Familles
1er avril 1953 – Waterman
Les temps étaient durs en Hollande et, bien que Pete travaillât fort pour nous faire vivre, nous ne menions pas vraiment une vie aisée. De 1945 au début des années 1960, un grand nombre de personnes avaient décidé d'immigrer vers d'autres pays et les histoires de succès ou d'échecs d'anciens citoyens de Geldermalsen ont commencé à se propager. Presque tout le monde connaissait un membre de sa famille ou un ami qui avait émigré. Ces histoires finirent par me faire caresser le rêve de partir également, afin de commencer une toute nouvelle vie avec plus de possibilités, pour nous et, surtout, pour nos enfants. Plus j'y réfléchissais, plus je désirais partir; non seulement pour obtenir une vie meilleure, mais aussi pour l'aventure, pour le défi que représente l'émigration, pour voyager et pour voir les paysages d'autres pays. En trois mots : des possibilités illimitées. J'ai donc prudemment abordé le sujet avec Pete qui s'est alors fermement opposé à l'idée. Il n'était pas question qu'il déracine sa famille, point final !
Environ un an plus tard, mon frère et sa famille vivant au Vénézuela sont venus nous rendre visite. Mon frère a alors recommandé à Pete d'immigrer dans un autre pays. Il admirait l'habileté de Pete avec les outils et le fait qu'il était un travailleur acharné. Après la visite de mon frère, Pete s'est mis à réfléchir pendant quelques jours avant de finalement prendre la décision de partir. Il a fallu plus d'un an avant de régler toutes les formalités (les visas, l'assurance maladie, les ressources financières et trouver un emploi pour Pete). Après avoir regardé les livres de différents pays, nous avons déterminé que le Canada était le choix qui nous convenait le mieux. Les provinces qui nous attiraient le plus au Canada étaient l'Île-du-Prince-Édouard et la Colombie-Britannique, mais le parrain qui allait embaucher Pete vivait en Ontario.
Notre date de départ a alors été fixée au 24 mars 1953 et nous avions environ six semaines pour nous préparer. Nous avions été si excités à l'idée d'aller vivre dans un autre pays que nous n'avions pas bien réfléchi à la manière dont nous allions nous préparer à temps. Un grand nombre de nos affaires ont dû être vendues ou données. Seuls les biens de base allaient être emballés et venir avec nous (lits, draps, vaisselle, chaudrons, casseroles, vêtements chauds, chaussures, quelques jouets et quelques livres). Chacun de nous devait emporter avec lui une couverture pour le voyage. Les vêtements que nous portions ont été désinfectés par fumigation avant l'embarquement. Nous avons passé la dernière semaine avant notre départ avec mes parents et c'est à ce moment que j'ai réalisé que je n'allais plus jamais les revoir. Ce fut une semaine difficile. J'avais une boule dans la gorge et les yeux irrités, comme si du sable s’y était retrouvé. J'ai eu alors vraiment envie d'annuler le projet déjà bien entamé pour rester en Hollande. Dans la matinée du 24 mars, il nous fallait faire nos adieux à mes parents. Non seulement ils devaient nous voir partir Pete et moi, mais ils devaient également voir disparaître tous leurs petits-enfants vivant en Hollande à ce moment-là, ce qui fut très éprouvant peur eux qui les aimaient de tout leur cœur. Des membres de notre famille et des amis de Geldermalsen, de Buurmalsen et de Tricht étaient venus sur les quais pour nous dire au revoir et nous saluer de la main. Dans l'après-midi du 24 mars, nous avons quitté la Hollande sur un bateau de la ligne Hollande-Amérique nommé le Waterman. Les enfants et moi y partagions une cabine comportant des lits superposés et un lavabo alors que Pete partageait une cabine avec d'autres hommes. Les toilettes et les douches se trouvaient plus loin dans le couloir.
