par Steve Schwinghamer, Historien
(Mise à jour le 20 juillet 2021)
Introduction : Hébergement et détention au Quai 21
Le Quai 21 est bien connu comme point de réception de près d’un million d’immigrants à Halifax et comme lieu d’embarquement clé lors de la Seconde Guerre mondiale. Cependant, la plupart des gens qui sont passés par ces installations riveraines n’ont visité une des aires principales du site que si quelque chose clochait pendant leur examen. S’il survenait un problème au sujet de leur admissibilité, comme une entente d’embauche annulée ou une discordance entre les papiers qui devait être vérifiée, les demandeurs d’entrée pouvaient être retardés ou détenus. On les plaçait alors dans les quartiers d’immigration du Quai 21.
Le Quai 21 comportait deux types de quartiers : l’« hébergement », pour les personnes retardées en raison de motifs mineurs, et la « détention », pour celles qui étaient détenues pour des raisons de sécurité. Les dortoirs de l’hébergement se trouvaient le long du mur ouest (du côté des terres) du deuxième étage du hangar 21. C’étaient de vastes chambres sans ornement munies de lits de métal et avec salles de bain adjacentes, protégées contre les évasions par des grillages ou des vitres grillagées.[1]
Les gens confinés aux grands dortoirs étaient habituellement autorisés à quitter les lieux durant la journée. Par contre, le confinement en chambre forte, des pièces situées au centre du deuxième étage du hangar 21, était plus strict. Il était aussi beaucoup moins fréquent.[2] Les cellules étaient généralement utilisées uniquement quand une personne présentait un risque important pour la sécurité. En pareil cas, le personnel du Quai 21 avait accès à des contentions, comme des menottes ou des fers, afin de contenir les prisonniers jugés dangereux.[3] Une personne détenue dans une de ces cellules devait subir une fouille rigoureuse de ses effets et de sa personne et on confisquait temporairement tous ses biens, jusqu’aux articles de toilette. Les gardes avaient aussi comme consigne d’éviter toute conversation avec les détenus, outre celles nécessaires à leur devoir.[4] Bien que la capacité totale ait varié légèrement avec les modifications apportées à l’aménagement au fil du temps, le Quai 21 pouvait héberger environ 150 immigrants dans les dortoirs et environ 12 à 16 dans les chambres fortes.
Souvenirs de détention
Peu importe le niveau de sécurité appliqué, les immigrants en détention avaient souvent le sentiment d’être « enfermés ». Comme se rappelle Tibor Lukacs, qui avait 11 ans au moment où sa famille est arrivée au Canada après la Révolution hongroise :
« Nous sommes arrivés ici dans ce bâtiment, le Quai 21, et sommes descendus de l’autobus pour être traités et je me souviens que nous étions assis dans un petit bureau et je crois qu’on nous posé quelques questions. Il y avait un dossier qu’ils ont ouvert devant mon père pour lui demander auxquels de ces partis politiques il appartenait en Hongrie. Je me souviens de ça. On a donc traité notre cas et nous avons été séparés. Les familles étaient séparées, les garçons et les hommes dans des chambres séparées des femmes et des filles. Fait intéressant, nous avons découvert que nous étions en prison, ce que la plupart des gens ignoraient. C’était en fait la prison. »[5]
Jackie Eisen, aussi âgée de 11 ans, se rappelle le confinement de sa famille au Quai 21 d’une façon semblable :
« Chaque matin, ils venaient ouvrir la porte pour nous laisser sortir et chaque soir, je pense vers huit ou neuf heures, ils la verrouillaient. Notre chambre se trouvait face aux voies de chemin de fer. Ma mère, ma sœur et moi regardions, je ne mens pas, toutes émues. Les larmes coulaient sur nos joues en voyant tous ces gens monter dans les trains et partir alors que nous étions encore ici. Nous y sommes restées pendant trois mois. »[6]
La vie dans les quartiers d’immigration
