Gaetano Rossi

Mur d'honneur de Sobey

Colonne
70

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14

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Gaetano Rossi

Il portait son plus beau pantalon et son plus beau veston avec une chemise blanche impeccable et une cravate. Dans sa poche, il avait son passeport et ses papiers d'immigration. Il faisait soleil et Gaetano Rossi arrivait au Quai 21 à Halifax.

Cette fois, il était venu en auto de Toronto et non en bateau à partir de Naples. Il avait 68 ans et non 18. Il avait de l'argent dans ses poches et il était rassasié. Il était grand-père et citoyen canadien et il avait le droit d'aller où il voulait. Cette fois, il parlait anglais et ce serait lui qui expliquerait comment cela se passait autrefois et où ils devraient aller.

C'était le 28 juillet 2001 et mon oncle était à Halifax pour la première fois depuis son arrivée au Quai 21 le 28 juillet 1951 à bord du Saturnia. Avec lui, en 2001, son frère, venu au Canada en 1958, et son fils, sa fille, son gendre, sa petite-fille, son petit-fils et son neveu qui sont tous nés dans son pays d'adoption. Nous étions à Halifax pour célébrer le 50e anniversaire de son arrivée au Canada.

De 1928 à 1971, le Quai 21 a accueilli plus de 1 million d'immigrants de partout dans le monde. Chaque personne avait déjà fait l'objet d'un certain triage dans le pays qu'elle quittait, mais chacune d'elle devait se présenter à un agent d'immigration au Quai 21. Si ses papiers n'étaient pas en règle, si elle avait un problème médical ou si elle n'avait pas assez d'argent pour prendre le train pour aller vers l'ouest, elle pouvait être renvoyée dans son pays. Chaque personne devait encore être jugée admissible et chacune avait encore peur d'un refus.

Cette fois, la peur n'était pas au rendez-vous et c'était au tour de mon oncle de porter un jugement. Alors que nous approchions du hangar de l'immigration restauré, nous sommes passés à côté d'une vieille voiture du Canadien National qui avait servi à transporter les immigrants vers les fermes et les mines de l'Ontario et d'ailleurs.

« Ce doit être le modèle de luxe qui est venu après mon temps, a dit mon oncle. La voiture dans laquelle j'étais avait des bancs en bois, pas des sièges en cuir rembourrés. » « Ils étaient encore en bois en 1958 », a ajouté mon père.

Les bâtiments du quai étaient tous propres et ils avaient été repeints durant les travaux de rénovation en vue de l'ouverture du musée en 1999.

« Ils ont vraiment nettoyé la place, a dit mon oncle. C'était un endroit terriblement sombre et sale quand je suis arrivé. » « C'était encore sombre et sale en 1958 » a rajouté mon père.

Dans le musée, il y a une présentation multimédia avec des vignettes de l'histoire du Quai 21. L'une de ces vignettes met en scène une famille italienne. Les membres de la famille viennent de recevoir le statut d'immigrant reçu et s'apprêtent à monter dans le train. Ils ont eu peur, mais ils commencent à chanter en montant à bord.

« C'étaient des Italiens d'Hollywood, m'a dit mon oncle. On ne chantait pas beaucoup et on ne riait pas beaucoup non plus. Il y avait encore beaucoup de choses qui nous faisaient peur. »

Les guides ont entouré mon oncle quand nous avons expliqué qu'il était là pour célébrer le 50e anniversaire de son arrivée. Ils voulaient tous avoir son opinion sur l'exposition et entendre son récit. L'historien en résidence était content de pouvoir balayer le passeport et les documents d'immigration de Gaetano Rossi pour en avoir des copies numérisées. Nous sommes entrés dans une réplique de voiture de train dotée de cabines où les gens pouvaient écouter les histoires des immigrants et même enregistrer la leur. Mon père, toujours prêt à raconter une histoire, est entré dans une cabine et a enregistré un message. Mon oncle était gagné par l'émotion qu'avaient suscitée la journée et le souvenir de ceux qui n'étaient plus là pour célébrer le 50e anniversaire de leur arrivée et il a été incapable d'enregistrer un message.

À dire vrai, comme beaucoup d'autres immigrants qui sont arrivés au Quai 21, il n'avait jamais eu l'intention de rester. Il espérait travailler quelques années, mettre un peu d'argent de côté et retourner dans son pays d'origine. Il a passé le dernier contrôle au Quai 21 et il est monté à bord du train qui a mis 40 heures pour l'amener à une ferme à Ajax, en Ontario. Il faisait partie d'un petit groupe d'hommes qui étaient les premiers à venir au Canada du petit village d'Anzano di Puglia, dans le sud de l'Italie. Malgré les difficultés, il a tenu bon et il en est venu à aimer son nouveau pays. Il a élevé une famille et s'est fait une vie ici. Il a encouragé et aidé d'autres personnes, dont mon père, à venir au Canada.

Aujourd'hui, plus de 350 personnes dans la région métropolitaine de Toronto ont un lien avec Anzano et peuvent remercier mon oncle d'avoir directement ou indirectement été responsable de leur présence ici. Beaucoup d'autres personnes ont une dette de gratitude envers lui parce qu'elles ont été touchées par ces 350 travailleurs, enseignants, avocats, professeurs, pharmaciens, entrepreneurs, étudiants, citoyens et vraiment beaux bébés. Nous sommes venus célébrer un 50e anniversaire, mais mon oncle est venu, vêtu de son plus beau pantalon et de son plus beau veston pour rencontrer l'esprit de l'agent d'immigration qui l'a jugé admissible. Il est venu montrer que cet agent avait eu raison et que le jeune immigrant avait bien réussi et qu'il avait fait une contribution importante au Canada.

Portrait de Gaetano en jeune homme, en costume clair.
Un jeune Gaetano Rossi
Le vieux Gaetano, avec divers membres de sa famille, visite le musée du Quai 21.
Gaetano Rossi et sa famille de retour au Quai 21 après 50 ans