À cette époque, je croyais que tous les bateaux étaient très luxueux et qu'on y offrait de grands repas. Sur le nôtre, on nous offrait trois repas chauds par jour, ce qui est plutôt inhabituel pour un Néerlandais. Pour nous divertir, on nous présentait un film chaque jour. Mais comme il s'agissait toujours du même film, nous nous en sommes vite lassés. Le troisième jour, beaucoup de passagers ont eu le mal de mer. Ça a été le cas de toutes nos filles et de moi-même. Pete n'a été malade que la moitié de la journée, étant trop occupé à trouver des sacs pour le mal de mer et à les jeter à l'eau. Martin n'a pas été malade, ce qui n'était pas sans danger pour lui; une fois je l'ai reconnu seulement par ses chaussures, le reste de son corps pendant presque par-dessus bord. Pour la première fois de notre vie, nous avions du temps libre; on nous préparait les lits et les repas chaque jour. J'ai donc pu profiter pleinement de ces neuf jours et j'ai eu de bonnes conversations avec bon nombre d'émigrés à bord qui avaient, pour la plupart, les mêmes préoccupations que nous. Il y avait un couple plus âgé que nous qui devait se rendre sur une ferme en compagnie de leurs seize enfants. Pete a discuté avec un photographe qui avait déjà vécu au Canada pendant un an et qui était revenu chercher sa femme et ses six enfants afin de les amener avec lui au Canada. Il a alors dit à Pete que lui-même ne voudrait pas travailler pour un agriculteur et que s'il n'avait plus envie de le faire, il pouvait se rendre à Whitby, là où il y avait suffisamment d'emploi pour tout le monde. En approchant le Labrador, nous avons connu du mauvais temps et des températures plutôt froides. Nous avons donc dû rester à l'intérieur pour la majeure partie de la journée. Nous avons finalement atteint Halifax le 31 mars et avons mis pied à terre le 1er avril. Après quelques difficultés (et après avoir acheté un peu de nourriture), nous sommes montés à bord du train qui allait nous mener à Toronto.
Nous avions acheté du pain, du beurre, une saucisse, des biscuits et de la confiture. Dans la matinée, Pete nous a servi du thé et, si je me souviens bien, il a servi du lait aux enfants. Pour le restant de la journée, nous n'allions boire que de l'eau. Nous sommes arrivés à Toronto le 3 avril au matin, un Vendredi saint, et le prochain train ne partait pas avant 18 heures. Nous avons fait la rencontre d'un autre Néerlandais, Arnold Van Pypen, qui nous a invités à son domicile où sa femme a eu la gentillesse de nous laisser prendre un bain (nous étions si sales après ce long voyage en train). Elle nous a ensuite servi un repas chaud composé de porc et de haricots. Dans le train, j'avais déjà décidé que nous ne vivrions pas au Canada. Tous ces taillis et cette population éparse m'effrayaient – la Hollande est si densément peuplée et agréable, avec des maisons bien entretenues où toutes les fenêtres ont des rideaux de verre bordés de dentelle et des rebords de fenêtre débordant de plantes. Je pensais que le Québec était beau et sauvage, mais j'avais détesté les maisons et les rues des villages par lesquels nous étions passés : des rues non pavées, des maisons non peintes et des ruisseaux sauvages dont l'eau avait la couleur de la boue. Dès que nous avons atteint l'Ontario, je me suis mise à avoir plus d'espoir. Cette province semblait mieux conservée, plus peuplée et moins montagneuse que le Québec (mais elle ne ressemblait certainement pas à un endroit où nous allions nous sentir comme chez nous). En fin d'après-midi, Arnold Van Pypen nous a emmenés à la gare pour prendre le train qui s'apprêtait à partir pour Thornbury, où nous sommes arrivés à la noirceur. Le fermier hollandais nous y attendait pour nous conduire à la résidence de l'employeur de Pete, où sa femme nous a reçus chaleureusement. Elle avait déjà préparé le repas du soir, mais nos enfants étaient fatigués et plutôt de mauvaise humeur. Peu après le repas, Kees (un ouvrier agricole) nous a emmenés à la maison que nous allions habiter. C'était une grande maison qui servait auparavant de presbytère. Les gens de l'église y avaient mis des lits pour nous, de même que des plats, des pots et des casseroles. Nous y avons également trouvé du lait, des œufs, des tartes, du pain et du beurre. Nous avons apprécié tous ces cadeaux.
