Les exilés chiliens, de 1973 à aujourd’hui

Résumé

Cette dissertation d’histoire orale examine les expériences des exilés chiliens qui ont quitté leur pays après le renversement du gouvernement d’unité populaire de Salvador Allende. La première section examine les trajectoires qui ont mené du Chili au Canada, et inclut les souvenirs des élections de 1970 et du coup d’État de 1973. Dans la deuxième partie, ces mêmes Chiliens nous parlent de leur adaptation et de leur mémoire, ainsi que de l’héritage et des leçons du coup d’État au Chili.

Emily Burton, Ph.D., Spécialiste de l’histoire orale et Patrick Kinghan, M.A., Stagiaire de recherché

Introduction : La crise des exilés chiliens

2023 marque le 50e anniversaire du coup d’État au Chili qui a renversé le parti démocratiquement élu Unidad Popular (Unité populaire) et a conduit 6 000 exilés chiliens à s’installer au Canada entre 1973 et 1978. Le parti de l’Unité populaire, dirigé par Salvador Allende, était une coalition politique de gauche qui, au départ, bénéficiait également du soutien de démocrates chrétiens.[1] Bien que le nouveau gouvernement se soit battu pour un Chili plus équitable sur le plan économique et social et qu’il ait bénéficié d’un fort soutien à l’intérieur du pays, le contexte de Guerre froide des années 1970 a suscité une opposition interne et externe au gouvernement.[2]

Le 11 septembre 1973, un coup d’État mené par Augusto Pinochet a renversé le gouvernement de l’Unité populaire. Le nouveau régime militaire a dirigé le Chili de 1973 à 1990, supprimant les organisations politiques et sociales, notamment les syndicats, les groupes étudiants et les associations communautaires.[3] Certains exilés chiliens sont venus au Canada pour fuir le régime en raison d’un « sentiment constant de danger », tandis que d’autres ont été exilés du Chili par le gouvernement autoritaire.[4] Aucune de ces personnes ne voulait quitter le pays; elles ont été contraintes de le faire. C’est pourquoi de nombreux Chiliens préfèrent le terme « exil » à celui de « réfugié ». L’exil « englobe une politique consciente d’exclusion. »[5]

Pour en savoir plus sur l’histoire de la participation du Canada au mouvement des exilés chiliens, consulter Jan Raska, « 1973 : La réponse du Canada face aux réfugiés chiliens ».

Cette dissertation d’histoire orale raconte l’histoire de l’élection et du renversement d’Allende, ainsi que ses conséquences, à travers le regard d’exilés chiliens et d’autres personnes qui ont eu une expérience directe ou un souvenir intergénérationnel des années Allende et Pinochet. Il est basé sur des extraits de sept entrevues d’histoire orale menés par le Musée canadien de l’immigration du Quai 21: cinq avec des exilés chiliens venus au Canada dans les années 1970, un avec le petit-fils d’un prisonnier politique sous Pinochet, et un avec un agent d’immigration canadien à la retraite responsable de l’unité des réfugiés du Canada à l’époque. Les extraits d’entrevues donnent un aperçu direct de leur expérience du coup d’État, de leur départ du Chili et de leur nouvelle vie au Canada.

Les entretiens révèlent un éventail de souvenirs et de perspectives. Certaines personnes étaient activement engagées politiquement, d’autres moins. Jorge Hurtado et Jorge L. Henriquez Ross ont vécu la violence du régime militaire personnellement, tandis que pour d’autres, la peur de la violence était omniprésente. Contrairement à la plupart des participants, José Contreras a vécu le coup d’État et ses conséquences lorsqu’il était enfant, et Pablo Abarca Calderón est né deux décennies plus tard. Son point de vue est unique, car il est aux prises avec les répercussions intergénérationnelles du régime autoritaire de Pinochet. Les entrevues relatent également les processus d’adaptation au Canada et les difficultés liées au retour au Chili, comme en témoignent Ruth Miranda et Luis Hernández. Les expériences vécues par les participants aux entrevues sont uniques et ne représentent pas l’ensemble des exilés chiliens et de leurs familles. En même temps, ils transmettent des expériences partagées par d’autres exilés chiliens, comme la détention ou avoir connu des personnes qui ont disparu pendant les années de la dictature militaire. L’ensemble des entrevues permet de découvrir la réalité des exilés chiliens au Canada.

