Francesco et Rosaria

Mur d'honneur de Sobey

Colonne
147

Rangée
4

First Line Inscription
Francesco and Rosaria
Second line inscription
Natoli

Histoire de Francesco Natoli

Cette histoire a été écrite par Mary Grace Harris, née Maria Grazia Natoli, fille aînée de Francesco.

Mon père Francesco Natoli est né en Sicile et ma mère Rosaria Capobianco est née dans une petite ville du sud de l’Italie. Ils se sont rencontrés pendant la guerre à Naples où il était dans la police et où elle travaillait dans une usine. Ils se sont mariés et sont partis vivre dans la petite ville de ma mère, avec ses parents. Ils ont eu 4 enfants en 5 ans. Ils avaient du mal à gagner assez d’argent pour nourrir leur famille nombreuse et mon père a donc été encouragé à émigrer et à chercher meilleure fortune au Canada où il a été parrainé par des membres de sa famille qui vivaient à Toronto.

Le 27 octobre 1951, à l’âge de 28 ans, il a quitté l’Italie et est arrivé à Halifax, au Quai 21, avec seulement 5 dollars en poche. Il a ensuite fait le long voyage en train jusqu’à Toronto. C’est là que les membres de sa famille lui ont demandé de partir chercher un travail. Ils lui ont dit qu’ils n’étaient pas disposés à le prendre en charge et qu’il devait subvenir à ses besoins. S’il ne trouvait pas de travail, ils le renverraient en Italie et cesseraient de l’aider. Le lendemain, il est donc parti à pied chercher du travail, n’ayant pas de quoi se payer les transports en commun. Les rues n’étaient pas pavées d’or mais quelqu’un qui était prêt à travailler dur pouvait réaliser son rêve d’une vie meilleure dans cette terre d’opportunité.

Il n’a jamais baissé les bras, a travaillé très dur, en occupant parfois plusieurs emplois à la fois pour pouvoir offrir un toit a sa famille lorsqu’elle aurait le droit de le rejoindre au Canada.

En 1953, il a emprunté de l’argent à un ami pour payer le voyage de sa famille vers le Canada et après 14 mois de séparation, mon père a connu le bonheur de retrouver les siens. Il les a accueillis au Quai 21 et ils ont fait le voyage vers leur maison à Toronto. Je l’ai reconnu tout de suite mais les cadets étaient trop jeunes pour se rappeler de lui.

LE TEMPS S’EST ARRÊTÉ

Dans ma petite ville de montagne, le temps s’était arrêté depuis bien longtemps Jusqu’à ce que le monde extérieur vienne frapper à ma porte. Les rôles étaient définis dès le début La propreté allait de pair avec la piété Les hommes gagnaient le pain ; les femmes étaient mères au foyer Et personne ne se méprenait sur son rôle. La famille passait toujours en priorité Les privilèges et les honneurs étaient réservés aux fils. Unis par le mariage quoi qu’il arrive Faire son devoir jusqu’à la mort et ne jamais pêcher. Pour être sûr de ne pas s’égarer Le vrai bonheur provenait uniquement du dur labeur. Ne jamais se laisser aller au jeu et à la satisfaction Tant que le travail n’est pas terminé. Dans mon enfance, je ne connaissais pas d’autre monde Que celui-ci, fait de règles et d’ordres à suivre. J’ai appris en grandissant À garder ce qui est bon en se libérant du passé Dans mon voyage vers une nouvelle vie.

