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(Traduit d'anglais)
Il était deux heures du matin. Notre famille a été brutalement réveillée par deux soldats russes armés de fusils qui nous ont dit d’emballer quelques choses… que nous reviendrions dans quelques jours. On nous a tous embarqués dans des wagons couverts, des centaines d’entre nous, et nous avons voyagé en train jusqu’à Archangel, en Sibérie, à 2 000 km de la maison. Les conditions étaient très mauvaises. Si quelqu’un mourait, les soldats jetaient le corps hors du train.
J’avais le choix : l’école ou la prison. Bien sûr, j’ai choisi l’école, mais ça n’a pas duré longtemps. Notre professeur de langue nous a dit : « il n’y a pas de Dieu ». J’étais tellement en colère que je me suis levée et j’ai crié : « Oui, il y en a un, sinon, nous ne serions pas en vie aujourd’hui. » Les Russes m’ont forcée à retourner au travail dans les camps forestier, mais j’ai refusé et j’ai été mise en prison. Trois jours plus tard, on m’a laissée sortir pour m’occuper de mes frères et sœurs. Durant les six mois suivants, j’ai passé plus de temps en prison pour vol de nourriture dans les champs du gouvernement, pour que nous puissions survivre.
Un an et demi plus tard, les Polonais qui avaient été envoyés en Sibérie ont été amnistiés. Mon père et mon frère se sont enrôlés dans l’armée polonaise. Cela a rendu ma mère très heureuse car à partir de là, ils ne crèveraient plus de faim. Maintenant, c’était juste ma mère, ma sœur et moi. Une fois de plus, on nous a embarquées dans des wagons couverts, en direction du Sud. Il a fallu près d’un an. Beaucoup de gens sont morts de faim et de la fièvre typhoïde. En février 1942, nous sommes arrivées à Tengaru, dans la province de Tenganika – aujourd’hui la Tanzanie - où nous avons vécu pendant cinq ans et demi. Pour la première fois, nos émotions sont passées de la colère au bonheur. Ces années ont été bonnes.
Le mot courait que ma mère, ma sœur et moi allions voyager vers l’Angleterre pour retrouver notre père et notre frère qui y étaient stationnés avec l’armée polonaise. Cela faisait six ans que nous les avions vus après avoir quitté la Sibérie, et nous étions tous heureux d’être réunis. C’est là que ma sœur et moi avons rencontré nos futurs maris.
Mon oncle vivait à Soo depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il a préparé les papiers pour nous permettre de venir au Canada. Nous avons fait nos adieux et nous sommes embarquées pour le Canada, dans l’espoir d’y commencer une nouvelle, une meilleure vie. Nous avons navigué jusqu’à Halifax sur l’Aquatania, puis avons voyagé en train jusqu’à Montréal pour enfin arriver à Soo au début de 1949. Trouver du travail était très difficile parce que nous ne parlions pas anglais, mais nous avons finalement déniché un emploi comme femmes de ménage dans une maison privée. Nous avons été en mesure de parrainer nos futurs époux, et quand ils sont arrivés, nous nous sommes mariés.
Après quelques années de difficulté à trouver du travail, à apprendre la langue et à construire une maison, nous avons eu deux filles et deux garçons. Nous avons eu une belle vie ensemble et j’en remercie Dieu. Mon mari est décédé il y a 10 ans et les gens me demandent : « N’avez-vous pas peur de vivre seule dans cette grande maison ? » Ma réponse est : « Lisez mon histoire. »