La famille David E. et Regina Hartman

Mur d'honneur de Sobey

Colonne
55

Rangée
15

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David E. and Regina Hartman Family

Je m’appelle Lillian Alton, je suis la troisième fille de David et Regina Hartman et la première née au Canada ! Maman était enceinte de moi, de quatre mois et demi, quand ils ont quitté Rotterdam, aux Pays-Bas. Après deux semaines de traversée, ils ont accosté à Halifax, au Quai 21. Ils avaient deux autres filles, Wallentina et Olga (Wally, qu’on appelle Willa, et Lola), qui avaient trois et presque 2 ans à ce moment-là. Je suis née à Edmonton, en Alberta, exactement quatre mois plus tard, le 16 décembre 1928.

Maman et Papa sont aujourd’hui décédés, mais la raison pour laquelle ils sont venus au Canada, c’était la recherche d’une vie meilleure (qu’ils ont eue et nous, leurs enfants, l’avons eue aussi). La raison pour laquelle ils ont émigré était la persécution religieuse en Russie. Mon père était un prêtre laïc dans l’église baptiste et avait aidé à construire une église en Volynie. Ils ont choisi le pays où émigrer en tirant au sort son nom dans un bol (trois pays avaient été choisis : l’Amérique, l’Amérique du Sud et le Canada). Le Canada a gagné, trois fois de suite ! En venant ici, ils ont dit qu’ils élèveraient leurs enfants comme de vrais Canadiens, ce qu’ils ont fait.

Leurs familles étaient, à l’origine, parties d’Allemagne pour la Russie à l’époque de la Grande Catherine. La famille de ma mère était des ministres luthériens, dont le fils ainé entrait toujours dans cette profession, de génération en génération, de cette époque jusqu’en 1910 quand ils se sont convertis au Baptisme. Catherine, qui venait d’Autriche, avait demandé à des professionnels d’aider à peupler la Russie. Bien qu’elle ait fait venir des paysans allemands, elle voulait également que des professionnels y émigrent parce qu’elle essayait de faire entrer le peuple dans la modernité de ce temps-là. On appelait ces Allemands les Volga Deutsch (Allemands de la Volga) et on peut encore trouver de leurs ancêtres en Russie. Même s’ils y ont vécu pendant 200 ans environ, ils ne sont jamais devenus citoyens russes. Pour cette raison, quand mes parents sont arrivés à Rotterdam, le Consulat canadien n’a pas accepté leurs papiers russes et mon père a dû aller à Berlin, en Allemagne, chercher un vrai passeport allemand. Il est parti en laissant ma mère enceinte seule à Rotterdam avec deux jeunes enfants, mes sœurs. Il est revenu juste à temps, pour embarquer sur le Veendam, le jour du départ, un mardi. Ils sont arrivés au Canada avec 400 $ (ce qui, apparemment, était une somme royale à cette époque !)

Ils ont pris le train pour Winnipeg et ont été accueillis par un ministre baptiste qui avait parrainé mon père… mais Papa avait été envoyé à Edmonton, en Alberta, où il a ouvert une épicerie. Son rêve de toujours était d’avoir un moulin (comme son père en avait eu un en Allemagne et en Russie). Quand un moulin a été en vente en 1934 à Westlock, en Alberta (au nord d’Edmonton), il l’a acheté, mais à cause de la dépression, de trois ans de sécheresse et de trois ans de gel précoce, il a tout perdu et on a été mis à la rue par la femme à qui il achetait le moulin. Un père, une mère et maintenant cinq petits enfants : Wally/Willa, Lola, Lydia (Lillian), Evelyn et David Jr., qui avaient 13, 12, 10, 7, et 4 ans. C’était en 1939 et c’est en septembre de cette année-là que la deuxième guerre mondiale a commencé !

Mon père nous a fait déménager à Vernon, en Colombie-Britannique, pour trois ans environ. Il est entré dans l’armée et en 1942, nous a fait déménager à Toronto. Après la guerre, il a lancé sa propre affaire : une fabrique de glissoires pour les rallonges de la toute dernière nouveauté en termes de meubles : les tables en chrome ; il produisait aussi les équerres qui fixaient fermement les pieds des tables de mobilier en chrome (il avait, à ce moment-là, sept brevets). Il était prospère mais en 1959-1960, il a dû vendre l’entreprise à cause de problèmes de santé. (L’entreprise est toujours, au jour d’aujourd’hui, une entité viable). Il avait, à l’époque, 59 ans, mais il a vécu jusqu’à 91 ans et 8 mois ! Ma mère, Regina, a été tuée dans un accident d’auto juste avant son 69ième anniversaire, en 1969. Le plus jeune des enfants, mon seul frère, était propriétaire avec son fils aîné, Steven, d’une société prospère à Brampton, en Ontario. Il est décédé en 2002. Ma sœur aînée, Willa, est aussi décédée, six semaines après lui. Nous sommes encore trois sœurs en vie : moi, à Peterborough, et deux à Toronto. Nous avons eu une bonne vie ici et remercions Dieu que nos parents soient venus dans ce pays. Quand mon mari et moi sommes allés visiter le Quai 21 en 2000 et avons fait mettre leurs noms sur le Mur d’Honneur Sobey, j’étais si émue que j’en ai pleuré en traversant les portes originelles par où mes parents et mes sœurs sont entrés il y a tant d’années. (Bien sûr, je suppose que je les avais traversées moi aussi, même si je n’étais pas encore née !)