Les gardes de l’immigration contrôlaient les entrées et sorties, mais à l’intérieur, il y avait des aires de récréation, des galeries d’aération et des salles à manger pour le confort des immigrants qui devaient attendre avant de poursuivre leur chemin vers leur destination canadienne.[7] Les demandeurs détenus utilisaient les aires de récréation afin d’organiser des festivités s’ils se trouvaient confinés aux quartiers d’immigration pendant un festival, comme ce fut le cas pour un groupe important de réfugiés baltes à Noël 1948.[8] Les membres du personnel de l’immigration, les matrones, étaient responsables du bien-être des immigrants détenus dans les quartiers. Après la Seconde Guerre mondiale, une des matrones habitait un petit appartement situé à l’intérieur des quartiers d’immigration du Quai 21.[9]
Au début, l’hébergement était séparé non seulement par sexe, mais aussi par statut d’immigrant, soit sujet britannique ou étranger.[10] Ça voulait dire qu’il y avait en tout quatre dortoirs d’hébergement et un cinquième réservé aux marins en détention. Cette situation changea après la destruction des quartiers d’immigration du Quai 21 par un incendie en 1944. Les installations ont été reconstruites avec quatre dortoirs pour les hommes, un pour les femmes et un ensemble de plus petites salles pour les familles, les femmes et les marins.[11]
Conclusion : Après 1971
Les ressources d’hébergement du Quai 21 ont été très utilisées pendant les périodes de pointe d’achalandage du hangar, soit pendant et après la Seconde Guerre mondiale. À la fermeture des installations en 1971, le ministère de l’Immigration est retourné à l’utilisation d’hôtels et de pénitenciers locaux pour remplacer les deux types de quartiers qui se trouvaient au cœur des installations riveraines.
- Barnstead à Fraser, Halifax, 23 novembre 1926, Ministère de l’Immigration, “Immigration Building at Halifax, Nova Scotia (map) (plans)”, Bibliothèque et Archives Canada, RG 76 Volume 666 Dossier C1594; H. Crude, “CNR Halifax Ocean Terminals Proposed Immigration Facilities Shed No. 21 Gratings for Types ‘A’, ‘B1’ & ‘B2’ Windows”, 25 novembre 1926, Dessin 51103-503, consulté par l’entremise de l’Autorité du port de Halifax↩
- Charles Dwyer, en entrevue avec James Morrison, 24 mars 1998, Collection d’histoire orale du Musée canadien de l’immigration du Quai 21, 98.03.24CD, 00:12:59↩
- Bill Marks, en entrevue avec James Morrison, 24 avril 1998, Collection d’histoire orale du Musée canadien de l’immigration du Quai 21, 98.04.24BM, 00:59:55↩
- Ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration, “Administration Chapter 24: Management of Immigration Halls and Detention Quarters” dans “Immigration Manual: First Series”, Bibliothèque et Archives Canada RG 76 Vol 939 Cahier 22, sections 24.09 et 24.41 tel qu’amendé le 27 septembre 1954↩
- Tibor Lukacs, en entrevue avec Steven Schwinghamer, 9 décembre 2006, Collection d’histoire orale du Musée canadien de l’immigration du Quai 21, 06.12.09TL, 00:48:35↩
- Jackie Eisen, en entrevue avec Amy Coleman, 16 juillet 2003, Collection d’histoire orale du Musée canadien de l’immigration du Quai 21, 03.07.16JE, 00:24:03↩
- Travaux publics Canada, “Dept of Immigration Pier 21 Halifax, NS, 2nd Floor Plan”, mars 1956, Dessin 51103-412, consulté par l’entremise de l’Autorité du port de Halifax↩
- H.P. Wade, adjoint à l’inspecteur responsable, à H.U. McCrum, surintendant du District de l’Atlantique, Halifax, 5 janvier 1949 dans “Admission to Canada of the Corvette Walnut”, Bibliothèque et Archives Canada, RG 76 Vol 668 Dossier C19279↩
- Travaux publics, “Pier 21 2nd Floor Plan”; Alison Trapnell en entrevue avec James Morrison, 16 avril 1998, Collection d’histoire orale du Musée canadien de l’immigration du Quai 21 98.04.16AT, 00:23:12↩
- “Splendid Facilities”, Chronicle (Halifax), 3 Mars 1928↩
- Commission des ports nationaux, “Reconstruction of Shed No. 21 – Interior Work”, No. H-1267, Ottawa, 1945, consulté par l’entremise de l’Autorité du port de Halifax (collection non cataloguée)↩