Règlement sur le voyage continu, 1908

Résumé

Le Règlement sur le voyage continu obligeait les immigrants éventuels à voyager d’une seule traite vers le Canada depuis leur pays natal ou celui dont ils étaient citoyens avec un billet acheté dans ce pays. Comme il n’existait pas de liens maritimes directs entre l’Inde et le Canada à cette époque, le règlement empêchait effectivement l’immigration indienne. Cela entraîna aussi un déclin de l’immigration japonaise au Canada en fermant leur première route migratoire passant pas Hawaii.

Le Règlement sur le voyage continu était un amendement à l'Acte d'Immigration en 1908, interdisant le débarquement de tout immigrant n’étant pas venu au Canada dans le cadre d’un voyage d’une seule traite depuis leur pays natal ou celui dont il était citoyen. Les immigrants devaient avoir acheté leur billet direct pour le Canada à partir de leur pays d’origine, sans quoi ils seraient refusés. En pratique, ce règlement affectait surtout les immigrants venant d’Inde et du Japon, puisque les principales voies d’immigration à partir de ces pays n’offraient pas de routes directes vers le Canada.

Le gouvernement avait adopté cette pièce législative en réponse à un rapport soumis par le sous-ministre du travail, William Lyon Mackenzie King après examen de l’afflux de travailleurs asiatiques au Canada. En 1907, un fort contingent de travailleurs japonais était arrivé au Canada pour travailler à contrat pour des entreprises canadiennes. Cette augmentation de l’immigration japonaise augmentait le sentiment anti-asiatique sur la côte Ouest du Canada. Un rassemblement organisé par la Ligue d’exclusion des Asiatiques, à Vancouver, en 1907 avait dégénéré en émeute, lorsque des milliers de personnes commencèrent à terroriser les résidents chinois et japonais de la ville et à détruire leurs biens.[1] Après l’émeute de Vancouver, le gouvernement canadien négocia un accord avec le Japon pour limiter le nombre d’immigrants japonais arrivant au Canada. Toutefois, cet accord ne s’appliquait pas aux immigrants japonais passant par Hawaii pour se rendre au Canada. À cette époque, plus de 50 % des immigrants japonais permanents au Canada passait par Hawaii.[2] Mackenzie King recommanda que le gouvernement interdise l’immigration passant par Hawaii afin de calmer le sentiment anti-asiatique croissant.[3]

Le rapport de Mackenzie King recommandait en outre de réduire l’immigration provenant de l’Inde. King notait que plusieurs Indiens orientaux au Canada étaient sans emploi et pauvres, attribuant leur état à une incompatibilité avec le climat et le mode de vie du Canada. Cependant, il était impossible d’exclure les immigrants indiens sur la base de leur citoyenneté puisqu’ils étaient citoyens britanniques.[4]

Le Règlement sur le voyage continu permettait au gouvernement de limiter l’immigration tant indienne que japonaise sans qualifier cette exclusion sur la base de la race, de la nationalité ou de l’origine ethnique. Le Canadien Pacifique était la seule compagnie de navigation offrant un service direct de navires de l’Inde au Canada, mais, après l’adoption du règlement, le gouvernement interdit la vente de billets jusqu’au Canada.[5] Le règlement bloqua aussi la route hawaïenne à l’immigration japonaise.

Le règlement fut contesté à plusieurs reprises, plus particulièrement en 1914 alors que le riche marchand sikh Gurdit Singh affréta le Komagata Maru pour naviguer jusqu’à Vancouver avec à son bord 376 aspirants immigrants indiens. Le navire arriva au port de Vancouver le 23 mai et y demeura immobilisé durant deux mois pendant que la légalité du Règlement sur le voyage continu était contestée en cour provinciale. La Cour Suprême de Colombie-Britannique confirma la validité de la loi et le Komagata Maru fut escorté hors du port le 23 juillet 1914.[6] Entre 1910 et 1920, seulement 112 immigrants indiens furent admis au Canada.[7]

Bibliothèque et Archives Canada. Statuts du Canada. Loi modifiant la Loi de l’immigration, 1908. Ottawa : SC 7-8 Édouard VII, Chapitre 33


  1. Peter Ward, White Canada Forever: Popular Attitudes and Public Policy Toward Orientals in British Columbia (« Un Canada blanc à jamais : attitudes populaires et politiques publiques à l’égard des orientaux en Colombie-Britannique ») (Montréal: McGill-Queen’s University Press, 1978), 65-70.
  2. Ninette Kelley and Michael Trebilcock, The Making of the Mosaic: A History of Canadian Immigration Policy (« La création de la mosaïque : une histoire des politiques canadiennes d’immigration ») (Toronto: University of Toronto Press, 1998), 147-148.
  3. Kelley et Trebilcock, 145-146.
  4. Kelley et Trebilcock, 147.
  5. Kelley et Trebilcock, 148.
  6. Valerie Knowles, Strangers at Our Gates: Canadian Immigration and Immigration Policy, 1540-1997 (« Étrangers à nos portes : Immigration et politiques d’immigration au Canada de 1540 à 1997 ») (Toronto: Dundurn Press, 1997), 93.
  7. Hugh Johnston, The East Indians in Canada (« Les ressortissants des Indes orientales au Canada ») (Ottawa: Société historique du Canada, 1984), 7.