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(Traduit d'anglais)
J’ai entendu la nouvelle en mai 2012. J’avais 10 jours pour mettre fin aux 10 dernières années de ma vie. Je déménageais une fois de plus, mais cette fois tout était différent.
À l’âge de huit ans, ma mère m’a emmené au clair de lune jusqu’au port de Kismayo. Elle m’a monté à bord d’un bateau, en sachant que plusieurs autres bateaux avaient déjà disparu en mer, mais elle voulait me sauver. Elle avait confiance au sort et croyait que je serais un des chanceux qui réussiraient. Finalement, nous avons atteint le port de Mombasa. Les gardes côtiers kényans refusaient de laisser le bateau accoster car le Kenya débordait de réfugiés. Nous sommes restés des semaines à bord de ce bateau avant qu’on nous laisse finalement accoster.
Jeune garçon, j’ai vécu dans un camp de réfugiés. Nous jouions au soccer dans un terrain vague avec des ballons faits de chaussettes et de journaux. Je me souviens d’avoir dû économiser des sous et supplier les plus grands garçons du camp pour aller avec eux au cinéma voir ma première Coupe du Monde. Mais c’était une période très effrayante aussi, comme la fois où un incendie a débuté dans un secteur pour s’étendre au suivant. Pendant que les adultes s’affairaient à éteindre les flammes, les enfants cherchaient des pièces de monnaie dans les cendres. Quand le camp fut fermé à coup de bulldozeur, on m’a fait passer illégalement la frontière vers l’Éthiopie.
Dans ce nouveau pays, j’ai été en mesure de commencer ma scolarité officielle. J’étais très nerveux, mais j’aimais apprendre et j’avais de nombreux amis. J’avais beaucoup d’espoir car je savais que l’éducation pouvait m’amener loin et que j’avais finalement la chance de m’instruire. Pendant ma 9e année, il y a eu un soulèvement d’étudiants en Éthiopie. Plusieurs étrangers étaient inquiets de l’instabilité et ma tante m’a invité à la rejoindre en Égypte.
J’ai terminé l’école secondaire en Égypte et j’étais de la première cohorte de l’Université du Cap Breton du campus du Collège canadien international du Caire. J’ai obtenu mon baccalauréat; j’étais le premier membre de ma famille à le faire. J’étais loin de me douter que quelques années plus tard, je vivrais au pays d’où provenait mon diplôme. Pendant que je travaillais auprès des réfugiés et des demandeurs d’asile, j’ai découvert que je pouvais faire une demande de commandite privée au Canada avec le soutien d’un parent dans ce pays. Ma demande était en traitement lorsque le printemps arabe a éclaté. L’insécurité était à son summum; les organisations militaires égyptiennes harcelaient les organismes comme celui pour lequel je travaillais et qui recevait des fonds internationaux. Cette situation a accéléré ma demande et peu de temps après, j’étais en route vers le Canada.
Je suis en quelque sorte la somme de tous les pays où j’ai demeuré. J’ai considéré chacun de ces endroits comme ma patrie, mais le Canada est différent : grâce au statut qu’il m’a donné, pour la première fois, j’y ai un sentiment de permanence.