Francesco Geraldo Sabbadin

Mur d'honneur de Sobey

Colonne
62

Rangée
7

First Line Inscription
Francesco Geraldo Sabbadin

J'avais 19 ans quand j'ai quitté l'Italie à partir de Naples, le 15 juillet 1956. Pourquoi est-ce que j'ai quitté mon pays ? Tout a commencé en 1942 quand mon père et ma mère sont morts à 15 jours d'intervalle. Ils laissaient derrière eux 7 enfants. Quatre garçons et trois filles, âgés entre 12 et 4 ans. J'ai passé mes premières années à l'orphelinat puis à la ferme familiale où j'ai travaillé de l'âge de 6 ans jusqu'à l'âge de 19 ans. J'aurais beaucoup d'histoires à raconter sur cette période de ma vie.

Nous devons notre survie à deux tantes du côté de mon père. Elles se sont occupées de nous et nous ont gardés tous ensemble. C'était en 1942, en pleine Seconde Guerre mondiale, une période très difficile pour les enfants. Nous n'avions pas d'avenir, seulement une petite ferme, et pas d'emploi. C'est alors que ma tante a reçu une lettre d'un cousin qui vivait dans le nord de l'Ontario, au Canada.

Il lui écrivait que les sociétés d'exploitation de mines d'or de Kirkland Lake et des environs, en collaboration avec le gouvernement canadien, envoyaient un représentant recruter de jeunes travailleurs dans la région de Castelfranco-Veneto, dans la province de Trévise dans le nord de l'Italie. Le nom du représentant était Leone Bernardi. Je suis allé le voir dès qu'il est arrivé et son premier commentaire a été que j'étais trop jeune et trop maigre. Mais quand je lui ai expliqué ma situation familiale, il a accepté de remplir une demande en inscrivant « Exception ». Il rencontrait le représentant du consulat du Canada quatre ou cinq semaines plus tard et ce serait au consulat de donner son accord.

Ces cinq semaines ont été les plus longues de ma vie. Finalement, le jour de la rencontre est arrivé et M. Bernardi est venu me chercher à la maison pour m'amener au consulat du Canada à Castelfranco-Veneto. Quand on a appelé mon nom, M. Bernardi et moi sommes allés au bureau et avant même qu'on puisse me poser des questions, M. Bernardi a expliqué ma situation au représentant consulaire. Celui-ci m'a jeté un long regard et a dit qu'il n'avait pas besoin de réfléchir. Il a estampillé mon visa et j'ai su que j'étais accepté. M. Bernardi a interprété de l'anglais à l'italien pour nous tous ce jour-là. Le 15 juillet 1956, nous étions de 30 à 40 gars de ma ville natale de Poggiana Di Riese à nous rendre en train jusqu'à Naples pour monter à bord du paquebot grec Olympia à destination du Canada.

La traversée a été une triste affaire. J'ai souffert du mal de mer pendant presque tout le voyage et je ne suis pas souvent monté sur le pont. Le TSS Olympia a accosté au Quai 21, à Halifax, le 23 juillet 1956. Je me souviens qu'il y avait une clôture en mailles à losange qui séparait le quai en corridors et en salles et nous avions tous une étiquette numérotée avec de gros chiffres. Nous faisions partie d'un groupe spécial. M. Bernardi avait tous nos papiers prêts pour le contrôle. Nous étions maintenant au Canada, avec des clôtures autour de nous et nous ne comprenions pas la langue. C'était horrible. Heureusement, nous ne sommes pas restés longtemps au Quai 21. M. Bernardi, avec une escorte de la sécurité portuaire, nous a conduits à la gare ferroviaire à pied, un trajet de 10 à 15 minutes, pour prendre le train pour Kirkland Lake, en Ontario.

Le voyage en train a été indescriptible. Les voitures de passagers avaient des bancs en bois et nous sommes restés à bord du train pendant des jours et des jours. On ne pouvait pas se reposer ni dormir. Et la nourriture, ces sandwiches... Nous avons bu beaucoup d'eau. Certains d'entre nous pensaient que nous n'arriverions jamais à la mine d'or. M. Bernardi s'occupait à nouveau de toute la documentation et il passait son temps à nous rassurer et à nous dire que ça ne serait pas long. Finalement, le train s’est arrêté. M. Bernardi nous a dit que c'était notre arrêt. Nous avons été étonnés de voir le nom de la ville, Swastika, étant donné que notre destination était censée être Kirkland Lake. Mais M. Bernardi nous a rassurés et nous a dit que le trajet en autobus était court jusqu'à Kirkland Lake. Finalement, après un trajet de 15 minutes en autobus, nous sommes arrivés à Kirkland Lake dans le milieu de l'avant-midi du 26 juillet.