Dans la première partie, l’histoire de l’élection et du renversement d’Allende et de ses conséquences, ainsi que celle de la recherche de refuge au Canada, sont racontées du point de vue des participants aux entrevues d’histoire orale. La deuxième partie est une réflexion sur trois thèmes clés qui ont émergé des entrevues : l’adaptation et l’appartenance, la (re)création de la mémoire et la conscience politique.

Partie I : Du Chili au Canada

Ruth Miranda et son mari Pedro sont restés au Chili pendant six ans après le coup d’État, se mariant et fondant une famille. En 1979, Pablo et Ruth ont pris la décision difficile d’immigrer au Canada à la demande du frère de Pedro, qui avait immigré immédiatement après le coup d’État militaire. Des choix difficiles et souvent traumatisants ont défini l’expérience de Ruth en tant qu’exilée chilienne. Mais avant le coup d’État, la vie quotidienne de Ruth, qui a grandi dans les années 1950 et 1960 dans une petite ville du Chili, était empreinte d’un certain degré de normalité et de routine. Ruth peint un portrait de ces premières années dans l’extrait suivant :

 

Jorge Hurtado est né à Santiago, au Chili, et a commencé à militer au sein du parti socialiste pendant ses années d’études universitaires. Dans l’extrait ci-dessous de son entrevue, Jorge décrit sa présence lors d’un discours de Salvador Allende après son élection. Jorge mentionne ses camarades Carlos Lorca et Alejandro Rojas, qui étaient également présents à l’université lors du discours. Lorca a été arrêté en 1975 par le régime militaire de Pinochet et a disparu. Rojas a également été persécuté par la dictature militaire, mais a pu s’enfuir en Europe avant de venir au Canada.[6] Jorge souligne l’importance du mouvement étudiant politiquement actif de l’époque et de son soutien au nouveau gouvernement. Il exprime également l’espoir, à l’époque, d’un sentiment d’unité plus large.

Luis Hernández est né à Santiago du Chili. Il a fréquenté une école technique d’entretien mécanique, où il a appris la soudure. Au début des années 1970, Luis avait un emploi stable de soudeur. Dans cet extrait, Luis parle du fait d’aller travailler le jour du coup d’État militaire, le 11 septembre 1973. Comme c’est souvent le cas pour les événements qui bouleversent une vie, Luis se souvient exactement de la manière dont il a appris le coup d’État et de l’endroit où il se trouvait lorsqu’il s’est produit. Il donne un aperçu de ce qu’ont été pour lui les premiers jours après le coup d’État. Luis n’était pas ouvertement politique, mais son licenciement et son incapacité à trouver un nouvel emploi l’ont amené à quitter le Chili. L’extrait de son entrevue révèle qu’il n’était pas nécessaire d’être politiquement actif pour être considéré comme un citoyen subversif par le régime militaire.

 

Jorge L. Henriquez Ross est né à Antofagasta, au Chili, où il a travaillé dans le domaine de la sécurité minière après avoir étudié le génie électrique et la sécurité industrielle. Pendant ses études, Jorge s’est engagé politiquement et a fait partie du mouvement de résistance clandestine contre le régime de Pinochet. Jorge a finalement été expulsé du Chili et est arrivé au Canada en 1975. Auparavant, il a été emprisonné dans le camp de concentration de Puchuncaví, au cœur du Chili. Guillermo Nuñes, un artiste chilien qui a également passé du temps dans le même camp, a noté : « Dans les prisons chiliennes, un jour, une heure peut être un long moment de tristesse. »[7]Jorge décrit ses expériences dans le camp de Punchuncaví, au milieu de la douleur, y compris sa routine quotidienne, l’atmosphère du camp et les types de personnes qui y étaient prisonnières. Il partage également une brève histoire d’espoir, montrant que l’on peut trouver la beauté dans les moments les plus difficiles (attention : contenu difficile) :

