasionne tout un bouleversement dans nos vies. Heureusement que Jaap et Ann sont à proximité, nous recevons beaucoup de soutien de leur part. Nous avons maintenant à vendre nos articles de maison car le parcours est maintenant plus cher que ce que nous avions prévu. Encore une chance que nous n’avons pas de nombreux articles et que nous n’avons pas encore fait d’achats supplémentaires.

Bon, maintenant la question est «que pouvons-nous prendre avec nous et que devrions-nous laisser derrière ? » L’aspirateur m’est très cher. Nous avions acheté le poêle spécialement pour cela, mais si nous ne pouvons le prendre avec nous, Jaap nous l’achètera au prix d’achat. Nos ustensiles de table descendront aussi d’un étage [Jaap et Ann vivent au premier étage]. Hier, j’ai vendu un pot de confiture à 3,5 florins, et ça se poursuit. Nous espérons pouvoir venir vous visiter pendant quelques jours. Ce sera probablement du jeudi 24 au 28 février, et il faudra partager le temps avec les Beemster et les Edam. Peut-être est-ce une bonne chose que tout aille si vite parce que maintenant, on ne peut plus prendre la situation à la légère et il est nécessaire de prendre des décisions. Demain je vais voir le médecin à propos de cette excroissance. Le médecin a dit que ce n’était rien, que ce serait réglé en 20 minutes.

(rédigé par mon Père)

Maintenant, l’instigateur de cette grande aventure tordue va écrire quelques mots, bien qu’ils soient de nature plus proche des affaires. Mère ou Ans, l’une ou l’autre ayant le temps de le faire, voudriez-vous retirer le reste de tout ce qui se trouve dans nos comptes bancaires… retirez tout. Nous le prendrons lors de notre visite. Ans, nous avons parlé l’année dernière de mon assurance-vie, es-tu toujours d’accord pour la récupérer ? Pourrais-tu m’éclairer sur tes intentions à ce sujet le plus tôt possible ? Après cela, je serai en mesure de tout mettre en ordre ici. La police est d’une valeur de 580 florins. Autrement, je n’ai pas d’autres nouvelles. Je vais donner la cage de lapin à Wim, et les autres enfants auront à décider du sort de la piste de courses des garçons. Ainsi, elle aura toujours été fabriquée pour vos petits-enfants, père. Maintenant, mes très chers, nous allons prier que Dieu nous accorde l’énergie pour nous voir au cours des derniers jours que nous aurons dans notre mère-patrie. Bonjour à tous, et nous nous verrons dans peu de temps.

(rédigé par mère)

Et des bisous à tous de Henk, Ief et les enfants. Es-tu déjà en route, Ans ?

Carte postale du « Gripsholm »

Cher père, chère mère et Ans,

Nous voici à Göteborg. Ann nous a accompagnés en autobus jusqu’à la gare de Deventer. Le train était en retard de trois quarts d’heure, et la salle d’attente était pleine de passagers. Après une nuit à dormir d’un œil, nous sommes arrivés à Göteborg. On nous a donné beaucoup à manger. Le personnel du bureau de voyage prend extrêmement bien soin de nous, c’est un service excellent. Nous sommes présentement assis dans le wagon-lit et nous espérons bien dormir ce soir. Demain, nous devrons être prêts à 7 heures.

Recevez les salutations chaleureuses de Henk, Ief, Cornell, Wim et Tineke. Au revoir.

8 mars 1949

Le « Gripsholm »

Chère famille,

Maintenant, nous allons essayer de vous écrire quelque chose, car il semble y avoir très peu de temps pour cela. Vous devriez maintenant avoir reçu notre carte postale. Je suis assise ici, dans notre cabine. Henk est sur le pont avec Cornell et Wim, et Tineke est assis sur le lit en train de jouer. Elle est malheureuse que nous ayons oublié d’apporter sa petite poupée avec nous.

