John Hughes

Mur d'honneur de Sobey

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15

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16

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John Hughes

Né le 23 avril 1929 à Byker, Newcastle-Upon-Tyne en Angleterre C.O.R.B. 1824

À la fin de l'été 1939, ma mère, ma sœur et moi avons été évacués de notre village de Newcastle-Upon-Tyne vers le village d'Embleton dans le Northumberland. Nous sommes rentrés quelques mois plus tard : l'invasion attendue n’avait pas eu lieu.

L'idée d'une évacuation vers l'outre-mer a été envisagée en 1939, en utilisant des navires qui viendraient approvisionner les Britanniques et les troupes d'Amérique du Nord en nourriture et en équipement. Cela permettrait de soutenir l'évacuation privée des enfants des classes moyennes.

Le Conseil de guerre a présenté et discuté le rapport sur la réception d'enfants outre-mer le 17 juin 1940, le jour où l'armée française a capitulé. On ne savait pas si le projet se concrétiserait mais l'arrangement a été approuvé par le conseil le même jour. M. Atlee a présenté le projet « Children's Overseas Reception Board » (C.O.R.B.) à la Chambre des communes le 19 juin 1940.

Le 20 juin 1940, le C.O.R.B. a ouvert ses portes au siège principal récemment acquis de Berkeley Street. En 10 jours, 40 000 demandes ont été reçues et au bout de 14 jours, le nombre s'élevait à plus de 211 000, ce qui était à peu près la moitié du nombre d'enfants admissibles. Moins d'un mois plus tard, le premier groupe d'enfants partait pour le Canada depuis le port de Liverpool.

Le 21 juin 1940, le Premier Ministre Winston Churchill a eu des doutes quant au projet C.O.R.B., disant que la réaction du public sentait la panique. Le Conseil de guerre a décidé d'adopter une politique de modération visant à freiner l'hystérie déclenchée par le projet, en soulignant les risques impliqués, les difficultés du transport et la nécessité de n'accepter qu'un petit nombre d'enfants. Les dangers présentés en mer par les avions et les sous-marins contrebalançaient les menaces d'invasion et d'attaques aériennes.

Le Conseil, le 1er juillet 1940, a décidé que le C.O.R.B. devrait fermer ses listes de demande au public. Sir Geoffrey Shakespeare, qui était tout d'abord contre le projet, a présenté un résumé de la situation à la Chambre des communes pour en débattre le jour suivant. Avec le manque de navires de guerre et le nombre insuffisant de bateaux pour protéger les navires d'évacués, le projet semblait condamné, mais Sir Geoffrey a convaincu la Chambre des communes que l'évacuation devait avoir lieu.

Trois mille cent dix neuf (3119) enfants seulement ont été acceptés et, de ceux-là, environ 1600 sont partis au Canada dont 149 en Nouvelle-Écosse. Le 3 juillet 1940, certains parents avaient été informés que leurs enfants étaient provisoirement acceptés. À peu près la moitié des évacués C.O.R.B. sont partis à l'étranger sans voir eu l’occasion d’en parler avec leurs parents au préalable.

Après le retour à Newcastle en revenant de Embleton, j'allais à l’école Victoria Jubilee où notre professeur nous a parlé du projet C.O.R.B. et nous a montré les affiches touristiques des pays vers lesquels nous pourrions être évacués. Celle du Canada, avec un gendarme de la police montée sur un cheval noir, dans un champ de blé avec les Rocheuses dans le fond, a attiré mon attention. J'ai emporté un formulaire de demande et ai dit à ma mère que je voulais aller au Canada, ce à quoi elle a consenti à cause des dangers qui planaient sur nos têtes. Peu après, une lettre nous annonçait que j'avais été accepté pour l'évacuation étrangère, mais qu'il ne fallait en parler à personne. Plus tard, une lettre précisait ce que nous devrions emporter comme vêtements, etc. et les provisions pour le voyage en train jusqu'au port d'embarquement. Il y avait aussi un document qui devait être signé par mes parents et renvoyé au C.O.R.B., les dégageant de toute responsabilité.

Tout devait être prêt pour le moment où l'ordre viendrait de se rendre à la gare, ce qui est arrivé au début du mois d'août 1940. Quand je suis parti pour Glasgow depuis la gare centrale, j'étais d'humeur aventureuse mais cela a rapidement changé quand le train a démarré et que j'ai laissé ma famille derrière moi. À Glasgow, nous avons été logés à l'école Albert Street, endroit que j'ai vraiment détesté parce que les installations sanitaires étaient médiocres et que les couvertures de nos lits de camp étaient en laine grise qui grattait. Mes parents me manquaient terriblement et je voulais presque rentrer à la maison.

