Zbigniew et Stefania Sauter

Le Quai 21 occupe une place bien spéciale dans mes souvenirs et dans mon cœur. Voici une version abrégée de mon histoire

Le début de la Seconde Guerre mondiale a changé à jamais la vie heureuse et paisible de ma famille dans notre Pologne bien aimée. Du jour au lendemain, nos rêves ont volé en éclats quand mon père, âgé de 43 ans seulement, a été tué dans les combats à Varsovie. Nous avons aussi perdu notre maison, tous nos biens, mais, le pire de tout, nous avons perdu notre précieuse liberté. Ma famille a été séparée et nous n'avons jamais plus eu la chance d'être ensemble. J'ai passé cinq années horribles dans mon pays à vivre continuellement, chaque jour, dans la peur et l'incertitude.

Peu avant la fin de la guerre, je me suis retrouvée en Allemagne contre mon gré. La fin de la guerre n'a pas redonné la liberté à mon pays comme je l'espérais. J'ai choisi d'attendre avant de décider de ce que je ferais et je suis allée dans un camp de réfugiés polonais. C'est au camp que j'ai rencontré l'homme que j'allais épouser. Il s'appelait Zbigniew Sauter et il était originaire de Varsovie. Il est arrivé au camp un jour après avoir été libéré depuis peu d'une prison politique.

Quelques mois plus tard, notre mariage était célébré dans une petite chapelle du camp. Ensemble, nous avons conclu que de retourner dans notre pays dans les circonstances existantes à l'époque n'était pas une bonne idée et qu'émigrer était la solution pour nous. Après avoir attendu impatiemment pendant trois longues années, notre rêve est devenu réalité quand le Canada nous a ouvert ses portes ainsi qu'à beaucoup d'autres réfugiés comme nous. Soulagés et pleins d'espoir, nous avons quitté l'Allemagne du port du Bremerhaven à bord du SS Marine Shark, le 9 juin 1948. Nous sommes arrivés au Quai 21, à Halifax, le 19 juin. Notre destination suivante était la belle ville de Montréal.

À Montréal, nous avons commencé notre nouvelle vie, une vie paisible et libre. Nous pouvions acheter les produits alimentaires que nous voulions, même chose pour les vêtements, les appareils ménagers, les meubles. Peu après, notre fils Andrew est né, suivi de près par un autre fils, Charles. Heureusement, nos garçons ont eu la chance d'étudier et tous les deux ont obtenu un diplôme en ingénierie de l'Université Sir George Williams à Montréal. Aujourd'hui, mes deux fils sont heureux et ils ont une vie professionnelle satisfaisante à Toronto.

Le moment le plus douloureux dans nos vies a été la mort soudaine de mon mari, Zbigniew, le 26 novembre 1967 à l'âge de 56 ans. Il a été victime d'une crise cardiaque foudroyante, une tragédie qui a beaucoup marqué notre famille. Mes fils et moi avons dû être forts et nous aider les uns les autres pour passer à travers ces temps difficiles.

Après cinquante ans à Montréal et après avoir pris ma retraite de la Compagnie de la Baie d'Hudson, j'ai déménagé à Ajax en Ontario pour être près de mes fils. Je suis reconnaissante d'avoir eu le privilège de survivre à des temps difficiles et maintenant, je vis une vie tranquille et paisible. Je retire beaucoup de satisfaction de voir tout ce que mes fils ont accompli pour eux-mêmes et leurs enfants. Je serai toujours reconnaissante au Canada pour sa générosité et son merveilleux cadeau qu'est la liberté.

Stefania Sauter