Gabriella Frainetti née Di Giovanni

Janvier 1966

Mon histoire a commencé le 6 janvier 1966, quand mes parents, deux de mes frères plus jeunes, ma grand-mère et moi-même avons décidé d'immigrer au Canada. Je suppose que mes parents voulaient nous donner à nous, leurs enfants, une meilleure qualité de vie que celle qu'ils avaient eue étant jeunes. Le jour de notre départ, je me souviens que nous sommes partis très tôt le matin et qu’il y avait de la neige au sol. Des amis de la famille nous ont conduits à Naples en voiture et cela avait pris quelque chose comme trois ou cinq heures… bref, à notre arrivée à Naples, on a vérifié nos documents, puis nos bagages ont été chargés sur le navire. Après un certain temps, nous avons fait nos adieux à nos amis et sommes montés à bord. On nous a attribué deux cabines, l’une que je devais partager avec ma grand-mère et l’autre était pour mes parents et mes frères. Les cabines comportaient des lits superposés et étaient relativement petites. Tout semblait aller pour le mieux, jusqu'à ce que le navire traverse le détroit de Gibraltar, après quoi le mauvais temps se mit de la partie. Tout le monde a fini par avoir le mal de mer. Cela a duré un bon moment. Le navire disposait de cordes attachées le long des murs des corridors pour aider les gens voulant se déplacer à garder l’équilibre. Sur le contour des tables de la salle à manger, il y avait des panneaux latéraux de sept centimètres de haut pour éviter que les assiettes ne tombent sur le sol. Cela a duré un bon moment.

Alors que nous approchions les rivages d’Halifax, nous avons pu voir des dauphins autour du bateau. Pendant que nous étions à bord, on demanda à tous les passagers de se présenter sur le pont. Une fois sur le pont, on nous donna des gilets de sauvetage qu’on nous demanda de mettre. On nous dit qu’il ne s’agissait que d’un exercice, que tout allait sans doute bien se passer, mais que, si jamais il se passait quelque chose, nous saurions ainsi comment procéder avec les gilets de sauvetage et le reste.

Le 26 janvier, nous avons accosté à Halifax et nous sommes entrés dans le Quai 21 où l’on nous dit de nous asseoir sur de longs bancs de bois et d'attendre que nos noms soient appelés. Pendant l’attente, tous les enfants présents ont reçu une paire de mitaines de laine en cadeau. Quand nos noms ont finalement été appelés, nous avons reçu le statut d'immigrant, puis nos bagages ont été contrôlés et marqués d’une croix blanche signifiant que nous étions autorisés à y aller. Je me souviens de cette famille qui, je crois, était également italienne et qui se faisait contrôler à la douane. Le douanier coupa les cordes d’un matelas enroulé que la famille avait attaché pour voir ce qu'il y avait dedans et y trouva du jambon, des saucisses, du salami et du fromage tout faits maison. Il était interdit d’apporter de telles choses ici. Lorsque nous avons quitté le Quai 21, la famille était toujours là.

Nous avons ensuite pris le train en direction de Montréal. Dans le train, toutes les fenêtres étaient glacées et on ne pouvait pratiquement rien voir à l'extérieur… le peu qu’on parvenait à voir était le blanc de la neige. Le train prit 24 heures pour se rendre à Montréal. Le frère de ma mère nous attendait là-bas. Il nous emmena d'abord à sa maison, puis à la nôtre. La semaine suivante, mon père est allé travailler dans l'industrie de la construction et nous avons commencé l'école. C'était très difficile au début à cause de la barrière linguistique, mais à mesure que nous apprenions la langue, les choses devenaient plus faciles. Je vis aujourd'hui à Montréal, je suis mariée depuis 21 ans et nous avons deux filles âgées de 20 et 14 ans. Montréal est une ville merveilleuse où les gens sont très gentils, et le Canada est magnifique.