Je vais commencer par le commencement. Mercredi matin, nous nous sommes levés à 6 heures alors qu’on s’était couchés à 2 heures la veille… ce fut donc une courte nuit. Cela nous a poussés à la hâte vers la sortie afin d’être à temps pour prendre l’autobus. Jaap a rapidement sauté sur sa bicyclette vers l’arrêt d’autobus pour le faire attendre si cela était nécessaire, mais nous avons quand même réussi à avoir 5 minutes d’avance pour acheter nos billets. À Deventer, nous avons dû attendre plus d’une demi-heure car le train était en retard. Ann vous racontera cette partie de l’histoire. Nous nous sommes donc finalement assis dans le train qui nous amènerait à Göteborg. Nous étions dans un compartiment en compagnie de deux jeunes couples de nouveaux mariés. Lorsque le train est arrivé à Hengelo, nous n’avons tout d’abord pas vu oncle Jan et tante Els, mais quand nous sommes entrés dans la station, nous les avons vu marchant le long de la plate-forme. Ils étaient là parce que le train allait y rester pendant environ une demi-heure pour l’inspection des passeports, etc. Ils avaient apporté des choses pour les enfants, mais ils ont dû passer par l’intermédiaire du personnel de train pour nous les acheminer.

Le train a finalement repris sa route. Une fois en Allemagne, d’autres responsables de l’immigration, mais ils nous ont laissés en paix. Nous n’en avons pas vu beaucoup pendant le voyage à travers l’Allemagne puisque nous avions les mains pleines avec les enfants. À 14 h 30, nous avons pris notre premier repas : tout d’abord une tasse de soupe, puis de la viande, des pommes de terre et des légumes et du pudding comme dessert… tout était excellent. Mais il fallait faire vite car sinon, ils prenaient l’assiette juste sous votre nez avant que vous n’ayez terminé. Et toujours du café ! À 18 heures, nous avons pris un autre repas chaud. Encore une fois de la soupe, une grosse tranche de langue au four avec des pommes de terre et des ???? (j’ai oublié) mais cela goûtait très bon. Puis vint la nuit, et c’est à moitié assis, à moitié suspendus que nous avons dormi. Lorsque Wim s’est endormi, nous l’avons déposé dans le filet à bagages et avons placé Tineke sur le siège. À un moment donné, l’imperméable d’Henk est tombé et Wim a suivi. Henk a réussi à l’attraper juste à temps. Nous avons alors placé Cornell dans le filet car Wim en avait assez.

Nous avons finalement réussi à passer la nuit. Alors qu’on était sur le train, nous n’avons pas pu voir grand-chose car il faisait trop sombre. Avec tout ça, nous sommes arrivés trop tard à Copenhague pour notre transfert de train et on a dû attendre environ une heure. Pendant ce temps, Henk a réussi à rencontrer D. Lammers, mais nous n’avons pas reconnu d’autres visages familiers mise à part une famille qui était avec nous en septembre à La Haye. Dans le train de Copenhague à Göteborg, nous avons reçu un repas à emporter qui consistait en un sandwich au fromage et quelques tranches de pain beurrées avec deux œufs à la coque et un demi-litre de lait. Durant ce voyage en train, nous avons pu voir quelque chose : des collines et des montagnes avec de petites maisons entre elles. La terre semblait aride et dénudée, mais cela pourrait être en raison de la période de l’année.

Nous sommes arrivés à Göteborg à 15 h 30. Nous avons dû laisser nos bagages dans le train et avons été transportés par autobus jusqu’à un bâtiment pour y manger; il y avait des montagnes de pain, puis ils ont apporté de la viande, des pommes de terre, des légumes, etc. Alors nous avons mangé et mangé encore jusqu’à ce qu’on s’arrête parce qu’on avait trop pris de tout. Et de là, nous sommes repartis en autobus en direction de l’édifice de la Swedish American Line. Une fois sur place, il nous a fallu une bonne heure avant que tous nos papiers soient en ordre. De là, nous sommes repartis à pied pour les wagons-lits. Les personnes qui n’avaient pas d’enfants à mettre au lit ont eu l’occasion de prendre un café ou un thé avec quelques sandwiches. Nous avons rapidement mis les enfants au lit… et nous aussi. Cela aussi était bien organisé. On pouvait trouver tout le nécessaire dans notre compartiment, même un pot de chambre. Trois lits, l’un au-dessus de l’autre… nous en avons donc profité.

