L’immigration hongroise au Canada
La patrie des Hongrois du Canada a une longue et intéressante histoire qui a contribué à faire des gens des personnes assidues et tenaces. La région des Carpates ou le bassin du Danube d'Europe centrale était une voie navigable importante dès l'époque préromaine. Les Magyars, qui deviendront plus tard les Hongrois, ont voyagé au pied des monts Oural du Sud pour s'installer dans cette région tempérée. Le Royaume de Hongrie a accepté le christianisme et s’est étendu pour inclure des pays que nous connaissons aujourd’hui sous les noms de la Hongrie, la Slovaquie, la Croatie, et certains territoires appartenant à la Roumanie, l'Ukraine, la Serbie, la Bosnie-Herzégovine et l’Autriche.
Plus tard, la plaine centrale de cette région fut gouvernée directement par l'Empire Ottoman pendant que les régions nordiques et ouest étaient contrôlées par les Habsbourg et la Transylvanie, dans l'est, était sous le règne des princes protestants hongrois. Les conflits et les luttes de pouvoir ont tourmenté la région et mené à la guerre d'indépendance de 1848-1849. Cette situation a inspiré la première grande vague d'émigration vers les États-Unis d'Amérique et le Canada, alors appelés l’Amérique du Nord britannique.
En 1867, la même année que le Canada est devenu un pays, la Hongrie devint un partenaire égal de ce qui fut par la suite appelé la double monarchie de l'Autriche-Hongrie. Après la Deuxième Guerre mondiale, la désintégration de l'Empire austro-hongrois et les frontières sont une fois de plus déplacées. La Hongrie était un État dont un tiers a été transféré à la Roumanie et les portions restantes ont été divisées entre l'ex-Tchécoslovaquie, l’ex-Yougoslavie et l’Autriche. Dans un chapitre de Encyclopedia of Canada’s Peoples, Nandor f. Dreisziger explique que ces facteurs historiques ont rendu difficile la définition même d’un Hongrois.
Depuis les années 1880, environ 120 000 personnes d'origine hongroise ont immigré au Canada. Les motifs des immigrants hongrois de venir au Canada étaient diversifiés et de nombreux facteurs d’expulsion et d’attraction ont encouragé leur migration. L'immigration en provenance de la Hongrie s’est faite principalement en deux vagues. La première vague était principalement composée de pionniers vers la fin des années 1800. La deuxième vague est venue après la révolution hongroise de 1956. Le Quai 21 a été l'un des points d'entrée qui a accueilli bon nombre de ces immigrants hongrois, particulièrement le grand groupe connu sous le nom des réfugiés de la révolution hongroise, lesquels sont arrivés en 1956, 1957 et 1958.
Les immigrants hongrois ayant choisi le Canada étaient principalement des travailleurs agraires qui avaient d’abord fait un premier arrêt en Pennsylvanie pour y travailler dans les mines. C'était dans les années 1880 et c’est à ce moment que Paul Oscar Esterhazy a décidé d'emmener, à partir de la Pennsylvanie, des Hongrois dans les prairies canadiennes pour y établir une « Nouvelle-Hongrie ». Les nouveaux arrivants y ont bâti leur communauté et ont envoyé des rapports positifs aux parents et amis de leur patrie, inspirant ainsi une chaîne de migration. Le Canada était attrayant pour les immigrants hongrois potentiels parce qu'il offrait des terres gratuites pour favoriser la colonisation. En retour de ces terres, les immigrants devaient les défricher, y construire des maisons et les cultiver. Manquant d'éducation et de connaissance de l'anglais, de nombreux immigrants hongrois étaient obligés au travail manuel. Cependant, certains Hongrois ont pu prospérer en raison de leur esprit d'entreprise et de leur travail acharné. Bon nombre de ces immigrants sont plus tard devenus des producteurs de tabac dans le sud de l'Ontario.
Lors du déclenchement de la Première Guerre mondiale, l'immigration en provenance de Hongrie a été arrêtée, malgré le fait que les Hongrois étaient impatients d'émigrer. Le Canada refusait l’entrée à toute personne provenant de terres « ennemies » et ce n'est qu'en 1924 que le Canada a rouvert ses portes aux Hongrois. La plupart des Hongrois qui ont été jugés admissibles au Canada provenaient des provinces où le territoire avait été perdu et était maintenant gouverné par les États successeurs. Une fois de plus, la plupart des immigrants étaient des travailleurs agricoles ou des nobles dépossédés de leurs terres cherchant des occasions d'améliorer leur destin au Canada.
