Mur d'honneur de Sobey
Colonne
114
Rangée
22
C’est une belle et chaude nuit d’été dans cette maison de campagne et, assis près du feu, Giovanni Maieron partage avec nous l’histoire des circonstances de sa venue au Canada. Il raconte son histoire avec fierté et une délicatesse inattendue de la part d’un retraité obstiné.
Nous sommes donc assis, la nuit, sous un ciel clair de Muskoka avec le feu qui crépite alors que Giovanni se rappelle à quel point les emplois se faisaient rares chez lui à Venzone en Italie. Giovanni était l’aîné de 6 enfants et la famille habitait dans la maison où son grand-père avait vécu, entre les murs d’un vieux château à Venzone. Comme les opportunités étaient rares et qu’il avait son service militaire en poche, Giovanni et son cousin, Mario, se sont aventurés à venir au pays de l’opportunité : le Canada. Il a acheté un billet en troisième classe pour lequel il a payé 110 000 lires (environ 100.00 $ CA) pour un aller simple à bord du navire Atlantique et il est arrivé au Quai 21 à Halifax, au Canada, le 27 juin 1951. Il se souvient ne pas avoir été admis sur le pont de la première classe qui était occupé par la haute société, qui traînait autour de la piscine. Alors, il a grimpé à l’extérieur du pont supérieur pour observer les « riches ». Le voyage jusqu’au Canada les a emmenés à Cannes, Barcelone et Lisbonne avant leur arrivée à Halifax.
À Halifax, il est monté à bord d’un vieux train pour Montréal mais vu le coût élevé de la vie et les maigres salaires, il a décidé de chercher d’autres alternatives. Il a voyagé au nord du Québec, jusqu’au Labrador, où il a travaillé dans la construction de routes et de chemins de fer.
Son groupe a dégagé des routes au milieu de la forêt, abattant des arbres, des roches et construisant des tunnels et des ponts. Plus tard, une autre équipe a installé les rails de chemin de fer qui était apparemment utilisés pour l’exploitation minière. Les trains étaient essentiels pour le transport des matériaux de la mine. Le seul moyen de quitter le site était de prendre l’avion.
Il fallait environ deux heures pour atteindre la civilisation. Sinon, il habitait dans le camp sur le site. On leur fournissait à manger, un abri et un salaire de 75 centimes de l’heure, pour commencer.
Plus tard sa paie a été augmentée à 1,25 $ de l’heure. La compagnie était C.M.M.K., dont les propriétaires étaient quatre partenaires de Montréal, de Québec et des États-Unis. Après tant d’années, ses souvenirs de l’époque sont tellement clairs et il se souvient de tellement de détails que l’on ne peut qu’imaginer à quel point ce voyage l’a affecté. Il se souvient aussi des insectes, du nombre incalculable de moustiques et de taons. Ça faisait ressembler Muskoka à une bouffée d’air frais !
Trois ans plus tard, Giovanni a voyagé au Nouveau-Brunswick et à Montréal avant de s’installer à Toronto. Il est resté avec la famille Friulano comme pensionnaire et c’est là que Giovanni a rencontré Angela.
La famille d’Angela Volpatti habitait à Trieste. Ce n’était qu’une jeune fille pendant la guerre quand Trieste était occupée par l’armée allemande. À l’époque, le père d’Angela travaillait en tant que jardinier à Castello di Miramare et en l’espace de trois ans, Angela a perdu ses deux parents.
Le 9 août 1956, Angela et sa tante, Zia Teresa, sont arrivées à Halifax à bord du navire Vulcania, une ligne de navires italienne. Elles sont venues rendre visite à de la famille qui habitait à Toronto et dans la région des Chutes du Niagara et même si elles avaient deux billets aller-retour, Angela n’est jamais revenue en Italie avec Zia Teresa. À la place, un mariage a eu lieu le 23 février 1957 en l’église St. Mary of the Angels sur la rue Dufferin à Toronto. C’est ainsi que la vie conjugale de Giovanni et Angela a commencé.
En 1959 leur premier enfant, Robert, est né et en 1965 les jumeaux, Franco et Giovanna.
Pour subvenir aux besoins de la famille, Giovanni a travaillé dans le bâtiment et plus tard en tant que menuisier. Angela était gouvernante. Ils ont gardé leur tradition de faire leur propre sauce tomates, leur salami et, bien sûr, leur vin. Giovanni possédait aussi un potager exceptionnel et c’était toujours un plaisir de s’y promener.
Aujourd’hui, ils ne sont plus parmi nous. Angela est décédée en 1996 et Giovanni en 2003. Ils menaient une vie simple. Pourtant, durant le temps qu’ils ont passé ici, ils ont contribué, comme tant d’autres à l’époque, à la construction de ce pays et à son enrichissement grâce à leur dur labeur et à leur saveur ethnique. Le drapeau canadien est toujours fièrement levé près du quai à leur petite maison de campagne de Muskoka. L’héritage de Giovanni et Angela perdure grâce à Robert, Franco, Giovanna et bien sûr les petits-enfants, Domenic, Daniel, Lucas et Lauren.
Mary J. Maieron