La réaction du Canada au coup d’État de 1973 au Chili n’a pas été immédiate. Jorge Hurtado nous fait part de ses réflexions sur les raisons pour lesquelles le gouvernement canadien n’a pas initialement soutenu les exilés chiliens fuyant le régime de Pinochet. Jorge souligne l’importance des groupes non gouvernementaux tels que les églises, les syndicats et les groupes étudiants pour persuader les responsables canadiens de répondre à la crise humanitaire créée par le régime militaire. Les réflexions de Jorge mettent en lumière le paysage politique plus large du régime de Pinochet et les craintes des Canadiens à l’égard du socialisme et du communisme en Amérique latine, tout en révélant la douleur et la peur ressenties par les Chiliens en quête d’exil.

 

Les observations de Jorge Hurtado concernant la réponse du Canada sont reprises par un agent d’immigration à la retraite, Michael J. Molloy, qui explique le changement de politique et de procédure du gouvernement de son point de vue en tant que chef de l’unité des réfugiés du gouvernement canadien dans les années 1970. Dans l’entrevue qu’il a accordée pour l’enregistrement de son histoire orale, Michael raconte les difficultés initiales rencontrées pour répondre à la crise chilienne : « Nous avons soudainement commencé à― à recevoir des réfugiés de l’autre côté du spectre― qui fuyaient la droite. Les gens de gauche fuyaient la droite. La GRC, en particulier, a eu beaucoup de mal à s’y retrouver. Tous ces gens étaient des subversifs communistes potentiels... La position de notre appareil de contrôle de sécurité était que la menace venait de l’Union soviétique et de ses alliés. » Ils étaient habitués à ce que les réfugiés qui arrivaient au Canada après avoir fui les régimes communistes soient des Européens. Il souligne également les réactions des Églises anglicane, unie et catholique canadiennes, dont les membres ont écrit d’innombrables lettres, exhortant le Canada à accepter davantage d’exilés chiliens pour des raisons humanitaires.[8] Les groupes religieux et d’autres groupes, comme l’a également expliqué Jorge, ont été les premiers à convaincre le gouvernement canadien que les Chiliens demandeurs d’asile étaient des civils qui craignaient d’être persécutésou expulsés sous une dictature militaire.

José Contreras est né à Viña del Mar, au Chili. Ses parents étaient des médecins qui travaillaient dans le domaine de la santé et qui soutenaient le gouvernement d’Allende. Ainsi, immédiatement après le coup d’État de 1973, la famille de José est entrée dans la clandestinité. Son père a demandé l’asile à l’ambassade du Honduras au Chili, et José et sa famille ont fui vers le Honduras. La famille est arrivée au Canada en passant par le Honduras en 1974. Dans l’extrait suivant, José donne un aperçu de la situation de sa famille en matière de logement et de son enfance à Delano Place, à Scarbourough, en Ontario, un complexe d’appartements sociaux habité par d’autres familles chiliennes. José était un enfant au moment du coup d’État. Son témoignage révèle les désirs et les sentiments de l’enfance, y compris la joie de vivre malgré le déplacement :

 

Après avoir immigré en 1979, Ruth Miranda et sa famille sont restées sept mois à Winnipeg, au Manitoba, avant de s’installer en Colombie-Britannique. Ruth a trouvé du travail à Victoria comme femme de ménage et a ensuite travaillé pour l’Inter-Cultural Association of Greater Victoria, où elle a aidé des nouveaux immigrants à s’installer. Ruth évoque ce travail dans l’extrait suivant et montre comment elle a cherché à apporter une contribution positive dans son travail avec ses clients, principalement des personnes âgées de la communauté de Victoria. Ruth souligne l’importance de la famille dans sa vie au Canada et décrit l’éthique du travail qu’elle a apprise de son frère :

 

Partie 2 : La réflexion

Cette partie de la dissertation sur l’histoire orale explore comment six Chiliens se souviennent du coup d’État et pensent à cette histoire des décennies plus tard. Nous constatons leurs processus de réflexion dans le temps à travers trois thèmes : l’adaptation et l’appartenance, la (re)création de la mémoire et la conscience politique.