La grande dépression eut un effet dramatique sur l’immigration. Seuls les membres de familles déjà établies au Canada pouvant assurer qu'ils ne seraient pas des charges publiques ont été autorisés à immigrer. De nombreux Hongrois vivant au Canada ont alors épargné de l'argent pour être en mesure de parrainer leurs familles, tandis que d'autres ont dû y renoncer parce qu'ils ne pouvaient pas se le permettre. Le chômage était un problème majeur et nombreux sont ceux qui ont travaillé à la construction du chemin de fer pour seulement 20 cents par jour.
En 1939, lorsque le Canada entra dans la Deuxième Guerre mondiale contre l'Allemagne et ses alliés (y compris la Hongrie), il fut de nouveau impossible pour les Hongrois d'immigrer au Canada, parce qu'ils étaient considérés comme des « étrangers ennemis ». Ce n’est qu'en 1947 que le débit des Hongrois a repris (10 151). Ces immigrants avaient quitté leur foyer pendant et après la Deuxième Guerre mondiale, vivant dans des camps pour personnes déplacées, en attente de l'autorisation d'entrer au Canada. Les gens faisant partie de cette vague de personnes déplacées de Hongrie étaient souvent traumatisés non seulement par la guerre, mais par la longue attente et l'incertitude qui l’accompagnait. Ils n’avaient aucune idée de l’endroit où ils iraient ou de ce que l'avenir pouvait leur réserver. Plusieurs Hongrois se sont portés volontaires pour devenir de la main-d’œuvre sur les fermes pour être en mesure d'entrer au Canada. Beaucoup d'autres ont été parrainés par des fermiers hongrois qui s'étaient déjà installés au Canada par l'entremise de précédentes vagues de migration. Afin d'être accueillis au Canada, de nombreux hongrois ont eu à signer un contrat d’un an ou deux. Une fois qu'ils avaient rempli leur contrat de travail sur les fermes, les Hongro-Canadiens déménageaient souvent dans les grandes villes où, à cette époque, il était plus facile d’obtenir de meilleurs emplois, bien que souvent, ceux-ci ne fussent pas liés au domaine dans lequel ils avaient travaillé auparavant en Hongrie.
Après la Deuxième Guerre mondiale, de nombreux Hongrois trouvent fort difficile de vivre sous le régime communiste. Les Hongrois insatisfaits mènent alors une révolte, en octobre 1956. La révolution n’aura duré que 12 jours, l'armée soviétique envahissant le pays et anéantissant la révolution. Pour de nombreux Hongrois, il n'y n'avait d’autre choix que de fuir ou faire face aux persécutions et aux sanctions. Dans les semaines suivant la fin de la révolution, les Hongrois ont commencé à arriver au Canada. C'était un départ éprouvant puisque plus de 30 000 Hongrois ont quitté leur pays entre 1956 et la fin de 1957. Cela représente le plus grand nombre d'immigrants Hongrois que le Canada n’avait jamais vu. La plupart de ces réfugiés étaient de jeunes hommes avec une bonne éducation ou une formation dans le domaine de l'industrie. La population et les autorités canadiennes ont accueilli chaleureusement les réfugiés de la révolution hongroise.
285 étudiants de la Faculté de l'école de foresterie avaient fui avec leurs 29 professeurs. Ils ont pu poursuivre leurs études à l'Université de la Colombie-Britannique. Chaque province a établi des programmes d’aide à l’accueil des réfugiés. Près de 20 000 réfugiés de la révolution hongroise se sont établis en Ontario car cette province offrait une grande variété de programmes d'assistance et de relocalisation. L’Église Sainte-Elizabeth de Hongrie, l'Église catholique romaine et la First Hungarian Presbyterian Church ont célébré des mariages pour les couples nouvellement arrivés. En Alberta, 70 groupes civiques ont participé à la réinstallation.