Le lendemain matin à 7 heures, nous devions être présents une fois de plus, et encore une fois, nous avons tous été accueillis pour une tasse de café avec deux muffins et du lait pour les enfants. Une heure après, nous étions de nouveau transportés par autobus pour aller prendre le petit déjeuner dans le même bâtiment qu’hier. Après cela, nous avons été emmenés pour une visite de la ville. Fantastique, toutes ces hautes montagnes et tous ces rochers ! Les couleurs sont très sombres, mais encore c’est incroyable de voir comment tant de buissons et d’arbres peuvent croître à travers tout ce roc.

Ensuite, nous nous sommes rendus au navire et ça s’est passé assez rapidement. Nous avons été parmi les premiers passagers à monter à bord et nous avons été accompagnés jusqu’à notre cabine, la 628. Ce n’est pas l’une des plus belles cabines : des deux côtés, des lits superposés et une table de lavage pliante. Ce matin, j’ai parlé avec quelqu’un qui dispose d’une cabine beaucoup plus belle. Mais la nôtre nous conviendra. À midi, nous avons eu notre premier repas : soupe, pommes de terre, viande, légumes, pain et fruits. On ne savait pas par où commencer, et si vous n’avez pas terminé parce que vous devez aider un des enfants, alors vous pouvez être certain que dans l’instant suivant, votre assiette a disparu. Mais nous sommes habitués à cela maintenant et nous recevons quand même notre part, un peu de tout. À 17 heures, les préparatifs pour le départ ont débuté.

Les gens de Lissone Lindeman devaient quitter le navire à 16 heures et ont pris congé de nous. Ils avaient dit qu’ils resteraient sur le quai tant qu’ils verraient encore le navire. Et oui, ils étaient là, nous saluant et s’agitant… c’était vraiment agréable. Et tout cela venant de personnes que vous avions vues pour une journée seulement. Puis, nous avons pris la mer.

À 18 heures, nous avons été invités à manger. Encore une fois, du pain, des pommes de terre, de la viande, des légumes, des fruits et du café. Nous ne comprenions pas très bien comment nous devions manger. Il semble que ce soit une coutume anglaise de manger de tout, de façon aléatoire. La portion fruit se composait d’une pomme et d’une orange. Tout d’abord, nous n’en prenions qu’un seul, mais tout le monde en prenait deux, on en prend donc maintenant deux nous aussi et c’est ce que nous mangeons entre les repas. Nous avons la chance d’être du premier service. Alors maintenant, nous mangeons à 8 heures et à midi. À 15 heures, nous prenons le thé avec des gâteaux et des biscottes puis nous soupons à 18 heures. Le deuxième service se tient toujours une heure et demie plus tard. Nous sommes donc chanceux que les enfants puissent toujours aller au lit à l’heure. Avec tout cela vient le fait que le premier jour, nous devions reculer l’horloge d’une heure, le deuxième jour, de 50 minutes, hier, de 40 minutes et ce soir encore, de 40 minutes. Le résultat : les enfants sont complètement mêlés. La nuit dernière, Cornell était déjà réveillé à 3 heures. Et de la façon dont nous dormons… Fantastique !

Samedi, la mer était très agitée et tout le monde avait le mal de mer. On ne voyait plus les femmes. Henk a également eu un peu de problème avec ça et Cornell aussi, durant toute la journée. Mais moi, je n’ai aucun problème, ni Wim ou Tineke, bien qu’ils ne mangent pas beaucoup. En un mot, c’était terrible : chacun était pire que l’autre. Sous le pont, c’est difficile, mais une fois sur le pont, on se sent déjà mieux. La dame à côté de nous est au lit depuis samedi. Elle a deux enfants, une fille qui a à peine deux ans, l’un de 10 mois, et elle est enceinte de 6 mois. Eh bien, elle sait qu’elle s’en va au Canada !

Cet après-midi, nous étions tous sur le pont à chanter des chansons de notre patrie et après, nous avons fait des jeux avec les enfants. Il n’il y pas beaucoup de divertissement pour nous et les enfants. Il nous faut donc inventer nos propres jeux. Ce soir, les enfants étaient très perturbés pendant l’heure du souper. Ils ont pleuré tous les trois, chacun leur tour. Nous les avons mis rapidement au lit, et en un quart d’heure, tous les trois étaient endormis. Maintenant, nous sommes assis dans la salle de rédaction… et on écrit. Nous sommes maintenant habitués aux mouvements du navire et nous ne les remarquons plus beaucoup.

