Fleischer, Henny Karin Kaethe Eugen

Mur d'honneur de Sobey

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114

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5

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Fleischer, Henny Karin Kaethe Eugen

Ma famille et moi sommes arrivées au Quai 21 au Canada à bord du navire Neptunia le 14 mars 1956.

Née en 1928 en Allemagne de l’Est, j’ai passé la première partie de ma vie jusqu’à la fin de mon adolescence là-bas, sous le régime communiste. Dès la fin de la guerre, en 1945, au moment où l’Allemagne était dans un état désastreux et où ma mère désespérait de pouvoir nourrir sa famille, mon père, un ingénieur électricien qui essayait de garantir l’avenir de ses deux plus jeunes enfants, a réussi à inscrire mon frère jumeau dans une classe préparatoire qui l’a mené à une carrière d’ingénieur et finalement au poste de directeur d’ingénierie d’une des plus grandes usines en Europe. Bien qu’il soit maintenant retraité, il donne encore des cours magistraux de temps en temps en Allemagne et dans d’autres pays. Je me suis inscrite au premier cours d’après-guerre de la défunte mais célèbre École des Horlogers à Glasshutte près de Dresden et qui a maintenant rouvert. A la remise des diplômes, trois ans plus tard, j’ai obtenu, par le biais de correspondances qui entraient clandestinement en Allemagne de l’Ouest, un poste en tant que réparateur de montres dans une maison de bijoux à Landau, dans la région de Pfaltz, pas loin de la frontière française. Mais comment pouvais-je faire pour traverser la frontière interdite et quelque peu dangereuse et ensuite traverser toute l’Allemagne?

A l’âge de 20 ans, j’ai saisi le taureau par les cornes et avec un sac à dos qui contenait deux miches de pain, mon horloge qui avait remporté un prix et mes modèles de montres fabriquées à l’école, j’ai réussi à traverser la frontière jusqu’à Hanovre à l’Ouest, en rampant le long de fossés sous des projecteurs et des chiens de garde qui aboyaient au loin.

Une fois là-bas, je pensais que j’étais en sécurité alors je marchais sans retenue le long des rues, appréciant ma première expérience dans une ville de l’Ouest, quand j’ai été accostée par un policier des services britanniques. Comme il n’a trouvé sur moi que des papiers d’identité de l’Allemagne de l’Est, il a décidé de m’amener à son commandant qui, suivant apparemment une politique courante à l’époque dans les cercles des pouvoirs des Alliés pour tenter de maintenir des relations aussi amicales que possible avec la Russie, a décidé de me faire retourner en Allemagne de l’Est et m’a détenue toute la nuit dans une chambre d’hôtel fermée à clé. Après avoir réussi à vigoureusement repousser les attentions amoureuses du concierge, passant par la fenêtre et descendant le long d’un tuyau de canalisation, j’ai quitté Hanovre à l’arrière d’un camion plein de caoutchouc brut et qui se dirigeait vers l’ouest pendant la première partie de mon voyage à travers l’Allemagne jusqu’à Landau. Quand je suis arrivée là-bas, j’ai été royalement accueillie par la femme chez qui je devais travailler et qui m’a rapidement fait prendre un bain.

Après avoir travaillé là pendant presque cinq années, cinq années pendant lesquelles je me suis mariée et notre première fille est née, j’ai dû quitter mon poste. Comme notre situation financière était devenue précaire, en particulier parce que j’étais encore enceinte, j’ai suggéré à mon mari d’essayer d’émigrer aux États-Unis ou au Canada. Pour cela, nous avons visité le consulat canadien, notre premier choix, où la première question qu’on nous a posée était: « Quelle est la date de vos dernières règles? » Une fois qu’on lui a dit que j’étais enceinte, l’homme nous a conseillé de revenir leur parler plus tard avec nos DEUX enfants. C’est ce que nous avons fait au moment prévu et nous avons été transportés de joie d’être acceptés pour immigrer au Canada.

Nous sommes arrivés à Halifax après une traversée très orageuse et nous avons débarqué du Neptunia au Quai 21. Ensuite, nous avons pris un train pour Montréal où nous sommes arrivés, sans parler anglais ou français, avec deux petites filles, 100.00 $ dans la poche de mon mari et, bien sûr, sans aucun travail.

Avec l’aide du gouvernement canadien et une organisation luthérienne canadienne, on nous a placés dans un hôtel. En quelques semaines, mon mari a obtenu un travail décent et nous avons trouvé et aménagé dans un modeste appartement.

Nous ne regardons jamais derrière nous.

Pendant les 50 magnifiques années que nous avons passées dans ce pays, heureusement j’ai, en quelque sorte, pu concrétiser ma vocation de création de montres. J’ai maintenant trois filles, six petits-enfants et deux arrière-petits-enfants. Je suis extrêmement fière que ces 11 citoyens ainsi que mon mari et moi-même fassions partie de la population canadienne.

Ces 33 dernières années je suis l’heureuse épouse d’un canadien de naissance.

Kaethe Looman-Irvine

Homme et femme montant la rampe d’accès du Neptunia.
La famille embarquant le Neptunia à Bremerhafen
Deux enfants à bord du bateau, tournant le dos à l’appareil photo.
Les enfants Fleischer à bord du Neptunia
Plusieurs femmes et enfants entourant les mariés le jour du mariage.
Photo de famille récente à un mariage