Ces dernières années, une partie importante des Hongrois arrivant au Canada ont d'abord vécu en Roumanie et en Tchécoslovaquie, où ils se sont installés de façon temporaire avant de déménager au Canada. Depuis le début des années 1990, l'afflux d'immigrants en provenance directe de la Hongrie a presque cessé. Cependant, l’immigration de Hongrois en provenance de ses pays voisins se poursuit.
Aujourd'hui, on retrouve des Hongro-Canadiens dans tous les milieux. Les Hongrois ont apporté des contributions remarquables à la science, aux finances, aux affaires, à la photographie, à l’informatique, à la musique et aux sports. Par exemple, Janos (Hans) Selye, un endocrinologue, docteur et chercheur Hongro-Canadien, est connu comme le père du concept du stress et a été le premier directeur de l'Institut du stress de Montréal en 1977. Andrew Sarlos, Hongrois né au Canada, est un gourou de l’investissement financier, un auteur et un philanthrope. Peter Munk est un magnat industriel et est le fondateur de Barric Gold et de la firme Trizec Hahn, empire multimilliardaire du domaine de la construction et du développement immobilier du Canada. Jessica Rackocki est championne de la catégorie poids léger de l’International Boxing Association (IBA) et Elvis Stojko, le « Roi de la glace », a été trois fois champion du monde, sept fois champion national canadien et 2 fois médaillé d'argent aux Olympiques.
Facteurs d’expulsion et d’attraction
- Dans la Hongrie de la fin du XIXe siècle, la croissance de la population a dépassé sa capacité de production alimentaire et de nombreux paysans étaient sans nourriture à manger ou sans terre à labourer. Le Canada était très vaste et faisait face à une pénurie de main-d'œuvre qu'il espérait résoudre par l'immigration.
- Après la Première Guerre mondiale, les Hongrois ont migré en raison de la dissolution de l'Empire austro-hongrois, du conflit entre la Hongrie et ses voisins au sujet du territoire et du traité de Trianon. Pendant ce temps, le Canada pouvait offrir des emplois en usine ainsi que dans le domaine de l'agriculture.
- La Hongrie fut dévastée durant la Deuxième Guerre mondiale. Les années d'après-guerre ont vu une nouvelle vague d'émigration hongroise qui comprenait de nombreux Juifs ayant survécu à l'Holocauste et un grand nombre de personnes déplacées. Encore une fois, le Canada avait besoin de ressources tant dans l’agriculture que dans l'industrie. De nombreux professionnels hongrois ont d'abord travaillé comme mineurs, agriculteurs et bûcherons pour ensuite chercher un emploi dans leur profession.
- En 1956, la révolution hongroise a entraîné l’arrivée de 37 500 réfugiés au Canada. Le gouvernement du Canada a simplifié le processus d'immigration pour les Hongrois, et au Canada, le gouvernement couvrait les frais de voyage et prenait en charge les réfugiés de la révolution hongroise durant leur première année au pays.
Bibliographie
Andras, Dr. Rona-Tas. The Origin and Early History of Hungarians 26 juillet 2006.
Magocsi, Paul, ed., Encyclopedia of Canada’s Peoples. Toronto: University of Toronto, 1999. multiculturalcanada.ca/Encyclopedia/A-Z/h3
Patrias, Carmela. Les Hongrois au Canada, Ottawa, Société historique du Canada, 1999.
Brochure No 27. Aussi disponible au www.collectionscanada.gc.ca.
“Crossroads of Culture-Hungarian Immigrants”, http://www.historymuseum.ca/splash 16 juillet 2006.
Nobel Prize Winners and Famous Hungarians (“Prix-Nobel” et célèbres Hongrois)
The First Hungarians in North America (Les premiers Hongrois en Amérique du Nord)
collections.ic.gc/heirloom_series/volume7/countries/hungary.html
Hungarian Immigration,Understanding Canadian Diversity in Alberta,
Alberta Online Encyclopedia (L’immigration hongroise : Comprendre la diversité
canadienne en Alberta)
http://www.edukits.ca/multiculturalism/student/immigration_hungarian_e.html
Smith, Carrie-Ann (Vice-présidente, Engagement des publics), Musée canadien de
l’immigration du Quai 21