Vendredi après-midi. Nous poursuivons notre traversée. Si ça continue comme ça, nous devrions être à Halifax demain après-midi, plus tôt que prévu. En ce moment, c’est très brumeux au-dessus de la mer. Nous n’avons pas pris de photos encore, premièrement parce que la caméra est dans la valise dans la cale et deuxièmement parce qu’il ne fait pas très beau. Cependant, nous ne pouvons pas nous plaindre de la mer. Hier, Henk et quelques autres hommes ont grimpé jusque dans le nid de la corneille [point d’observation], à 85 échelons dans les airs. Cela me tentait aussi, mais finalement, j’ai décidé de ne pas le faire.

Parmi l’équipage se trouve aussi un Hollandais avec lequel nous parlons souvent. Il nous éclaire sur certaines choses et d’autres. L’ambiance parmi les immigrants est très agréable, mais il commence à être temps que nous descendions du navire… on est tous en train de devenir amorphes et paresseux. Ce soir, je crois que nous auront droit à une soirée néerlandaise. Hier, nous avons participé à une cérémonie religieuse danoise. Hier après-midi, les enfants ont nagé dans la baignoire, nous n’avons rien vu de la piscine. Elle est apparemment ouverte pour notre usage, mais seulement pendant une heure par jour. Mais je ne trouve pas cela très hygiénique, car toutes sortes de gens se promènent ici.

Les amis, je crois maintenant avoir réussi à vous dire pas mal tout. Nous sommes très curieux de voir ce qui nous attend demain. La plupart d’entre nous irons en Ontario, et nous sommes tous optimistes. Recevez nos sincères salutations avec un gros baiser pour vous tous de Henk, Ief, Cornell, Wim et Tineke.

P.S. Henk a écrit une lettre aux Beemster. Et comment se passent les choses avec Opa ? Nous attendons avec impatience la première lettre de votre part.

16 mars 1949

Foxmead, Ontario

Chère famille,

Prenons maintenant la plume encore une fois car il n’y a pas vraiment autre chose à faire. Je vais reprendre là où j’ai laissé dans la lettre précédente. Vendredi soir, nous avons eu une soirée néerlandaise. Plusieurs éléments ont été présentés et nous avons chanté des chansons folkloriques néerlandaises. À 22 h 30, nous avons dû quitter la salle et nous avons donc poursuivi dans la salle de rédaction en s’adonnant à divers jeux, puis sommes allés nous coucher à 23 h 30.

Le lendemain matin, nous devions arriver à Halifax. Le samedi à 8 heures, on nous a demandé de nous présenter sur le pont avec nos valises, c’était le branle-bas de combat. Mais la mer était très agitée, et ce n’est que vers 16 heures que nous sommes arrivés à Halifax. Nous étions tous heureux de voir la terre ferme. Et quelle vue ! Toutes ces collines et petites maisons. Nous ne pouvions prendre de photos car le temps était gris.

Nous avons donc finalement été autorisés à quitter le navire et nous sommes arrivés dans une grande salle pourvue de bancs et nous avons dû attendre encore une fois. Nous avons dû montrer nos papiers de nouveau, etc. Ils ne vous laissent pas entrer dans leur pays comme ça. Nous avons aussi enfin appris le nom du patron [la personne qui avait parrainé père, et pour laquelle il sera apprenti] et avons envoyé cette information à Velp, en espérant qu’Ann l’enverra. Nous avons aussi envoyé un télégramme au patron pour l’informer que nous étions arrivés. Nous étions toujours aidés par des résidents hollandais qui étaient extrêmement utiles. Il y avait aussi une organisation religieuse qui distribuait des jouets pour les enfants. Cornell a reçu une voiture jouet et une balle, Wim, un animal en peluche et un sifflet et Tineke, un ours en peluche et un hochet. De mon côté, j’ai reçu un livre de Mathieu et un peu plus tard, un vieux magazine portant le nom de Baptiste. Quelle organisation peut bien être réellement responsable de tout cela??? La Croix-Rouge était également présente, servant du thé et des biscuits et du lait pour les enfants. Il y avait aussi une salle de jeu pour les enfants. Wim et Tineke ont passé un peu de temps dans le parc. Nous avons aussi effectué nos premiers achats canadiens : des pommes, du pain, du beurre et du lait. Nous avions encore un morceau de fromage, et nous avons dû surveiller notre nourriture pour le reste du voyage.