Nous sommes ensuite tous allés au lit pour passer notre toute première nuit à Ravenna. Le matin suivant allait être consacré à l'exploration de la maison. Nous avons alors constaté qu'il n'y avait pas d'eau courante, mais seulement une pompe à eau à l'extérieur. La salle de bain que l'on nous avait décrite par écrit n'était pas vraiment une salle de bain; elle contenait un seau avec un tuyau de poêle à l'intérieur, lequel traversait le plafond. J'ai alors pensé que c'était pour les odeurs. La toilette se trouvait à l'extérieur et son siège comportait deux trous (et pouvait donc être utilisée par deux personnes en même temps). Tout me paraissait si étrange et décevant. Mais pas pour les enfants qui étaient bien contents de l'essayer. Après deux jours au cours desquels nous avons mis un peu d'ordre dans la maison, Pete a dû se rendre à la ferme pour y travailler. Il a quitté la maison à 5h30 pour ne revenir qu'à 20h30, une très longue journée pour lui… et pour nous.
J'ai emmené les enfants dans une petite école à proximité pour les y inscrire. Seule Nellie allait rester à la maison avec moi, étant trop jeune pour aller à l'école (j'étais plutôt contente de cela). Mon ennemi juré était la cuisinière. Elle était d'une taille énorme et comportait un réservoir d'eau, un étage (pour les casseroles) et un grand four. Le problème était que le bois ne brûlait pas bien. Je ne pouvais même pas faire bouillir l'eau pour le thé le matin et la cuisinière était la seule source de chaleur dont nous disposions pour nous réchauffer. La maison était comme un bac à glace. Pete coupait du bois quand il en avait l'occasion, mais comme il devait se lever tôt tous les matins, il ne pouvait pas se permettre de se coucher trop tard. Les enfants détestaient l'école. Ils ne parlaient pas anglais et les enfants du village étaient plutôt méchants envers eux. Mon deuxième pire ennemi était le téléphone. Chaque fois qu'il sonnait, je répondais et on me disait de raccrocher, car l'appel ne m'était pas destiné (j'ignorais alors ce qu'était une ligne partagée).
Après une semaine, je suis allé voir le gérant du seul magasin de Ravenna (lequel était un homme très gentil) et lui ai demandé de dire à la compagnie de téléphone que nous voulions que notre téléphone soit débranché, ce qui l'a grandement étonné. Sa femme essayait toujours de nous aider. Un bon jour, elle nous a emmenés à Collingwood pour nous offrir des cornets de crème glacée. J'en ai alors profité pour acheter une petite plaque chauffante et j'ai alors pu me faire un thé à la maison avant que les enfants ne reviennent de l'école. Deux jours par semaine, Nellie et moi allions à la ferme où Pete travaillait et aidions la femme du fermier à faire le ménage de la maison. Je travaillais de 9 à 15 heures pour seulement 2 dollars. Cependant, cela faisait une différence. Avec un dollar, je pouvais acheter quatre douzaines d'œufs et avec l'autre dollar, j'achetais, au magasin, les choses dont nous avions le plus besoin.
Martin a été le premier à fêter son anniversaire au Canada (il a alors eu sept ans). Nous avons souligné l'événement comme nous le pouvions, mais nous n'avions pas beaucoup à lui offrir. Heureusement, il n'était pas difficile à satisfaire. Nel et moi étions très nostalgiques. Une fois les quatre enfants partis pour l'école, nous nous sommes tous les deux mis à pleurer et sommes sorties faire notre promenade quotidienne. Les collines de Collingwood sont très belles, mais à l'époque, je ne les aimais pas du tout. La maison, trop grosse et trop étrange à nos yeux, n'était pas non plus un lieu très apprécié. Son sous-sol en terre comportait une immense chaudière. Nous pouvions entendre les rats y courir et le reste de la maison craquait et craquelait. Pas étonnant que le pasteur ait choisi de ne pas y vivre.
Pete aimait bien son travail à la ferme, même si les journées étaient longues. Il y était bien nourri et traité. L'agriculteur, M. Armstrong, avait eu une crise cardiaque avant notre arrivée et devait demeurer au lit. Son fils et l'ouvrier agricole étaient satisfaits de l'aide fournie par Pete. Il disposait d'un jour de congé par semaine; nous en profitions pour aller à l'église et pour rendre visite à des amis hollandais de la région. Nous appréciions beaucoup ces journées de congé.
