L'immigration massive des Italiens vers le Canada de 1870 à 1914, 1920 à 1930 et 1950 à 1970 font partie de la grande histoire de la diaspora italienne, une mouvance migratoire provoquée par le climat économique difficile qui frappa l’Italie vers 1860 et se poursuivit pendant plus d’un siècle. Bien que les premiers immigrants italiens soient arrivés au Canada au cours des années 1830 et 1840, l’immigration de masse en provenance d’Italie n’a pas débuté avant les années 1870 pour se poursuivre relativement sans interruption jusqu’à ce qu’éclate la Première Guerre mondiale en 1914. La deuxième vague d’immigration se produisit entre 1920 et 1930, avant la Grande dépression qui a mit un frein à presque toute l'immigration vers le Canada. Entre les années 1950 et 1970, la troisième et la plus importante vague d’immigrants italiens arriva au Canada. En dépit de la classification comme indésirables dans la politique d’immigration du Canada à la fin du 19e et au début du 20e siècle, des centaines de milliers de citoyens italiens ont immigrés au Canada en utilisant des réseaux de parenté et la pénurie de main-d’œuvre au Canada. Bien que les immigrants italiens aient à faire face à de nombreuses difficultés à leur arrivée au Canada, une dynamique communauté italo-canadienne émergea graduellement et contribua de façon importante à la construction du pays.
Les premiers immigrants italiens arrivés au Canada s’installaient habituellement à Toronto, Montréal et dans une moindre mesure, à Vancouver, mais aussi dans des villes minières et industrielles de tout le pays. Le gouvernement canadien n’encourageait pas activement l’immigration italienne parce que les Italiens étaient considérés comme peu sujets à endurer le mode de vie des pionniers. Les politiques d’immigration officielles visaient à peupler les terres agricoles des Prairies canadiennes et le gouvernement favorisait les immigrants en provenance des Îles britanniques ou du nord de l’Europe pour coloniser l’ouest. Néanmoins, plus de 60 000 immigrants italiens arrivèrent au Canada entre 1900 et 1913 en réponse à la nécessité d’une main-d’œuvre bon marché dans les industries canadiennes. Le rail avait constamment besoin de main-d’œuvre pour la construction, l’entretien et le travail dans ses filiales minières, où les Italiens étaient considérés comme des arrivants désirables. Les jeunes hommes arrivaient donc par milliers d’Italie comme main-d’œuvre saisonnière dans l’industrie du chemin de fer. Plusieurs travailleurs de passage arrivaient avec l’intention de travailler une saison et d’envoyer de l’argent à leur famille. Les agents de main-d’œuvre aidaient ces travailleurs en organisant leur transport et en trouvant des emplois en échange d’honoraires. Certains agents malhonnêtes firent venir plus d’hommes qu’il n’y avait d’emploi et plusieurs travailleurs italiens se retrouvèrent échoués au Canada sans l’argent nécessaire pour retourner en Italie. Au cours des mois d’hiver, les travailleurs saisonniers allaient à Toronto et à Montréal et trouvaient du travail dans la construction et le secteur manufacturier. Plusieurs immigrants saisonniers retournèrent en Italie, mais certains restèrent au Canada, soit par manque de fonds pour payer leur passage, soit parce qu’ils avaient trouvé du travail dans les villes canadiennes. Ces travailleurs restés au pays formèrent la base des communautés italiennes du Canada, qui créèrent de petites enclaves ethniques appelées « Petite Italie » dans les grands centres urbains.
Le déclenchement de la Première Guerre mondiale en 1914 ralentit considérablement l’immigration vers le Canada. À la fin des hostilités en 1918, l’immigration augmenta de nouveau, même si le nombre d’immigrants demeura passablement inférieur aux statistiques de la période d’avant-guerre. Environ 40 000 Italiens arrivèrent au Canada entre les deux guerres, surtout en provenance du sud de l’Italie, où la dépression économique et la surpopulation laissaient bien des familles dans la pauvreté. Avant la guerre, les immigrants italiens étaient principalement des jeunes hommes travailleurs saisonniers, mais comme la main-d’œuvre urbaine remplace le travail ferroviaire, plus d’hommes Italiens ont choisi de s’installer définitivement au Canada. Cela mène à une augmentation en migrations des familles italiennes entre les deux guerres, quand les femmes et les enfants ont rejoint leurs maris et leurs pères au Canada.