Mais au lieu de quitter à 23 heures ce soir-là, ce fut minuit, donc avec une heure de retard. Notre voyage en train devait être d’une durée d’un jour et demi environ. C’était un train spécial d’immigration et étant donné que la plupart d’entre nous allions en Ontario, nous sommes restés ensemble un peu plus de temps. Le train était très spacieux. On nous avait dit que les trains du Canada étaient mal foutus, mais je les trouve bien meilleurs et plus spacieux que ceux de la Hollande et aussi bien plus beaux que celui de la Scandinavian Express. Nous pouvions déplier les sièges pour nous allonger sur toute la longueur. Nous en avions deux de chaque côté et donc beaucoup de place. La nuit, ils servaient de couchettes et le jour, deux sièges servaient de parc à Tineke, qui a pu jouer à son goût. En ce qui concerne les enfants, ils ont un bon comportement, mais je ne voudrais pas avoir à refaire cela trop vite.

Nous avons vu beaucoup du Canada, mais tout était sous la neige, et durant notre voyage, il a neigé de temps en temps. La plupart des maisons sont faites de bois et sans peinture, ce qui donne une impression de pauvreté et de saleté, d’autres sont peintes en blanc ou en blanc avec les garnitures vertes, ce qui donne en revanche une impression de propreté. La plupart des maisons ont des fenêtres et des rideaux sales, ce qui une fois de plus ne donne pas une impression de propreté, mais ce pourrait être parce que c’est l’hiver. Par conséquent, je voudrais bien faire à nouveau ce voyage, mais durant l’été, pour voir s’il y a une différence. Par exemple, hier soir, il faisait 20 degrés en dessous de zéro, mais on ne le ressentait pas. Si tout l’hiver passe comma ça, nous devrions être capables de le supporter. Et puis, je peux bien oublier les fenêtres et les rideaux sales. D’autres paysages que nous avons vus durant le voyage étaient des collines et des vallées à travers lesquelles nous passions. Des forêts et des entrées rocheuses aussi, ce qui valait l’effort, mais que nous avons été incapables de prendre en photo. On devait regarder à travers des fenêtres munies de trois couches de verre et qui ne pouvaient pas être ouvertes. Seule la dernière fenêtre avait une ouverture d’aération de 15 cm sur 4.

Et c’est ainsi que nous sommes arrivés à Montréal lundi matin à 7 h 30. Là, certains passagers ont été transférés sur un autre train, mais nous avons poursuivi sur le même train vers Toronto, à 9 h 30. Mais nous avons d’abord bu du thé et les enfants, du lait, au café et ensuite, nous avons acheté du pain avant de repartir. Nous sommes arrivés à Toronto une demi-heure plus tard que prévu et nous avions peur de ne pas pouvoir continuer. Mais oui heureusement, nous le pouvions. C’est là que nous avons rencontré deux messieurs et une dame qui parlaient le hollandais eux aussi.

Et ici, nos chemins se sont séparés. L’un quittant à l’instant, d’autres à 9 h 30 et à 10 h, nous-mêmes à 11 h 30 et d’autres encore à midi. Un groupe de sept personnes devait aussi passer la nuit car il n’y avait plus de départ ce jour-là. Une autre famille et nous sommes allés à Orillia, une fois encore, sur un beau train.

Nous y sommes arrivés à 2 h 10. Les hommes avaient téléphoné à la famille, et nous nous demandions s’ils viendraient nous chercher au beau milieu de la nuit. Mais oui, l’agriculteur et son épouse étaient là, avec la voiture. Les trois enfants dormaient et nous les avons portés dans cet état jusqu’à la voiture. C’était une vieille voiture et on ne voyait que ça, des voitures. Puis, elles sont garées jour et nuit à l’extérieur, tout comme nous laisserions un vieux vélo.

Eh bien, ce sont des gens plutôt agréables. Mais oui, tout est tellement différent de ce que c’est en Hollande. Ils mangent aussi de façon très différente que nous. Pensez un peu à madame Appel : un peu de ceci et un peu de cela dans l’assiette et à côté, une tasse de thé, puis un morceau de pain dans votre main. Au matin, un gruau fait avec de l'eau et recouvert de lait et de sucre, avec du pain. À midi et le soir, tout comme nous avons mangé pendant la guerre, du pain avec une collation chaude. Et non le repas chaud auquel nous sommes habitués. Aussi, ils ne boivent pas de café ou de thé sans sucre, je crois que le thé reste sur la cuisinière durant toute la journée.