Bientôt, nous en étions rendus à dépenser notre dernier dollar que j'ai utilisé pour acheter du gruau, du pain, des pois et de la choucroute. Nos pommes de terre ainsi que le lait provenaient de la ferme, et les œufs venaient de l'argent que je gagnais. Nous devions passer une autre semaine entière sans argent et avons dû préparer des repas avec ce dont nous disposions : de l'avoine pour certains petits déjeuners, pour d'autres, des petits pois et de la choucroute accompagnés de quelques pommes de terre que nous avions récoltées, et pour le dîner, du pain et du beurre. Vous comprendrez que j'attendais impatiemment la première paie que Pete allait rapporter à la maison après un mois de travail. Il n'avait alors reçu que 53 dollars. Le fermier avait déduit 22 dollars de son salaire pour le bois et le lait pris sur la ferme, mettant ainsi fin au contrat de deux ans que Pete avait avec lui.
Après en avoir discuté Pete et moi, nous avons décidé qu'il devait commencer à se chercher un emploi ailleurs et qu'il devait dire à l'agriculteur que nous n'allions pas pouvoir vivre avec le salaire actuel de Pete. L'agriculteur a été très compréhensif, mais comme il était malade, il lui était impossible d'augmenter son salaire et consentait volontiers à ce que Pete se cherche un autre emploi. Nous nous sommes alors rappelé que, lorsque nous étions sur le bateau, Pete avait rencontré un Hollandais qui lui avait dit que le travail d'ouvrier agricole n'en était pas un bon et que si Pete voulait venir à Whitby, il pourrait à coup sûr y trouver un emploi convenable dans l'hôpital psychiatrique. C'est ce qu'il nous fallait faire. Pete est donc parti à Whitby, ce qui s'est avéré être toute une aventure pour lui qui ne parlait pas anglais et qui devait prendre l'autobus à différentes gares routières. Mais il est bien parvenu à destination. Avec l'aide de John Van Boxtel, il est allé à l'hôpital et a postulé pour un emploi de préposé, a passé un examen médical et a été embauché le lendemain même (ils étaient toujours à court de personnel).
Pendant ce temps, je m'étais retrouvée seule à la maison avec les enfants et m'en étais sortie comme je le pouvais. Mais les enfants étaient d'une grande aide et de bonne compagnie. Les nuits étaient effrayantes, pleines de sons, de bruits et de craquements, sans parler des gémissements du vent qui ne faisaient rien pour aider. Ce n'était qu'à l'aube venue que j'étais enfin soulagée et que je pouvais dormir. Pete était parti un vendredi pour revenir le lundi suivant (je ne me souviens pas de la date exacte). Il était revenu en compagnie d'un certain M. George Hamers qui vivait au Canada depuis longtemps et qui possédait un petit camion. Le fils du fermier, Bob, était aussi venu avec un camion pour nous aider à déménager. En quelques heures, tout était emballé et nous étions prêts à partir pour Whitby où nous allions entamer notre nouvelle aventure. Nous nous sommes arrêtés pour dire au revoir à M. et Mme Lorne Walters à qui appartenait le magasin général. Je n'oublierai jamais ces deux bonnes âmes.
Ce n'est que tard dans la soirée que nous sommes arrivés à Whitby. John et son épouse, Tina, nous ont offert de loger une partie de leur maison à un prix raisonnable jusqu'à ce que nous ayons trouvé notre propre logement, ce que nous allions faire quelques mois plus tard. Le 1er septembre 1953, nous avons emménagé dans un duplex au 222 rue Green. La maison allait être rasée quelques années plus tard pour faire place à un petit centre commercial. Le loyer était de 80 dollars par mois, ce qui était beaucoup plus que ce que nous pouvions nous permettre, mais nous avions décidé de nous lancer. La période de cohabitation avec la famille Van Boxtel avait été une expérience invivable. Les deux familles totalisaient onze enfants. Notre cuisine était au sous-sol alors que notre petit salon et notre chambre à coucher se trouvaient à l'étage supérieur. Nos enfants dormaient dans les mêmes chambres que les enfants de la famille Van Boxtel.
