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(Traduit d'anglais)
Tu sais, quand on travaille, la vie est si prenante qu’on n’a pas le temps de réfléchir. Mais une fois à la retraite, on a tout notre temps. En ce moment, je ne sais qu’en faire. Je n’ai pas de projets, pas d’échéances, pas d’endroit où aller. Je dois faire quelque chose avec tout mon esprit, mais on dirait que celui-ci s’est retiré ailleurs.
J’ai travaillé à l’Église Unie du Canada et j’ai fait beaucoup de formations sur le leadership féminin et les relations interculturelles. L’événement le plus important que j’ai organisé se nommait Le son du bambou, et rassemblait des femmes de différentes origines ethniques de tout le Canada. Lorsqu’elles émigrent, les femmes changent. D’intelligentes et éduquées qu’elles étaient, elles se sentent devenues quantités négligeables. Je le sais car je l’ai vécu. Nous avons partagé nos histoires et cela nous a guéries, émotivement et mentalement.
Malgré tout, tandis que je soutenais tant de femmes, je n’ai pas pris le temps de me soigner moi-même. Quand ma mère est morte, le jour suivant l’inhumation, je devais emmener 30 Canadiennes en Corée. Deux semaines durant, j’ai fait parfaitement mon travail. Mais, comme je devais masquer mes sentiments, mon cœur était comme congelé. J’ai pris ma retraite quelques mois plus tard. Et là, j’ai eu trop de temps pour réfléchir. Je retournais sans cesse en arrière.
Mon père, parce qu’il était le fils d’un propriétaire foncier, a été arrêté et emprisonné. Lui et son père ont été jugés par les fermiers de leurs terres. Mon père a tenté de fuir vers le sud, mais il a été repris, emprisonné et torturé. Ces événements l’ont marqué pour la vie, aux plans physique, mental et spirituel. Même alors que nous étions en sécurité en Corée du Sud, il craignait toujours une nouvelle invasion de la Corée du Nord. Alors, dès la fin de leur université, il a envoyé tous ses enfants en Amérique du Nord. Une fois tous les enfants partis, mes parents sont venus me rejoindre au Canada.
Comme nous vivions dans le même immeuble de condos, nos portes étaient toujours ouvertes les uns pour les autres. J’ai été privilégiée de vivre si près de mes parents durant 20 ans. Je me rappelle les BBQ de fin de semaine, nos voyages aux États-Unis pour visiter mes frères, et mon père qui ronflait dans la fourgonnette. Mon père avait dit à ses six enfants qu’on se rencontrerait chaque année à son anniversaire, jusqu’à sa mort. C’était un legs.
J’ai eu trois ans, maintenant, pour dire adieu à mes parents. Je leur dois de franchir pour moi-même la prochaine étape. Vendredi prochain, je vais rencontrer des femmes du bambou pour voir si nous ne pourrions pas retisser des liens. C’est notre première réunion depuis trois ans. Cette fois, je vais passer le flambeau à une jeune, mais je vais demeurer engagée. C’est mon dernier chapitre, et j’y avancerai avec beaucoup d’espoir.
Le bambou est creux en son centre, mais quand on en rassemble plusieurs, ils deviennent très forts et résistants.