En 1930, il devint évident que les conditions économiques se dégradaient et le gouvernement canadien imposa de strictes restrictions afin de réduire le nombre de candidats à l’immigration. Ces restrictions furent davantage resserrées pendant la Deuxième Guerre mondiale et plus spécifiquement à l’endroit des sujets de pays ennemis comme l’Italie. En vertu de la Loi sur les mesures de guerre, environ 31 000 Italiens et Italiennes vivant au Canada furent considérés sujets d’un pays ennemi. Les Italiens et les autres « sujets d’un pays ennemi » du Canada faisaient face à des persécutions et à la détention, parce qu’on croyait qu’ils représentaient une menace pour la sécurité nationale. Les Italo-canadiens étaient la cible de quolibets racistes et plusieurs commencèrent à parler anglais entre eux afin de prouver leur loyauté envers leur pays d’adoption. Entre 1940 et 1943, environ 600 Italo-canadiens furent arrêtés et détenus dans des camps à titre de sujets d’un pays ennemi, soupçonnés d’avoir des liens avec le régime fasciste. Bien que plusieurs Italo-canadiens aient au départ soutenu le fascisme et le régime de Mussolini à cause de son rôle dans l’amélioration de la présence de l’Italie sur la scène mondiale, la plupart des Italo-canadiens ne ressentaient aucune hargne envers le Canada et peu demeurèrent fidèles à l’idéologie fasciste.
Immédiatement après la Deuxième Guerre mondiale, la politique canadienne d’immigration demeura très restrictive et empêcha l’immigration des personnes déplacées, des réfugiés et d’autres immigrants. À la fin des années 1940, les Italiens furent soustraits de la liste des sujets d’un pays ennemi, ce qui provoqua la plus grande vague d’immigration italienne vers le Canada. Entre le début des années 1950 et le milieu des années 1960, entre 20 000 et 30 000 immigrants italiens arrivaient au Canada à chaque année. Plusieurs Italiens arrivaient au Canada en vertu de contrats d’un an parrainés par le gouvernement afin de travailler dans les industries aux prises avec des pénuries de main-d’œuvre. Cependant la majorité des immigrants arrivés d’Italie pendant cette période passèrent par le processus d’immigration à la chaîne suivant lequel les familles déjà établies au Canada parrainaient leurs parents venus de l’étranger. Le nombre d’immigrants italiens chuta de façon substantielle à la fin des années 1960 alors que l’économie italienne connut une période de croissance et de rétablissement, faisant ainsi disparaître une des principales raisons d’émigrer.
Après être arrivés au Canada, les immigrants italiens faisaient face à de nombreuses difficultés et à de grands défis alors qu’ils apprenaient la langue et s’ajustaient au rythme de vie de leur nouveau pays. La majorité des immigrants italiens traversèrent l’océan en bateau et accostèrent au Quai 21 d’Halifax, en Nouvelle-Écosse. Le sentiment de dépaysement associé à l’immigration commençait souvent avant l’arrivée. Rosa Ritorto (née Gareffa) se rappelle avoir goûté au pain tranché pour la première fois pendant la traversée : « L ‘aliment qui m’a le plus impressionné était le pain tranché, il était si tendre ! Nous n’avions pas l’habitude de ce type de pain et je me souviens d’avoir vu ma mère pleurer et dire que si on ne trouvait au Canada que ce type de pain, elle souhaitait retourner en Italie. Elle n’a même pas voulu y goûter ! » Certains immigrants italiens emportèrent avec eux des aliments d’Italie comme des fromages maison, du salami et des saucissons, mais se les firent confisquer par les autorités de l’immigration. Une fois les immigrants débarqués au Canada et passés par les autorités de l’immigration, ils montaient dans des trains vers leur destination finale et arrivaient dans des climats et des paysages qui n’avaient rien de familier. En plus des chocs culturel et linguistique, les immigrants italiens devaient faire face à la discrimination. Les préjugés les plus répandus voulaient que les Italiens soient portés sur la violence et qu’ils introduisent le fascisme et le crime organisé au Canada, détruisant ainsi la fibre morale de la société canadienne. Les immigrants italiens étaient également accusés de voler les emplois des Canadiens et de vivre dans des conditions de promiscuité et d’insalubrité, vu que plus d’une famille partageait souvent le même logis.
