Mur d'honneur de Sobey
Colonne
138
Rangée
7
Mon histoire par Pompilio De Francesco
Je suis né le 4 décembre 1929 dans une petite ville en Italie appelée Guardiaregia, à Molise, dans la province de Campobasso. J’ai grandi dans une région montagneuse et boisée et j’ai dû me battre pour avoir une éducation élémentaire de 5 ans sous le régime fasciste et dictatorial de Mussolini. À la fin de ma dernière année, l’Italie est entrée dans la Seconde Guerre mondiale avec le reste des nations.
J’étais tendu et stressé pendant la Seconde Guerre mondiale ; la nourriture était rare, non seulement pour ma famille mais pour tous les gens de la ville, et le grondement des avions de guerre qui remplissaient le ciel chaque jour résonnait dans ma tête. Mes grands-parents avaient voyagé en Amérique du Nord plus tôt dans le siècle et ils m’avaient raconté des histoires sur la richesse et la beauté qu’on pouvait y trouver. Ils avaient gagné de l’argent en travaillant au Canada et aux États-Unis avant de revenir en Italie. Une fois dans la force de l’âge, ils se sont rendu compte qu’ils avaient fait des erreurs à la fois en Amérique du Nord et en revenant en Italie.
Nous étions lobotomisés par la propagande de Mussolini. On nous disait que l’Italie avait besoin de trouver sa « place au soleil » parmi les nations et qu’il fallait s’étendre à des endroits comme la Somalie et avoir son propre empire. L’Italie avait une forte densité de population. Elle montait jusqu’à 700 personnes par kilomètre carré en Lombardie et 500 aux alentours de Naples, mais le Canada était censé avoir seulement une personne par kilomètre carré. On nous a dit que le Canada était un pays avec d’incroyables ressources qui comptait une petite population d’environ 10 millions d’habitants et que même avec une courte période de croissance, il y avait beaucoup de place pour nous qui essayions de s’en sortir en Italie.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, l’année 1943 a été la pire année de toutes. Quand j’avais 13 ans, au milieu du mois d’octobre, les Allemands ont reculé. Dix heures plus tard, une compagnie de 20 soldats canadiens est arrivée en ville. C’était comme si le danger de la guerre était terminé mais c’était seulement un rêve éphémère… Mais il n’a pas fallu longtemps pour voir la différence entre les Allemands et les Canadiens. Les Allemands exigeaient de la nourriture avec des gâteries mais ces jeunes Canadiens nous demandaient du lait frais, des œufs et une bouteille de vin en échange de couvertures chaudes, de sous-vêtements, de pantalons et de chemises. Cela a renforcé notre idée du Canada et l’espoir qu’un jour nous partirions à l’ouest comme l’avait fait mon grand-père.
Environ dix ans plus tard, dans les années cinquante, des maçons de ma ville natale sont partis au Canada. Selon la loi d’immigration canadienne, les contractuels de ma ville natale s’étaient installés au Canada pour la première fois entre 1920-1925. C’était les frères De Carlo et ils avaient parrainé pas mal de personnes qui étaient des maçons qualifiés. Cette seconde vague d’émigration dans les années cinquante était le tournant pour nous tous nés à Guardiaregia. Les personnes avec des noms de famille comme Pallotta, De Francesco, Rotundo, Albanese, Vecchiarelli, De Carlo, Sampogna et bien plus encore sont partis pour le Canada. Moi-même, Pompilio De Francesco, je suis arrivé après avoir été parrainé par mon beau-père Domenico Nicolangelo Rotundo.
Je suis monté avec ma famille à bord du navire transatlantique Augustus le 2 mars 1958 à Naples. C’était une heureuse aventure pour ma femme Rosa (Angelarosa) et notre fille Carmela. Nous avions une petite pièce avec des lits superposés et un petit évier. Ma femme et ma fille ont vu leurs premiers films pendant ce voyage. Ma femme n’a jamais oublié quand elle a vu « Via col Vento » (« Autant en emporte le vent »). Le troisième jour du voyage, nous nous sommes retrouvés dans l’océan Atlantique dans une mer déchaînée. Beaucoup de personnes ont eu le mal de mer pendant le voyage mais ma famille et moi sommes arrivés à Halifax en bonne santé. C’était agréable de poser nos pieds sur la terre ferme au Canada le 10 mars 1958.
Le temps à Halifax était nuageux et lugubre, mais cela n’a pas amenuisé mon entrain. La première chose que j’ai faite c’était d’entrer dans une épicerie. J’étais impressionné par la variété de la nourriture que je voyais mais j’allais à Toronto en Ontario. Alors nous sommes montés à bord d’un train et une fois à Toronto, nous nous sommes arrêtés à la belle gare de Union Station. Nous avons vu le parc Queen's Park, l’Hôtel de ville (City Hall) et la tour de la Banque du Canada. Nous sommes partis habiter dans un appartement sur Earlscourt Avenue. Avec beaucoup de détermination, j’ai stabilisé la situation de ma famille et sans l’aide de personne, j’ai pris tous les emplois que je pouvais trouver. L’été de 1961, je suis allé à Thompson au Manitoba pendant trois mois pour travailler pour Inco.
Même si les salaires étaient bons, j’étais réticent à l’idée d’emmener ma famille là-bas car il n’y avait aucun établissement supérieur ou aucune université où mes enfants pourraient aller quand ils seraient plus grands. De retour à Toronto, j’ai trouvé un emploi avec le groupe Oshawa où j’ai été très heureux de travailler pendant 31 ans.
J’ai maintenant 80 ans. Quand je repense à ma vie au Canada, je peux dire que j’étais un jeune homme déterminé qui a travaillé dur. Ma femme est restée à la maison pour s’occuper de nos quatre filles qui sont toutes allées à la faculté ou à l’université. Je remercie le Seigneur parce qu’il m’a pris par la main et m’a guidé jusqu’au Canada, le pays de la profusion.
Merci au Canada. Merci aux bonnes personnes que j’ai rencontrées. Merci pour la liberté. Merci pour tout.
Écrit le 12 décembre 2009 à Mississauga en Ontario.