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(Traduit d'anglais)
C’est par une belle journée ensoleillée qu’un homme en sandales a changé ma vie : c’était un gardien de la révolution et il est venu à notre porte. Moi, j’étais une bahá’íe et ce n’était pas la bonne religion à embrasser à ce moment-là dans l’Iran de 1983. En une seule journée, le tribunal révolutionnaire a conclu que j’étais une hérétique, tout comme mes parents l’étaient eux aussi. Pour mes grands-parents, c’était encore pire parce qu’ils s’étaient convertis de l’Islam à la foi bahá'íe. J’ai quitté la Cour cet après-midi là, j’ai emballé mon petit sac à dos et j’ai pris la route en direction du… salut par l’immigration. Je suis partie vers l’inconnu et non pas par choix, mais bien par force.
La seule chose que j’avais avec moi était ma conviction et une série de réalisations et d’expériences de la vie que je croyais faire de moi ce que je suis, et naïvement, qui me protégeraient moi-même et ma fierté. Mais mon véritable moi-même se cachait quelque part parmi ces couches de pelure.
La première couche de mon ego a été pelée quand le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés m’a reconnue comme apatride. Voyez-vous, je tirais une fierté d’être membre de l’État-nation auquel j’appartenais. J’étais une fière Iranienne.
La seconde couche de pelure est partie quand je suis arrivée au Canada et j’ai réalisé que je ne pouvais pas parler avec autant d’éloquence que dans ma langue maternelle. Voyez-vous, je pouvais convaincre les gens par ma parole, dans ma langue. Woody Allen disait : « J’étais le Hemingway de la connerie ». Je dirais une oratrice naturelle.
La troisième pelure a été arrachée quand toutes mes réalisations académiques se sont avérées inutiles et que je devais recommencer à zéro. Voyez-vous, j’étais fière de détenir un doctorat et de me faire appeler Dr. Roya.
La quatrième couche a été pelée lorsque même en détenant un diplôme canadien, je décrochais des emplois bien inférieurs à mes collègues d’origine canadienne. Voyez-vous, j’ai obtenu deux diplômes d’universités canadiennes parmi les mieux cotées du Magazine Maclean’s.
La dernière couche à avoir été pelée, c’est quand j’ai perdu ma santé face au cancer. C’est à ce moment que j’ai compris que le cœur qui me lie à l’humanité est maintenant à nu et que toutes les pelures de mon égo sont parties.
J’ai encore mes moments de désespoir et de colère… À propos des persécutions qui font de nous des sans-abri, des politiques mal avisées qui nous dépouillent de notre productivité réelle et de nos possibilités de contribuer et surtout, toute cette injustice, qu’elle soit planifiée ou non. Quand je pense aux raisons qui m’ont pelée… Mais il ne s’agit plus simplement de moi, il s’agit de nous tous.
Je sais combien toutes ces choses matérielles dont nous tirons notre fierté ne sont que transitoires et futiles. Si on est chanceux, on vivra l’expérience de se faire peler… et notre âme n’en ressortira que plus jeune et dynamique, sans attachement à quoi que ce soit d’éphémère.
Merci à l’immigration de m’avoir pelée de mon égo jusqu’au cœur et de m’avoir connectée à l’humanité.