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(Traduit d'anglais)
M’y voilà enfin… en visite dans mon pays natal, 23 ans plus tard. Je suis née et j’ai grandi en Allemagne. En Allemagne de l’Est, pour être plus précise. L’Allemagne était séparée depuis 40 ans, et j’ai grandi dans sa partie socialiste. Cette partie était la seule que je connaissais. Nous n’étions pas autorisés à sortir de la RDA. Pour moi, c’était bien correct parce que je croyais que cette vie était la meilleure vie que je puisse avoir. Je ne pouvais pas imaginer l’extérieur de la boîte, parce que je ne pensais même pas que j’étais à l’intérieur de la boîte. Je ne voyais pas les maisons endommagées, ou les routes mal entretenues, parce que je ne savais pas faire la différence.
J’ai donné naissance à mon fils Johannes en mars 1984 et ma vie n’en a été que meilleure, bien que le père de mon fils, lui, avait une toute autre attitude. Il voulait quitter le pays, disait-il, il s’en irait au Canada. Et c’est ce qu’il a fait. Moi, je suis restée derrière.
À l’été 1989, de plus en plus de gens s’échappaient de l’Allemagne de l’Est vers celle de l’Ouest, en passant pas la frontière de la Hongrie et celle de la Tchécoslovaquie. J’ai donc suivi mon mari avec notre fils de cinq ans et nous sommes arrivés au Yukon en décembre de la même année. Lorsque le Mur (de Berlin) est tombé, j’étais assise dans une petite cabane, sans eau courante ni télévision, incapable de parler ou de comprendre l’anglais. Dans ma patrie, on fêtait l’Allemagne réunifiée. J’étais tellement heureuse pour mon peuple, mais en même temps tellement triste, parce que je n’étais pas en mesure de célébrer avec eux. Je me sentais comme si j’avais raté la plus grande célébration de l’histoire.
L’incapacité de travailler dans ma profession d’infirmière me rendait bien malheureuse. Et divorcer après seulement six ans d’union me faisait sentir comme une perdante. Mais avec beaucoup de soutien des gens d’ici au Yukon, j’ai recommencé à croire en moi. J’ai appris à devenir éducatrice professionnelle pour enfant et après quelques années, j’ai décidé de revenir aux soins infirmiers. Il était possible pour moi d’étudier, de travailler et d’élever mes enfants par moi-même. Mes deux enfants sont devenus des personnes merveilleuses, bien éduquées et humbles.
Marchant dans les rues de ma ville natale de Leipzig, en juillet 2012 : Je me sens comme dans une machine à remonter le temps et perdue. C’est comme si la ville avait revêtu une magnifique robe. Mais où est donc mon ancienne maison ? Pourtant, je me sens fière. Fière de mon « volks » (peuple) allemand. La reconstruction de la ville l’a transformée en une œuvre d’une grande beauté, qui avait été cachée pendant 40 ans. J’étais étonnée par la transformation. Et je me rends compte que je suis moi-même passée par une transformation. Je crois que je suis toujours profondément allemande dans mon cœur, mais le fait de vivre ici au Canada pendant 23 ans a fait de moi cette personne que je suis aujourd’hui.