Pour rendre la transition vers la vie au Canada plus facile, les immigrants italiens trouvèrent du soutien auprès de leurs compatriotes Italo-canadiens, ce qui mena à la création des communautés et organisations qui existent encore dans tout le pays. Avec l’arrivée de plus en plus d’Italiens, les quartiers de la Petite Italie des centres urbains explosèrent et prospérèrent. Les immigrants italiens organisèrent également plusieurs sociétés et clubs bénévoles. Au cours de la Deuxième Guerre mondiale, plusieurs de ces organisations furent démantelées en raison de supposés liens avec les fascistes ou dans un effort pour attirer l’attention vers la communauté. Avec la reprise de l’immigration italienne après la guerre, certaines de ces anciennes associations furent formées de nouveau et plusieurs nouvelles virent le jour. Par exemple, en 1952, les Italo-canadiens fondèrent la Société d’aide aux immigrants italiens dont la mission consistait à aider les nouveaux immigrants italiens dans leur transition au Canada. Au cours des années 1960, ce fut au tour du Congrès national italo-canadien, organisme pancanadien, d’être créé. Les Italo-canadiens développèrent aussi diverses associations politiques, culturelles, religieuses et de travailleurs en plus de médias communautaires sous la forme de journaux, de stations de radio et d’émissions télévisées.
La communauté italo-canadienne a eu une influence importante sur le tissu social, culturel et économique du Canada. Une de ses plus importantes contributions aura été dans la réforme du code du travail de l’Ontario. Alors que de plus en plus d’immigrants permanents en provenance d’Italie migraient vers les villes canadiennes, ils en sont venus à dominer l’industrie de la construction dans certains centres urbains. Au cours des années 1960, plus de 15 000 Italiens travaillaient dans l’industrie de la construction à Toronto, ce qui représentait le tiers de tous les travailleurs de l’industrie à Toronto. La santé et la sécurité au travail, de même que les relations de travail, étaient à cette époque mal règlementées, ce qui mena souvent à la maltraitance des travailleurs italiens. La question fut portée à l’attention du public après la tragédie de Hogg’s Hollow en 1960, alors que cinq travailleurs italiens furent tués, restant coincés dans un tunnel en y installant une conduite d’eau. L’événement déclencha une enquête qui dénonça l’échec des lois ontariennes sur la santé et la sécurité au travail et leur mise en application laxiste par le ministère du Travail. Une Commission royale d’enquête convoquée pour se pencher sur la règlementation en matière de santé et de sécurité au travail recommanda certaines mises à jour à la loi, surtout dans l’industrie de la construction. La tragédie de Hogg’s Hollow galvanisa la motivation des travailleurs italiens de la construction d’adopter une attitude revendicatrice, qui culmina par deux grèves illégales pour de meilleurs salaires, la reconnaissance des syndicats et des conditions de travail plus sécuritaires.
Des centaines de milliers d’Italiens choisirent de faire du Canada leur nouveau pays dans le but d’améliorer leur bien-être économique. Des politiques d’immigration contraignantes qui les traitaient comme des immigrants indésirables ne les découragea pas de chercher de nouvelles possibilités au Canada et d’utiliser les réseaux familiaux de même que les pénuries de main-d’œuvre du Canada comme moyens d’immigrer. Le choc culturel, la discrimination, la détention et les mauvaises conditions de travail compliquèrent leur adaptation à la vie canadienne, mais les immigrants italiens persistèrent afin de fonder des communautés durables et d’apporter leurs contributions culturelles et économiques, surtout par la participation à la réforme des lois du travail. L’immigration italienne au Canada mena graduellement à la création d’une communauté italo-canadienne prospère qui continue d’être un élément important de la société canadienne.