Ajustements et appartenance

Ruth Miranda parle de son travail auprès de l’Inter-Cultural Association of Greater Victoria et des histoires qu’elle a entendues de la part d’immigrants au fil des ans. « Ils vous diront que tout y est parfait. Ils idéalisent le pays, raconte-t-elle. Ils l’idéalisent; tout est meilleur. Les fruits sont meilleurs, la viande est meilleure, les― tout le monde leur manque, même le chat de la maison, leur grand-mère, tout le monde. » Elle souligne l’impact de la nostalgie sur la perception qu’ont les immigrants de leur nouveau pays. « Je n’ai jamais vu quelqu’un arriver et dire : “Oh, c’est parfait” », confie-t-elle. Ruth met l’accent sur le travail des immigrants afin de trouver un équilibre entre la nostalgie de leur ancienne patrie et les expériences moins parfaites qu’ils vivent dans leur nouvelle patrie.

 

Luis Hernández parle de son retour au Chili et de sa confrontation avec le concept de « chez-soi ». Presque dix ans plus tard, de retour sur le boulevard où il vivait autrefois, Luis n’a retrouvé personne qu’il avait connu. Il a également rencontré la peur et la méfiance parmi ceux qui sont restés au Chili. « Tout le monde avait déménagé ou tout le monde était parti. Personne ne voulait dire quoi que ce soit à propos de qui que ce soit. » Luis reconnaît que l’endroit qui était autrefois son chez-soi ne l’était peut-être plus : « C’était triste, mais il n’y a rien à faire. Votre famille est ici, votre vie est ici... Et en fin de compte, c’est ici mon chez-moi. » En reconnaissant que le chez-soi est là où l’on se trouve, Luis offre un message d’acceptation, qui englobe néanmoins la tristesse de la perte.

 

(Re)créer la mémoire

Dans son entrevue, Jorge L. Henriquez Ross parle du roman qu’il est en train d’écrire sur le Chili et le coup d’État. Jorge signale que le livre parle de personnes qu’il a connues et qu’il n’inclut qu’une petite partie de ses propres expériences : « C’est... C’est un peu mon histoire... Elle est basée sur deux amies que j’avais. L’une a disparu en juillet 1975; l’autre a été exécutée. Elles sont réunies, représentées par la femme de mon livre. Et je reprends beaucoup d’autres choses qui se sont passées autour de moi dans le camp de concentration, d’autres personnes. » Recréer la mémoire à partir du traumatisme des années Pinochet semble exiger une certaine distanciation. Jorge se concentre sur les expériences des autres plutôt que sur les siennes et ses écrits sont des fictions plutôt que des mémoires ou des études historiques. Il dit aussi, d’un ton nostalgique, « un jour, je le publierai », révélant un processus continu de réflexion et de souvenir. Un jour, le roman sera peut-être publié, mais l’écrire est aussi important que le terminer.