En ce moment, nous vivons avec eux. Mais une nouvelle maison est en construction à environ huit milles d’ici, et là, nous aurons trois chambres pour notre usage, donc on vit toujours ici. En tous cas, je suis curieuse de voir comment tout cela va se passer. Nous avions d’abord cru que la maison devait être construite et nous pensions que cela se développerait en quelque chose de prometteur, mais hier, nous avons compris qu’ils s’y installeraient eux-mêmes d’ici trois semaines, et que nous serions alors laissés tout seuls ici. Aussi, on nous avait dit qu’ils avaient été inspectés par des responsables de l’immigration qui leur avaient expliqué qu’ils devaient nous fournir un logement convenable. Durant l’été, ils loueront cette maison-ci à des touristes. Ils vivent près du lac et en été, beaucoup de gens viennent prendre leurs vacances ici, et par conséquent, cela deviendra une résidence d’été.

Ils vivent pauvrement et de façon désordonnée. Ils ont cinq enfants : une fille de 15 ans, une de 12 ans, une autre de 10 ans, un fils de 5 ans et une fillette de 3 ans. L’aînée travaille dans un magasin de vêtements pour dames et demeure chez des amis à Orillia durant la semaine. Elle vient du samedi jusqu’au lundi. La fille de 12 ans se promène dans des vêtements négligés, mais les lèvres peintes et les cheveux attachés sur le côté. Ça donne l’impression d’être dans la maison de Raggedy Ann. Aussi nous ne nous comprenons pas très bien l’un et l’autre, mais quand c’est écrit sur papier, nous pouvons rapidement lire.

Ils ne travaillent pas très fort ici. Ce matin, j’ai lavé le plancher recouvert de vinyle; dans les chambres, il n’y a pas de tapis ou quoi que ce soit. En ce moment, nous avons une grande chambre à coucher, les enfants dorment dans le lit double. Ils n’ont pas de commode, tout est désordonné, et tout traîne ici et là dans des piles.

Aujourd’hui, je voulais faire un peu de lessive, et la dame de la maison aussi. Ainsi, tout devait aller ensemble. Je n’étais pas trop contente, mais leurs vêtements n’étaient pas trop mal, alors j’ai laissé faire. Plus tard, quand j’aurai mes propres affaires, les choses iront mieux. La fermière a fait la lessive. Elle a tout d’abord rempli d’eau savonneuse la belle machine à laver électrique et y a mis les plus beaux vêtements en premier, tout secs, ce à quoi nous ne sommes pas habitués. Aussi, elle n’y a pas mis les serviettes, elles sont allées dans le troisième lavage. Vous comprenez donc que les serviettes ressemblent à des chiffons de nettoyage. J’aimerais beaucoup faire usage de cette machine, mais à notre manière. Elle est recouverte d’émail blanc, une belle chose. Puis je suis allée suspendre la lessive sur la corde… évidemment, dans le mauvais sens. Les cordes roulent sur une poulie; on n’a qu’à rester debout au même endroit, épingler les vêtements et tirer la corde vers soi, c’est aussi une belle découverte. Et voilà, on fait des découvertes très agréables et d’autres qu’on souhaiterait différentes. Aussi, j’ai repassé des vêtements encore une fois cet après-midi. On se regroupe donc pour passer à travers.

Je suis sûre que bien des gens trouveront cela étrange et difficile les premiers jours, mais une fois que nous serons dans nos propres affaires, ce sera encore plus agréable. L’hiver durera encore quelques semaines et quand la période de dégel arrivera, tout commencera alors à aller plus rondement.

La page est maintenant pleine, et Henk devra vous écrire ses impressions ce samedi. Je ne vous écris ces mots qu’une seule fois, vous devrez donc les partager avec le reste de la famille.

Recevez nos sincères salutations avec un gros baiser pour vous tous de Henk, Ief, Cornell, Wim et Tineke.

P.S. L’agriculteur est âgé de 46 ans et sa femme a 36 ans.

Photo plus ancienne de l'homme, la femme et trois enfants