« À bord de ce train pour immigrants, les passagers s’asseyaient, mangeaient et souvent, dormaient sur des banquettes de bois. Le train s’arrêtait régulièrement en cours de route pour permettre à l’équipage de faire le plein de charbon et d’eau pour la locomotive à vapeur et de prendre d’énormes blocs de glace qui, en fondant, fournissaient de l’eau potable pour les passagers. En même temps, les passagers n’avaient pas les moyens de manger dans la voiture restaurant et, par conséquent, ils se préparaient des sandwichs pour tous leurs repas durant leur voyage. » (Kenneth Robert Vandenberg, 1953)
« Grâce au conseil avisé de ma tante Edith Hitman, maman et papa avaient apporté avec eux une bouilloire sur le train. Il semble qu’aucun autre passager n’ait eu la bonne idée de faire de même et donc, il se trouva que notre bouilloire familiale fut constamment à l’œuvre sur le vieux poêle disposé à l’arrière de l’un des wagons. Beaucoup de gens s’en servaient pour faire bouillir l’eau pour le thé et au moins une maman l’utilisait pour réchauffer les biberons pour son bébé. Bien que nous fussions étrangers les uns aux autres, nous avions tous en commun ce statut d’immigrant nouvellement débarqué et, par conséquent, nous faisions tout ce que nous pouvions pour nous aider les uns les autres. Un jour, entre deux gares où nous pouvions acheter des aliments, notre famille se trouva à court de pain et de confiture. Un couple d’immigrants allemands plus âgé nous donna du pain et de la confiture de framboises pour nous réconforter. Depuis ce jour, la confiture de framboises reste ma favorite et lorsque j’en mange, cela me rappelle souvent notre voyage en train et la gentillesse de ces parfaits étrangers à notre égard. » (Kenneth Robert Vandenberg, 1953)
« C’était un vieux train militaire alimenté au charbon. L’intérieur était tout en bois, banquettes inclues. Peter et John dormaient dans les supports à bagages. Il y avait dans chaque voiture un robinet où on pouvait se procurer de l’eau. On pouvait acheter de la nourriture à bord du train, mais c’était trop cher. Quand le train s’arrêtait, Ralph, Thijs et Ike descendaient du train pour acheter de la nourriture. Nous achetions habituellement des corn flakes, des bananes, du lait, du pain et du fromage. Il y avait du bon pain blanc. Nous n’avions pas vu de bon pain depuis la guerre. La nuit, nous dormions et par conséquent, il y a de grandes parties du Canada que nous n’avons pas vues. Le train était très sale, et il y avait partout de la suie de charbon. John avait la diarrhée et nous ne pouvions laver les couches, alors nous les jetions. Le dimanche 7 juillet, nous arrivâmes à Edmonton. » (Eppo et Epke Eekes, 1952)
« À partir de là, il fallait un voyage en train de deux jours pour nous rendre à Listowel, en Ontario. En Hollande, il n’avait fait que des voyages d’une heure ou deux en train, jamais d’une journée entière. Et le train n’avait rien de « l’Orient Express ». Bien vite, ils furent habitués à la routine et au clic-clac des roues. Le paysage était complètement différent de ce qu’ils avaient l’habitude de voir, et c’était fascinant. Tandis que le printemps s’était installé depuis plus d’un mois, peut-être même six semaines, en Hollande, beaucoup de fleurs étant en boutons, la province du Nouveau-Brunswick était toujours couverte de neige. La plupart des lieux que nous traversions étaient plus enneigés qu’aucun lieu ne l’avait jamais été en Hollande. Les installations sanitaires à bord du train étaient tout juste suffisantes : un petit évier et des toilettes. Par conséquent, l’hygiène était, pour dire le moins, négligée. » (Famille De Boer, 1951)
« Maintenant que nous sommes à bord du train, nous croyons que nous allons profiter du paysage, mais c’est une erreur. La neige atteint les fils télégraphiques et en de rares moments seulement, pouvons-nous apercevoir une ferme ou des maisons. Plusieurs fois par jour, le train doit s’arrêter et attendre que la voie soit déneigée avant de pouvoir continuer. Quelque part en chemin, nous nous arrêtons dans une petite ville et les passagers se voient accorder un peu de temps pour aller acheter des aliments. Papa descend en quête d’un magasin. Il semble s’absenter très longtemps et voyant qu’il n’est pas revenu lorsque le train siffle, je suis au bord de la panique. Mais il finit par arriver à temps avec du pain, du beurre, du corned beef, des oranges et d’autres articles, pas si mal pour quelqu’un qui ne parle que quelques mots de mauvais anglais et alors que les supermarchés où l’on peut se servir soi-même n’existent pas encore. Nous nous dirigeons vers Montréal, au Québec, et y arrivons dans la matinée du 22 février, barbouillés de la suie du train pour immigrants et fatigués par le manque de sommeil. » (Ria Wilson, 1952)