 

Tandis que Jorge participe directement à l’acte de réflexion et de commémoration, Pablo Abarca Calderón, né à Santiago, au Chili, près de vingt ans après le coup d’État de 1973 et peu après la fin de la dictature militaire, explore le traumatisme et la mémoire générationnels. Sa compréhension du gouvernement d’Allende et du régime de Pinochet provient de sa famille et de recherches historiques, plutôt que d’une expérience personnelle. Dans l’extrait suivant, il évoque les expériences de son grand-père, Marcos Luis Abarca Zamorano, en se concentrant sur comment il a commencé à apprendre les expériences de son grand-père pendant le régime militaire par l’entremise d’un récit publié, plutôt que par des connaissances de première main. Pablo nous fait également part de ses réflexions sur Allende et sur l’impact de la Guerre froide. Le traumatisme de l’époque a affecté ceux qui l’ont vécu, mais aussi leurs enfants et petits-enfants, et les observations de Pablo révèlent la persistance de la mémoire intergénérationnelle :

 

Le grand-père de Pablo n’a pas partagé ses expériences directement avec son petit-fils. Pablo a appris leur existence grâce au mémoire Cent voix brisent le silence.[9]« J’ai lu son témoignage et, bien sûr, j’ai pleuré― beaucoup pleuré, dit-il. Et j’ai commencé à― à faire des recherches sur ce qui s’était passé et sur toutes ces atrocités. » En s’éduquant, Pablo a généré ses propres pensées et interprétations des événements : « Il était... membre d’un syndicat, raconte-t-il. Mais il n’a jamais― il n’a jamais été un terroriste, comme― parce que tout le monde pense, comme― si vous êtes un communiste, vous êtes un terroriste, vous êtes― mais non, il― il voulait un pays plus juste. » Pablo pense que son grand-père a été emprisonné et torturé « parce qu’il était membre du syndicat de son lieu de travail. » La réflexion de Pablo montre le traumatisme intergénérationnel causé par le coup d’État et révèle comment des événements historiques violents peuvent continuer à avoir un impact réel sur les gens des décennies plus tard.

Conscience politique

 

José Contreras fait une observation dans son entrevue sur les personnes qu’il a rencontrées au cours de ses voyages, en particulier des non-Latinos, qui étaient au courant de la crise de l’exil chilien, ce qui, selon lui, reflète un changement de conscience politique au niveau international. « En voyageant, j’ai été très surpris de constater combien de personnes savaient que j’étais chilien et savaient exactement ce qui se passait, explique-t-il. Par exemple, si je parlais à un étudiant en art de 24 ans, quel que soit l’endroit, il savait exactement ce qui se passait au Chili à l’époque. » Il révèle l’impact potentiel de la connaissance collective des non-participants aux événements historiques. « Il est donc possible qu’une prise de conscience s’opère. » La réflexion de José montre une voie à suivre, l’espoir d’un avenir où la prise de conscience du coup d’État et d’autres événements historiques similaires contribueront à façonner un monde moins violent.

 

Jorge Hurtado semble du même avis. « Nous pensons qu’en perpétuant la mémoire, nous aiderons de nombreuses personnes dans un autre pays. » Jorge utilise son expertise en politique pour mettre en garde contre l’inaction citoyenne : « J’espère que cela n’arrivera jamais au Canada, mais il est très important de conserver ces souvenirs pour retenir la leçon. Elle est si fragile, la démocratie, et la maintenir coûte si cher, pour l’entretenir, vous savez. Elle est si fragile. » José offre l’espoir d’une prise de conscience, tandis que Jorge lance un appel à l’action.

 

Conclusion : Un combat singulier

Le régime de Pinochet a pris fin en 1990, une période qui a également marqué un tournant dans la politique de la Guerre froide. Dans les décennies qui se sont écoulées entre la fin de la Seconde Guerre mondiale et la chute du mur de Berlin, le Canada a été l’un des principaux pays à accueillir des réfugiés.[10] Pourtant, les exilés chiliens ont d’abord été confrontés à l’hostilité et à la peur du gouvernement canadien.[11]À l’instar des réfugiés qui fuyaient des régimes communistes et qui s’étaient donc alignés sur la démocratie et le capitalisme occidentaux, les exilés chiliens fuyaient un régime de droite, de sorte que leur idéologie non seulement différait, mais menaçait aussi les opinions politiques et les alignements économiques du Canada. Le Canada a fini par accepter les exilés chiliens et par réagir à la crise, mais la lenteur de sa réaction est également liée à sa reconnaissance du régime de Pinochet en tant que « gouvernement légitime du Chili ».[12] D’autre part, le changement de politique et de procédure qui a eu lieu pour des raisons humanitaires après le coup d’État de 1973 au Chili a également contribué à ouvrir la voie aux Guatémaltèques, Colombiens et autres Latino-Américains qui ont cherché refuge au Canada dès les années 1980.

