Femmes et hommes célibataires
Mon nom est STEVEN (ISTVAN) ERDOS et je suis né à Budapest, en Hongrie.
C'est comme Juif que j'ai connu les années de guerre en Hongrie et, après la guerre, lorsque les Russes ont occupé la Hongrie, j'ai décidé de fuir le pays. Traverser les frontières pendant la nuit et tenter d'éviter les gardes-frontières armés de mitrailleuses a certainement été une rude épreuve, mais je suis finalement parvenu à Vienne à la fin de 1948. Après y avoir passé un court séjour, je suis allé à Salzbourg où j'ai travaillé pour les forces armées américaines d'occupation en tant qu'interprète.
C'est à la fin du mois d'avril 1951 que je fus finalement avisé que mes papiers pour immigrer au Canada étaient arrivés. À ce moment, Salzbourg était devenu mon chez-moi et il ne fut pas facile de rassembler mes effets personnels et encore moins de quitter mes amis qui n'avaient pas encore obtenu leurs papiers.
Tout le monde m'accompagna à la gare pour me dire au revoir et pour prendre un dernier verre avec moi.
Le jour arriva enfin où nous avons dû rassembler nos affaires à nouveau pour monter à bord d'un camion qui allait nous conduire à Brême, où se trouvaient tous les immigrants rassemblés le long des bordages du bateau. Étonnamment, des officiers de la marine canadienne (des marins et des infirmières) étaient sur place à attendre notre arrivée. Mais la plus grande surprise fut un orchestre militaire jouant de la musique pendant que l'on s'occupait des formalités pour embarquer sur le navire.
Le bateau était le SS NELLY, un transporteur de l'armée relativement petit (32 tonnes), ayant été utilisé auparavant pour transporter des troupes au cours de la Deuxième Guerre mondiale.
Nous étions quatre à partager la même cabine qui, bien que n'étant pas très spacieuse, nous convenait très bien.
Nous avons quitté le port de Brême en fin d'après-midi ce jour-là, et la mer était assez calme.
Le lendemain matin, après un lever de soleil magnifique, en nous approchant de la côte anglaise nous pouvions admirer toute la beauté des paysages, tout particulièrement celle des falaises blanches de Douvres.
Et puis le bateau arriva en haute mer ! Je n'ai vraiment pas le pied marin; parfois même, une simple promenade en bateau suffit à me perturber l'estomac ! Mais là, l'eau était bien plus agitée et je suis tombé malade sur l'heure.
Je suis resté dans le lit superposé durant toute la traversée. À un moment donné, on ordonna, par l'intermédiaire des haut-parleurs, à TOUS les passagers de se rendre sur le pont supérieur. Je demandai alors qu'on dise de ma part aux autorités que, si elles voulaient m'y voir, ils avaient intérêt à venir me chercher pour me TRANSPORTER !
Je ne pouvais pas manger; je ne pouvais que boire. Heureusement, au cours de la deuxième journée en mer, un marin frappa aux portes des passagers juifs pour leur distribuer de la Matza (un pain non levé), car c'était la fête de Pessah (la Pâque juive). Ce fut le seul « aliment » que j'allais avaler jusqu'à Halifax.
La première fois que je suis sorti de la cabine a été lorsque quelqu'un s'est mis à crier : « Je vois la terre ! ». À partir de ce moment, j'ai commencé à me sentir de mieux en mieux. Arrivé à Halifax, les autorités d'immigration canadienne avaient besoin d'interprètes, alors, comme je parlais hongrois, anglais, allemand, français et serbe, je me suis immédiatement porté volontaire. L'agent d'immigration sur place était très sympathique et nous nous entendions à merveille. La procédure consistait à d'abord obtenir les vrais noms des immigrants (certains étaient venus avec de faux papiers d'identité), puis à leur demander s'ils voulaient changer de noms (pour des noms peut-être un peu plus anglais), quelle était leur destination, puis enfin, si quelqu'un les attendait à l'arrivée.
Ce n'est que tard en fin de journée que l'agent m'a remercié pour mon aide et m'a donné un beau livre sur le Canada.
Comme j'avais un peu de temps devant moi avant le départ du train de Halifax, j'ai décidé d'aller me promener en ville. J'étais en compagnie d'un ami et, alors que nous marchions, je lui ai fait la remarque qu'étonnamment, JE NE VOYAIS AUCUN CHEVAL – pour moi à ce moment, Halifax était une ville du Far West comme on pouvait en voir dans les westerns.
Puis, enfin, arriva le moment de monter à bord du train. Ce fut un très long voyage jusqu'à Toronto, mais cela allait me permettre d'être bien prêt mentalement pour m'installer dans mon « nouveau pays ».
J'ai pu trouver un emploi dans mon domaine, pour une entreprise de services optiques. Peu de temps après, j'ai rencontré une jolie fille et nous nous sommes mariés. Un jour, mon beau-père et moi avons démarré une entreprise dont j'ai été le propriétaire pendant plus de 35 ans, mon beau-père ayant pris sa retraite après 25 ans. Après quelques difficultés de départ, nous avons commencé à mener une vie décente. Nous avons élevé deux filles adorables, toutes deux diplômées de l'université, et profitons pleinement du temps passé avec nos trois merveilleux petits-enfants.
Je suis fier d'être Canadien ! Ce pays a été bon pour moi et pour ma famille. Quand je voyage, je suis fier de montrer mon emblème canadien.