Nous étions tous surpris de voir que les maisons, les bâtiments et les trottoirs étaient surtout en bois. Quand nous avons posé la question, on nous a répondu que pour les hivers longs et froids, le bois était plus chaud et plus facile à travailler.

J'ai commencé à travailler dès le lendemain matin avec l'équipe qui travaillait de 7 h à 15 h. Nous logions tous dans des pensions et des maisons de chambres à louer. Pour le petit-déjeuner ce matin-là, il y avait des œufs brouillés, du bacon et du pain grillé avec du ketchup et de la moutarde. Tout ce que j'ai pu manger, c’était le pain grillé parce que quand j'ai vu le gars à côté de moi mettre du ketchup sur ses œufs et ça m'a coupé l'appétit. La mine n'était qu'à une courte distance à pied. Nous étions 7 à nous y rendre et on nous a présentés aux autres membres de l'équipe.

Mes deux compagnons étaient un Anglais du nom de Jim Smith et un Yougoslave du nom de Mike Zawaly. Mike parlait suffisamment italien pour que je comprenne ce qu'il fallait faire. Du bureau, nous sommes allés à pied au Bâtiment A, communément appelé le « Dry », et qui était un vestiaire. À l'intérieur, rien d'autre que des bancs et des chaînes avec des paniers en acier. Mike a pointé du doigt une chaîne qui portait le numéro 37. Il m'a dit qu'elle m'était allouée. Nous avons laissé là nos vêtements propres et nous nous sommes rendus à pied au Bâtiment B. Nous nous sommes dirigés vers nos chaînes et paniers respectifs où nous avons trouvé nos vêtements de travail. J'étais maintenant prêt à aller travailler. Je portais mes vêtements de travail, des gants de caoutchouc, un pantalon, un blouson, des bottes de sécurité et un casque muni d'une lampe qui fonctionnait avec une pile.

Nous nous sommes dirigés vers le puits où il y avait d'énormes treuils et des bruits que je n'avais jamais entendus avant. Mike a dit que c'était la cage. J'ai répété : « La cage ? » et il a répondu : « Oui, l'ascenseur ». C'était une masse d'acier de la hauteur de deux étages qui pouvait transporter 100 hommes. Elle circulait sur 4 rails d'acier et elle était suspendue par un câble d'acier massif. À ce moment-là, j'étais très nerveux. Mike a dit : « Okay, nous sommes les prochains et nous allons descendre au niveau 6000 ». Quand la cage est arrivée, nous nous sommes entassés dedans. Elle a commencé à descendre extrêmement vite et j'étais encore plus nerveux. Quand elle s'est arrêtée la première fois, elle a rebondi de 3 à 4 pieds et pendant environ 20 secondes, j'ai senti mon estomac remonté jusque dans ma bouche. Quand elle s'est arrêtée la deuxième fois, j'ai vomi mon petit déjeuner. J'étais blanc comme un drap et je tremblais comme une feuille. Mike a dit que ça arrivait à la plupart des gars. Finalement, nous sommes sortis de la cage au niveau 6000. Mike s'est tourné vers Jim et lui a dit quelque chose en anglais. Jim est parti et Mike m'a dit de m'asseoir sur le banc un instant. Mike et Jim étaient chargés des basculeurs et j'allais être leur assistant. Voilà, c'était ma première journée.

J'ai versé beaucoup de larmes depuis. Je suis certain que je ne suis pas le seul. Avec quelques-uns de mes amis, je me suis engagé à sacrifier cinq ans de ma vie au travail dans la mine pour ensuite rentrer en Italie avec mes économies. Cet hiver-là, il a fait extrêmement froid. Des températures de 40 degrés sous zéro étaient très fréquentes et les bancs de neige sur le bord de la rue atteignaient de 6 à 8 pieds de haut.

En 1963, j'ai épousé la plus belle fille de Kirkland Lake. Elle était née au Canada mais elle était d'ascendance italienne. Elle s'appelait Dina Moro. Dina et moi avons eu trois enfants. Une fille, Laurie Elisa, et deux garçons, Gerald et Paul. Laurie a épousé David Rodgers et ils ont deux filles, Meghan Elisa et Wynne Lillian. Ma femme et moi sommes maintenant à la retraite et prenons plaisir à passer du temps avec notre famille, surtout nos petites-filles. Je suis très fier d'être citoyen canadien maintenant. Le Canada a été très bon pour ma famille et moi et j'ai été chanceux de pouvoir donner en retour à ma collectivité en travaillant dur sur deux plans : humanitaire et sportif.

Merci, Canada, terre de possibilités et de prospérité.

Quatre jeunes hommes en pardessus sur une rue enneigée.
Jeune homme travaillant avec de l’équipement dans une mine souterraine.
Certificat de mineur avec photo de Francesco Sabbadin.
Passeport italien avec document de navire joint.
Jeune homme debout devant la porte ouverte de la voiture sur le côté de la route.