Mur d'honneur de Sobey
Colonne
93
Rangée
14
Histoire d’immigration de la famille Stuhm
Mon père Karl et ma mère Leni étaient fermiers en Allemagne de l’Est dans un petit village du nom de Prislich ( Landkreis Ludwigslust dans le länder de Mecklenburg). Les temps étaient très durs car les Russes qui dirigeaient l’Allemagne de l’Est prélevaient de très hauts quotas de céréales et de bétail des fermiers. Mon père était un de ces fermiers. Mon père résistait à ce qui lui semblait une pratique hautement inique et injuste. Il était difficile de fournir ces prélèvements et de faire vivre sa famille. Il fut bientôt en conflit ouvert avec les dirigeants et nous révéla plus tard à nous, ses enfants, que le jour suivant, il allait être jeté en prison. Au milieu de la nuit, mon père, ma mère, mon jeune frère et moi avons fuit notre village, pris un train de nuit pour Berlin-Est et sommes devenus des réfugiés. Notre séjour à Berlin-Est s’est prolongé plusieurs mois plus longtemps que mes parents ne l’avaient prévu parce que j’avais contracté la scarlatine et dû être hospitalisée pendant plusieurs mois. Pendant presque tout ce temps, j’étais en quarantaine et je me rappelle que papa et maman venaient me visiter. Je pouvais les voir à travers une vitre mais tout contact était interdit. Ma mère me dit, quelques années plus tard, qu’elle apportait du lait pour moi à l’hôpital. En Allemagne de l’Est, ma famille et moi avons été traités comme des réfugiés et avons vécu dans des camps pour réfugiés. De là, nous nous sommes envolés vers l’Allemagne de l’Ouest et nous sommes demeurés un certain temps avec des parents dans le sud de l’Allemagne, dans la région de Bodensee. . .
Mon père étant compagnon maçon en plus d’être fermier cherchait du travail et nous avons déménagé dans le petit village de Neuenhaus, près de la ville de Stuttgart. Nous avons vécu là environ deux ans, et ma sœur et mon frère aînés de Prislich sont venus nous rejoindre. Ces années-là, au début des années 1950, l’économie allemande se relevait lentement de la guerre. Mon père n’y voyait pas beaucoup de perspectives d’avenir pour lui et notre famille, et il finit par décider qu’il était préférable d’émigrer pour commencer une nouvelle vie. Son premier choix était l’Australie, mais cela ne fonctionnant pas, alors il fit une demande pour immigrer au Canada. Le Canada accepta mon père comme immigrant et, en juillet 1954, il prit un train de Neuenhaus vers Bremenhaven, en Allemagne, où il prit la mer vers Halifax à bord du M.S. « Arosa Star ». Mon plus jeune frère, Klaus, était né en avril 1954 et ma mère, mon frère Karl et moi sommes restés en Allemagne jusqu’à l’année suivante, 1955.
En mars 1955, ma mère, mes deux frères et moi nous embarquions pour la traversée entre Bremenhaven et Halifax à bord du « TSS, Neptunia ». De Halifax, nous avons fait le long voyage, traversant la Nouvelle-Écosse, le Québec et l’Ontario vers Mather, au Manitoba, où mon père travaillait comme travailleur agricole pour M. Bill Janzen. Ma mère, mes frères et moi avons fait la traversée des prairies en mars et ma mère était effrayée en voyant les immenses amoncellements de neige recouvrant encore la terre à cette période de l’année. Nous sommes demeurés peu de temps à Mather au Manitoba, le temps que mon père complète son apprentissage de l’anglais et économise un peu d’argent. Mon père a construit alors une petite roulotte et nous avons poursuivi notre route vers Brandon, au Manitoba, où mon père a trouvé un emploi de maçon. Il a aussi acheté un petit lopin de terre au 908 Fredrick Street. Nous y avons vécu tout un hiver, pendant que mon père amassait les matériaux pour nous bâtir une maison. Il a coulé lui-même ses fondations et nous avons eu bientôt une belle maison pour y vivre. Nous avons d’abord vécu dans le sous-sol, puis, lorsque le rez-de-chaussée a été complété, nous avons occupé le reste de la maison.
À Brandon, mon frère Karl et moi avons commencé l’école. J’ai recommencé en première année, parce que j’étais toujours à apprendre l’anglais, mais je progressais rapidement vers la 2e et 3e année. À Brandon, nous avons recréé une vie de famille normale, après des années de bouleversements. Mes deux jeunes sœurs, Doris et Karin, nées à Brandon, ont été les deux premières citoyennes canadiennes de notre famille. Mon frère Karl et moi allions à l’école, nous nous sommes fait des amis et nous sommes intégrés à la communauté. Même si la famille s’était épanouie à Brandon, mon père était toujours attiré par la terre et en 1959 notre famille a déménagé de nouveau cette fois sur une terre cultivable près du village de Glenella, au Manitoba. Mon père a racheté graduellement plus de terre et, de 1959 à 1971 créé une exploitation agricole mixte comprenant des vaches, des porcs, des dindes et des céréales et a travaillé aussi à l’extérieur pour ajouter aux revenus de la ferme, jusqu’à sa mort en 1971.
Aujourd’hui, mon frère Karl vit toujours sur la ferme d’origine où il possède une grosse exploitation bovine ainsi que plusieurs autres sections dont mon père n’avait même pas rêvé quand nous nous y sommes installés. Ma sœur Doris et son mari Barry et leur famille gèrent une grosse exploitation bovine dans la région des monts Riding. Mon frère Klaus est mécanicien de machinerie lourde et travaille dans les mines près du Lac Dubonnet. Ma plus jeune sœur Karin vit à McCreary au Manitoba et je vis à Regina, en Saskatchewan travaillant comme consultante en comportement. Ma mère Leni a vécu dans le village de McCreary de 1977, lorsque mon frère Karl s’est marié, jusqu’à sa mort en 2003. Les petits enfants de mon père vivent dans la région de McCreary ainsi qu’à Winnipeg, Brandon, Calgary et Red Deer en Alberta. En avril 2005 est né le plus jeune membre de notre famille canadienne, un arrière-petit-fils, Michael. Le Canada est notre patrie et nous sommes de fiers Canadiens.
Écrit par
Gisela Stuhm
Au nom de mes frères Karl et Klaus
Et de mes sœurs Doris et Karin
Et de mes père et mère
Karl et Leni Stuhm
Le 24 novembre 2005
Régina, Saskatchewan