----Mary Grace Harris née Maria Grazia Natoli

OHÉ DU BATEAU

Moi, maman, ma sœurette et mes frères jumeaux accompagnés par notre Nonno Avons parcouru de grandes distances dans notre train. Il nous berçait doucement et sifflait à chaque arrêt. C’était le début d’une aventure vers de nouvelles terres Dont s’émerveillaient mes yeux de six ans. Le train nous a emmenés vers une odyssée plus grande encore sur un navire majestueux Ce navire grec appelé Nea Hellas nous attendait au port de Naples. Son extérieur de métal froid et noir était hostile Et faisait trembler mes genoux d’enfant. Il marquait la fin du monde connu Et le début d’une nouvelle vie Pleine de changements et d’incertitudes. Nonno nous dit adieu avec courage en versant des larmes silencieuses Alors que nous montions sur des planches chancelantes vers l’étroite porte du navire. Nous nous enfoncions dans les entrailles du navire Vers une cabine exiguë avec deux lits superposés de chaque côté. Il y avait un lavabo et un hublot au milieu Tout cela pour nous cinq plus un sixième passager. Il ne restait même pas assez de place pour y mettre un chat Tant pis, nous y dormions à 6. Descendre de son lit était un exploit J’évitais les têtes, nez et yeux avec mes pieds agiles Puis sautais vers le sol qui tanguait. Pendant le voyage, je regardais à travers le hublot Je contemplais les vagues qui l’éclaboussaient Et observais les poissons qui passaient. La nuit, les vagues caressaient le navire Et le berçaient comme pour l’aider doucement à s’endormir. Les ponts nous invitaient vers le grand air Pour remplir nos narines de l’odeur de la mer Et goûter le sel des embruns. Nous regardions jouer les mouettes Avec leur va-et-vient sur les barrières du pont. Leurs cris perçants rivalisaient avec Les haut-parleurs du navire qui entonnaient en italien Vola Columba Bianco Vola (Vole, blanche colombe, vole), Cette chanson qui nous a accompagnés pendant le voyage. Les repas étaient servis dans un grand réfectoire Dans lequel on entrait par des portes battantes Nous étions accueillis par de longues tables drapées de nappes blanches Et illuminées par le scintillement des chandeliers. Les arômes nous invitaient à savourer Le festin abondant posé devant nous. Ce n’était pas réjouissant pour tout le monde Et ceux qui souffraient du mal de mer sortaient promptement Et franchissaient en courant les portes battantes Pour soulager leur ventre dans les toilettes les plus proches. Heureusement, c’était rarement les enfants Mais plutôt les adultes qui étaient Affectés par le mal de mer. Ne plus être accueilli par mes grands-parents Qui me serraient chaleureusement dans leurs bras avec un sourire tendre A fait souffrir mon cœur et mon âme d’enfant. Sur le navire, les jours étaient longs et marqués par la solitude Nous étions entourés par ce grand ciel bleu et ce vaste océan vert. L’absence de terre nous faisait regretter les trottoirs Pour galoper, sauter et bondir Avec l’abandon propre aux enfants. Un jour, je me suis engagée vers une aventure inattendue. J’ai réussi à échapper à ma surveillante Qui m’avait escortée jusqu’au réfectoire. J’ai vu une porte qui menait à une salle pleine de cordes Sur lesquelles j’ai bondi et sauté Jusqu’à ce que mes coudes et genoux en soient égratignés. Je me réjouissais de mon nouveau jeu lorsque j'ai été aperçue Par l’équipage du navire, en uniforme et casquette. Ils essayèrent de me parler en grec C’était pratique pour moi de ne parler qu’italien Car j’ai pu retarder mon retour vers ma maman. Ils s’amusèrent à me porter sur leurs épaules Et à me faire rebondir sur les cordes Des cris de joie et des rires S’échappaient de l’enfant reconnaissante que j’étais. Lorsque j’ai été ramenée à ma mère furieuse J’ai eu droit au pincement des joues Par lequel maman signifiait sa réprobation.

 

----Mary Grace Harris née Maria Grazia Natoli

TERRE D’ESPOIR ET DE GLOIRE

Je te vois avec les mêmes yeux Mais mes oreilles ne comprennent pas les mots. J’essaie d’accoutumer mon esprit à de nouveaux comportements et à de nouvelles habitudes. J’apprends à me raccrocher désespérément à ce qui m’est familier Tout en accueillant ma vie nouvelle et si différente. J’ai les mêmes espoirs et rêves que toi Mais je dois tout recommencer en partant de rien. Je prie et espère que tu me comprendras et m’accepteras Car tu es désormais mon nouveau monde.

 

----Mary Grace Harris née Maria Grazia Natoli

La vie était dure au début mais les sacrifices consentis par nos parents pour assurer une vie meilleure à notre génération et aux suivantes ont porté leurs fruits. Tous nos enfants et petits-enfants vivent encore à Toronto tandis que moi, la fille aînée, je vis à Winnipeg avec mes enfants et petits-enfants. En tant qu’immigrante au Canada, je me souviens de ma vie en Italie avec tendresse mais je suis fière d’être aujourd’hui canadienne. Je remercie le Canada pour nous avoir accueillis à bras ouverts lorsque nous étions dans le besoin et je serai à jamais reconnaissante et heureuse d’avoir eu la chance de devenir citoyenne de ce grand pays.

Passeport italien montrant la page de la photographie du jeune Francesco Natoli.
Page de passeport montrant des tampons et les  Tourist Class  (Classe touriste).
Document de voyage jaune montrant des écritures en italien et des montants.
Passeport italien montrant la page de la photographie d’une jeune femme et de quatre enfants.
Document de voyage bleu avec les mots Greek Line en titre.
Trois cartes jaunes indiquant Immigration Identification Card (Carte d’identité de l’immigration).
Deux cartes jaunes indiquant Immigration Identification Card (Carte d’identité de l’immigration).