« Deux jours plus tard, moi, mon plus jeune frère et ma sœur fûmes envoyés à une petite école de rang. Nous y arrivâmes, ne sachant pas un mot d’anglais, avec un lunch dans un petit panier, et les enfants se rassemblèrent autour de nous, nous regardant avec de grands yeux. Nous étions les premiers immigrants à arriver dans cette école. Mais aussitôt que mon père comprit que je n’étais pas obligé d’aller à l’école et que je pouvais travailler, je commençai à travailler à treize ans, avec ma sœur de 18 ans et mon frère de 17 ans, dans les champs. Notre premier travail consistait à couper et emballer des céleris puis, des tomates puis, tout l’été, du tabac. Cela de 7 h à 18 h, puis un saut à la maison pour un souper rapide et de nouveau, à la conserverie de tomates de 19 h à 1 h du matin. Puis de nouveau à la maison pour quelques heures de sommeil et retour aux champs. Ensuite, l’heure du tabac : traiter les feuilles et apprendre à attacher le tabac, tout cela tous les étés durant plusieurs années. Durant l’hiver, ma sœur et moi travaillions à la pêcherie. Mais cela ne dura pas très longtemps (ça ne rapportait pas assez). À l’âge de 14 ans, je fus engagé avec ma sœur à la fabrique de tabac. Et cela rapportait bien. » (Lea van Muren, 1952)
« Comme on peut s’y attendre, l’adaptation à un nouveau pays n’était pas nécessairement facile. Le changement était particulièrement difficile pour papa et maman qui, jusqu’à un certain point, étaient dérangés par les différences culturelles existant entre le vieux pays et le nouveau. Apprendre une nouvelle langue était également difficile, particulièrement pour papa qui devait parler anglais au travail, et encore plus pour maman qui se trouvait en quelque sorte isolée dans notre maison. Les bribes d’anglais de cuisine glanées aux Pays-Bas se révélaient de peu d’utilité. Environ deux mois après notre arrivée au Canada, papa et maman envisagèrent sérieusement de ramener notre famille aux Pays-Bas. Ils avaient bel et bien l’intention d’économiser assez d’argent pour acheter un camion, y charger notre caisse de transport et prendre la route de Halifax. Graduellement, cependant, leur résolution de rapatrier notre famille s’affaiblit et peu après, ils en abandonnèrent complètement l’idée. Les années passant, nous avons grandi dans ce pays et, à dire vrai, ce pays a grandi en nous. Wy binne gelokkich (nous sommes bénis). » (Kenneth Robert Vandenberg, 1953)
« J’ai beaucoup pleuré dans cette maison de Nouvelle-Écosse. Tout était si différent. Le temps était si froid. Il y avait tellement de neige. Je n’avais personne à qui parler le jour. Je n’avais aucun endroit où aller. Je n’avais ni radio, ni journal. Les journées étaient si longues. Pas étonnant que bien des immigrants aient voulu retourner à la maison si SEULEMENT ils l’avaient pu. Pour Jake, c’était un peu différent. Il commençait à travailler à 5 h du matin pour traire les vaches. Il revenait alors à la maison pour le petit déjeuner et retournait au travail jusqu’au déjeuner. L’heure du déjeuner était de midi à 13 h. Puis, il retournait au travail et revenait dîner. Mais sa journée de travail n’était pas encore terminée car il devait repartir et traire les vaches de nouveau. Tout cela était nouveau pour lui, mais bientôt, il put faire son travail par lui-même. » (Hendrika G. Los, 1950)
« Je ne m’en rappelais pas, mais ma sœur m’a dit que mon frère John et moi, nous étions cachés sous le bureau du principal quand maman nous amena à l’école la première journée. Je me rappelle avoir pleuré pendant que maman me traînait vers la classe tout au long du corridor. Le principal de l’école décida que, dans notre meilleur intérêt, ma sœur, âgée de 9 ans et moi-même, âgée de 10 ans, devrions être placées dans une classe inférieure parce que nous ne parlions pas anglais. Mon frère n’avait que six ans et il était assez jeune pour pouvoir apprendre l’anglais sans être rétrogradé. Mieux encore, il était assez brillant pour compléter ses troisième et quatrième années en une seule. Je n’ai jamais compris le raisonnement du principal. Sa décision fit en sorte que ma sœur et moi fûmes toujours plus âgées d’un an ou deux que les autres élèves de notre classe tout au long de nos études élémentaires et secondaires. Son raisonnement manquait de sens pratique puisque la titulaire de ma classe prit sur elle de nous apprendre à tous trois l’anglais à ses temps libres, une heure ou plus chaque jour après la classe. Je me rappelle encore son mari/fiancé arpentant la salle pendant que nous faisions notre apprentissage, et moi me demandant quelle était la relation de Dick avec Jane et son chien Spot. Au bout de six mois, nous parlions tous trois assez bien l’anglais pour continuer par nous-mêmes. Environ un an plus tard, personne n’aurait pu dire que nous n’étions pas nés au Canada. » (La famille Lindeijer, 1956)
« Nous vivions une vie très isolée à la campagne. Corrine et moi prenions l’autobus scolaire jusqu’à mi-chemin de la maison et nous avions ensuite à marcher encore quelques milles. Ce premier hiver canadien était pénible car nous n’étions pas habitués à avoir de la neige de novembre à avril ! Nous n’avions ni bottes, ni vêtements chauds, ni argent pour en acheter. Sans moyen de transport, il nous était impossible d’aller à la ville pour y faire des achats, ou aller à l’église. Dès que nous eûmes économisé quelques dollars, papa fit l’acquisition d’une Chevy 1936. Il en était très fier et elle nous emmena partout où nous devions aller. Comme nous étions les premiers immigrants dans cette région, les Canadiens nous traitèrent bien, nous apportant toutes sortes de choses pour nous aider à démarrer notre nouvelle vie : literie, linge de maison, meubles et nourriture. » (Dorothy van Helvert, 1950)
« C’est là que j’ai goûté pour la première fois au Coca Cola ! J’ai tellement aimé cela que par la suite, je parcourais à pied les deux milles (3,2 km) de la route en gravelle montant vers Newton, aller-retour, pour acheter une caissette de coke à même ma maigre allocation. Je la cachais dans un trou dans la terre sous une trappe située dans le salon. Six bouteilles de coke à cinq cents, plus deux cents de dépôt (remboursés au retour des bouteilles vides), c’était tout ce que cela coûtait. Après le travail, je fouillais dans ce petit cubicule pour accéder à mon petit remontant, pour me voir réprimander par mon frère d’être si dépensier et de « gaspiller » tout cet argent si durement gagné ! » (Hugh Timmerman, 1950)
« Pendant notre recherche d’emploi, nous tombâmes sur un restaurant finlandais où, pour 10 cents, nous pouvions avoir un bol de soupe et deux tranches de pain sec. Nous nous rendions tous les jours à ce restaurant pour une soupe et du pain, au petit déjeuner, au déjeuner et pour dîner. Il ne nous restait que quelques maigres dollars, mais quelques jours plus tard, nous reçûmes des nouvelles encourageantes de l’International Nickel Company. Nous devions tous les deux nous présenter pour un examen médical. Celui-ci réussi, on nous donna des instructions précisant l’heure et l’endroit où nous devions nous présenter pour le travail. N’eut été de l’anglais appris à l’école secondaire, je crois que je n’aurais jamais eu cet emploi. » (John Vanderlaan, 1952)