Des milliers d’exilés chiliens ont trouvé refuge au Canada, notamment Ruth Miranda, Jorge Hurtado, Jorge L. Henriquez Ross, Luis Hernández, et José Contreras. Leur volonté de partager leurs idées et leurs expériences par des entrevues d’histoire orale, ainsi que Pablo Abarca Calderón et Michael J. Molloy, représente une contribution inestimable au dossier historique sur ce moment unique de l'histoire du Canada.


 

  1. Jan Raska, « 1973 : La réponse du Canada face aux réfugiés chiliens », Musée canadien de l’immigration du Quai 21, 6 juillet 2020.
  2. Raska, « 1973 : La réponse du Canada face aux réfugiés chiliens ».
  3. Francis Peddle, Young, Well-Educated, and Adaptable: Chilean Exiles in Ontario and Quebec, 1973-2010, (Winnipeg: Presses de l’Université du Manitoba, 2014), 5.
  4. Peddle, Young, Well-Educated, and Adaptable, 6
  5. Peddle, Young, Well-Educated, and Adaptable, 10.
  6. Pour plus d’information biographique sur Carlos Lorca, consulter « Condenan a los autores de la desaparición de directiva del PS (1975) », Université du Chili, 30 décembre 2018, https://radio.uchile.cl/2018/12/30/condenan-a-los-autores-de-la-desaparicion-de-directiva-del-ps-1975/. Pour plus d’information sur Alejandro Rojas, consulter Francisca Siebert, « U. de Chile lamenta el fallecimiento de Alejandro Rojas, ex presidente de la FECh y diputado de la República », Université du Chili, 16 avril 2018, https://uchile.cl/noticias/142609/fallecio-alejandro-rojas-ex-presidente-de-la-fech
  7. Dora Ashton et Guillermo Nunez, « Inside Chile’s Prisons ». The New York Times Review, 12 mai 1977. Inside Chile's Prisons | Dore Ashton | The New York Review of Books (nybooks.com)
  8. Histoire orale avec Michael J. Molloy. Musée canadien de l’immigration du Quai 21. [15.12.03MM]
  9. Wally Kunstman Torres et Victoria Torres Ávila, Cien voces rompen el silencio. Testimonios de ex presas y presos políticos de la dictadura militaren Chile (1973-1990). Dirección de Bibliotecas, Archivos y Museos, Chili, 2008. Le livre comprend plus de 100 récits de vie autobiographiques de citoyens chiliens qui ont été emprisonnés par le régime de Pinochet. CIEN VOCES ROMPEN EL SILENCIO | Servicio Nacional del Patrimonio Cultural.
  10. Peddle, Young, Well-Educated, and Adaptable, 3.
  11. La crise de l’exil chilien n’a pas été le seul exemple d’une approche sélective de la part du gouvernement canadien en ce qui concerne les réfugiés. Au départ, le Canada n’a pas signé la convention des Nations Unies sur les réfugiés de 1951, par exemple, parce que les autorités voulaient se réserver le droit d’expulser les réfugiés considérés comme « indésirables »; ratifier la convention aurait signifié que ces réfugiés étaient désormais impossibles à sortir du pays. Jan Raska, « Désirables? Indésirables? Le Canada et la réinstallation de réfugiés chiliens, indochinois et somaliens », Musée canadien de l’immigration du Quai 21, 19 octobre 2020, https://quai21.ca/blog/jraska/desirables-indesirables-le-canada-et-la-reinstallation-de-refugies-chiliens-indochinois.
  12. Raska, « 1973 : La réponse du Canada face aux réfugiés chiliens ».