Notre maison sur la rue Green n'était pas un palais, certes, et les gens qui y vivaient avant nous l’avaient laissée dans un état déplorable. Mais nous l'avons bien nettoyée et, au moment d'emménager, au moins, elle était bien propre. Nous avions très peu de meubles, pas de réfrigérateur, pas de cuisinière, pas de radio et pas de télévision. Comme il nous fallait absolument une cuisinière, nous en avons acheté une d'occasion. Pete a fabriqué quelques armoires de cuisine et un comptoir autour du lavabo. Nous avons rencontré deux garçons néerlandais qui logeaient dans une chambre à Oshawa, mais qui n'étaient pas vraiment à l'aise avec les tâches ménagères. Nous les avons donc invités à venir vivre avec nous. Ils allaient nous payer le gîte et le couvert pour que je m'occupe de leur nourriture, de leurs chambres et de leur lessive. Il s'agissait de Klaas Zwiers et Jacob VanderEnde. Ce dernier est resté avec nous pendant près d'un an avant de retourner en Hollande. Klaas est demeuré longtemps avec nous et a été, et est toujours considéré comme faisait partie de la famille; nous l'aimons tous beaucoup… je vous en reparlerai un peu plus tard.
L'hiver de 1953 à 1954 a été très dur. Nous avions si peu d'argent et les emplois étaient rares. Pour Klaas et Jacob en particulier, n'ayant pas obtenu d'emploi en ce premier hiver. Toutefois, tous ensembles nous y sommes parvenus. J'ai une admiration sans bornes pour nos enfants et je vais vous dire pourquoi. Ils se sont mis à livrer des journaux pour le Globe and Mail. Joyce (13 ans), Gerrie (11 ans), Marie (10 ans) et Martin (8 ans), ce dernier ne faisait que remplacer ses sœurs lorsqu'elles étaient malades, livraient tous des journaux six jours par semaine à partir de 6 heures du matin. C'était un hiver très froid avec beaucoup de neige. Cela m'inquiétait beaucoup et je m'assurais qu'ils aient un bon petit déjeuner avant leur départ pour l'école. Quels enfants courageux nous avions ! Ils gagnaient donc eux-mêmes leur argent de poche et en avaient suffisamment pour payer leurs fournitures scolaires, et probablement plus. Lors d'une vente aux enchères, j'ai acheté un vieux divan, deux fauteuils à oreilles, une table et un gros poste de radio. On s'est fait voler la table, mais le reste nous a procuré des années de plaisir. La radio m'a été utile pour améliorer mon niveau d'anglais (la Bible était, pour moi, facile à comprendre, car elle contenait des mots bien connus que j'avais déjà entendus). Les enfants ont maîtrisé l'anglais bien avant nous. Martin et Nel allaient à l'école la moitié de la journée, car Whitby comptait plus d'enfants d'immigrants que ne pouvaient en prendre les écoles. Je pense qu'ils ont tous assez bien réussi à l'école (même si leurs bulletins étaient pour moi un casse-tête, étant très différents de ceux du système scolaire néerlandais).
Le premier hiver a été difficile. L'Ontario n'était pas pourvu du système de santé qui existe aujourd'hui, nous n'avions aucune assurance et nous avions besoin des services d'un médecin durant l'hiver. Dr. Hodgins vivait sur la rue Green et nous l'appelions en cas de besoin. Du mieux que nous le pouvions, nous lui avions expliqué que nous n'avions pas d'argent pour le payer, mais que s'il était prêt à attendre jusqu'à l'été, nous serions en mesure de le faire. Il nous a dit de ne pas nous en faire et de faire appel à lui en cas de besoin. Nous lui avons téléphoné à maintes reprises et chaque fois il est venu, toujours avenant, avec les mots pour nous réconforter lorsque nous étions découragés, essayant de nous aider du mieux qu'il le pouvait. Vous ne pourrez trouver un homme meilleur. Il a aidé beaucoup de gens comme nous. À la fin de l'été 1954, nous avons enfin pu le payer. La facture qu'il nous a soumise était de 40 dollars. Dr. Hodgins a depuis longtemps rendu l'âme, mais quels bons souvenirs il nous aura laissés, à nous ainsi qu'à plusieurs autres.