« Dans la boutique du navire, on vendait des souvenirs, des poupées aux marionnettes de marin, et j’en voulais une. Lorsque j’en demandai une, ma mère m’a dit qu’elle n’avait pas d’argent pour acheter des souvenirs. Je savais que je ne devais pas discuter avec elle, alors je fis une scène, je courus à la cabine et me cachai dans le placard pour la faire réfléchir. En claquant la porte, je fis tomber la poignée extérieure et m’enfermai. Réalisant que personne ne savait que j’étais là et que si le navire coulait, personne ne viendrait à mon secours, je paniquai. La vision de tonnes d’eau s’engouffrant par le hublot traversèrent mon esprit et je donnai un coup de pied dans le couvercle d’aération en plastique de la porte et criai à l’aide à pleins poumons. Des gens coururent prévenir mes parents qui firent irruption et me libérèrent de mon cruel destin. J’étais dans un tel état que, pour me calmer, maman nous acheta à chacune une poupée marin souvenir. » (La famille Lindeijer, 1956)
« Je me rappelle que notre cabine se trouvait soit à l’étage des cuisines ou à l’étage au-dessus. Les odeurs de cuisine obligeaient la plupart des gens sur le même palier à marcher en tenant sur leur bouche un mouchoir imbibé d’eau de Cologne. Cela ne semblait pas nous incommoder, ma sœur, mon frère et moi. Nous passions beaucoup de temps à fabriquer des parachutes à l’aide de cordes et du papier d’emballage des oranges. Nous allions lancer ces parachutes du haut du grand puits d’escalier permettant d’accéder à tous les étages. Une employée de bord plutôt bien bâtie ne sembla pas apprécier notre sens de l’aventure et du plaisir. Elle nous chassa à plusieurs occasions. » (La famille Lindeijer, 1956)
« Notre cabine se trouve tout en bas du navire, complètement à l’arrière. Papa a dû coucher dans un autre secteur du navire réservé aux hommes seulement, et une jeune femme, nouvellement mariée, partage notre cabine. Les esprits s’échauffant, tout le monde parlait à tout le monde pour découvrir où chacun se rendait dans le nouveau pays. De l’autre côté du couloir, face à notre cabine, se trouve un petit salon où les gens se mettent à l’aise, parlant, lisant, tricotant ou brodant, tandis que le navire glisse hors du fleuve pour se diriger vers la Manche. Mais, tout ne reste pas aussi calme et serein. À un moment au cours de la nuit, nous atteignons des mers plus agitées et le mal de mer s’installe. La jeune femme qui partage notre cabine est la première à en souffrir et, oh horreur, elle utilise l’un des deux éviers de la cabine. Le matin, un membre de l’équipage a dû venir et démonter toute la plomberie et nettoyer les dégâts. Comme notre cabine se trouve près de la cale du navire, aucun hublot ne peut être ouvert de sorte que, durant un moment, l’odeur n’est pas très agréable, mais nous avons quitté la cabine pour aller prendre un petit-déjeuner et explorer le navire. Durant notre séjour avec des parents, toute la famille avait la grippe et, dès la première journée en mer, maman a souffert de la grippe et elle a été clouée au lit pour le reste du voyage. Quant à moi (Jan), j’ai été le suivant à être malade, mais c’était du mal de mer et j’ai été incapable de quitter le lit au cours des cinq jours suivants. À cause de mon âge, on ne peut me donner de pilules contre le mal de mer et je dois prendre mon mal en patience. » (Ria Wilson, 1952)
« À part le jeu de galets ou le badminton, il n’y avait pas beaucoup de distraction à bord du navire, de sorte que le temps passait lentement. Avec ses quelques 1 700 passagers et membres de l’équipage s’activant sur le navire, il n’y avait pas de place pour cela. Lorsque nous avons affronté du mauvais temps, le navire tanguait et roulait et le mal de mer préleva son écot laissant bien des places vides à la table des repas. Il était vraiment lassant de n’avoir toujours sous les yeux que l’immense courbe de l’océan Atlantique. Deci delà s’amorçaient des conversations entre les passagers et d’amusantes histoires faisaient surface comme celle de l’homme qui avait apporté avec lui 500 pierres à briquet, craignant qu’elles ne soient pas disponibles au Canada. Ou encore cette histoire qu’on m’a raconté de l’homme qui avait apporté avec lui sa « moeskei », cette belle pierre plate que l’on utilise pour garder le couvercle fermé sur les barils de choucroute. Un autre encore avait embarqué une sorte de petit coffre-fort en métal qu’il disait vouloir emplir d’argent au Canada parce que là, « c’était facile à trouver » ! » (Hugh Timmerman, 1950)
« C’est le 19 juin 1953 que la famille Bos s’embarqua sur le « Groote Beer ». C’était un beau grand navire. On nous conduisit à notre cabine qui pouvait loger six personnes sur des couchettes. Mon père et mes cinq frères partageaient cette cabine cependant que ma mère et moi en partagions une autre avec trois autres passagères. Cet arrangement nous convenait très bien car nous passions le plus clair de notre temps dans la cabine des hommes, réunis en famille. Nous prenions nos repas dans la grande salle à diner qui offrait trois services. La nourriture était de première qualité et le service excellent. On avait accès à bord à des divertissements comme un jeu de galets, des films et même une bibliothèque. La plupart des gens souffraient du mal de mer et je n’y faisais pas exception. Au bout de quelques jours, je m’habituai au roulis du navire et je recommençai à manger. Nous passâmes sept jours sur un océan agité. » (Cathy Bos, 1953)