Après de nombreux examens médicaux et dentaires, le moment est venu de partir en autobus pour Greenock et d'embarquer sur le Duchess of York. Nous avons pris la mer le 10 août 1940 dans le convoi ZA qui comprenait aussi l'Oronsay, l'Antonia, un total de 1131 évacués et plusieurs autres navires. Six destroyers et le cuirassé HMS Revenge faisaient partie de notre escorte. Trois autres paquebots étaient aussi d'importants transporteurs de troupes et justifiaient cette protection navale exceptionnelle.

À bord du Duchess of York, tout s'est déroulé sans problème : les exercices de sauvetage d'urgence quotidiens, les films, les jeux, plein de bonnes choses à manger (y compris le Bovril quotidien) et les bains dans l'eau salée. La plupart des enfants avaient le mal de mer. Je me souviens encore de l'odeur des émanations de diesel et de celles de la cuisine. Sur le pont je regardais les autres bateaux, surtout l'escorte navale et un autre grand paquebot qui, je pensais, était le Georgic. Un bateau a été coulé mais nous n'avons pas pu nous arrêter pour repêcher les survivants à cause de la présence de presque 500 enfants sur le Duchess of York. Après neuf ou dix jours de mer, nous sommes arrivés à Halifax. Nous avons passé la nuit sur le bateau et je suis resté émerveillé devant les lumières de la ville. Le lendemain, nous avons débarqué au Quai 21, avons traversé le contrôle d'immigration et reçu du chocolat chaud et des biscuits. Halifax semblait tellement vert et tellement propre. Les trains, les voitures et même les gens paraissaient beaucoup plus grands qu'en Angleterre. Les enfants dont la destination finale était ailleurs au Canada ont eu droit à des divertissements pendant que ceux qui restaient en Nouvelle-Écosse attendaient que les hôtes qui leur avaient été désignés viennent les chercher. Certains d’entre nous avons été logés à l’école pour aveugles où on y a subi des examens médicaux supplémentaires. Nous avons joué sur la propriété qui était entourée d’une haute clôture en fer. Les enfants du voisinage faisaient des courses pour nous, allaient nous chercher des barres de chocolat, etc. Les habitants nous offraient des promenades en voiture et à l'une de ces occasions, un certain M. Chappell et son fils m’ont emmené à Dingle. De nombreuses années plus tard, alors que j’étais devenu pharmacien, j'ai travaillé pour M. Chittick dont la fille était mariée à un M. Chappell (peut-être le fils ?).

Enfin, le week-end de la fête du travail, Mabel et Charlie Dodge sont arrivés à l'école pour aveugles et m’ont emmené à leur ferme au nord de Middleton dans la vallée de l'Annapolis. En route, nous nous sommes arrêtés à Kingston chez Vera Marshall (la sœur de Mabel) pour un souper de maïs en épi et de tomates, puis nous sommes repartis vers Middleton. Nous nous sommes arrêtés à la pharmacie Rexall de Mumford pour que Charlie puisse acheter quelques cigarettes (des années plus tard j'ai été apprenti dans le même magasin et il m'a d’ailleurs appartenu de 1970 à1975).

Le lendemain de la fête du travail, j'ai commencé l'école à MacDonald Consolidated en 5e année. J'ai trouvé le travail très facile et à la fin de l'année scolaire je suis passé en 7e année. En tant qu'évacué, les soins médicaux et dentaires étaient gratuits pour moi et j'ai reçu un laissez-passer à la patinoire locale. En 7e année, j'étais le président de la Croix-Rouge junior et j'ai commencé à jouer au hockey le samedi matin et à faire du ski

M. Blois, directeur de la protection de l'enfance de Nouvelle-Écosse, et son assistant Fred MacKinnon, étaient responsables du placement des enfants en Nouvelle-Écosse et ils parcouraient toute la province pour vérifier que tout allait bien pour les évacués et leurs hôtes. En 1941, Sir Geoffrey Shakespeare a rencontré un groupe d'évacués dans le secteur de la Vallée à l'Église Unie de Middleton.

Les troupes britanniques logées à Camp Aldershot venaient à Middleton et dans d’autres villes de la Vallée, invitées par les populations locales. J'ai fait la connaissance de plusieurs d'entre eux et j’appréciais leur compagnie. Greenwood est devenu une base de l'armée de l'air et de nombreux soldats de la Royal Air Force s'y entraînaient sur les différents avions. Les évacués de la Vallée étaient invités aux fêtes de Noël. Nous étions bien nourris et bien entourés et recevions beaucoup de cadeaux. J'ai construit un siège d'observation avec un placard entre la cheminée et le toit du garage et avec mon livre d'identification j'observais et je notais les avions qui passaient au-dessus de nos têtes.

J'ai apprécié les presque cinq années que j'ai passées à Middleton avec les Dodge qui m'ont traité comme leur fils mais quand la guerre s'est terminée, j'avais hâte de retourner à la maison pour revoir ma famille.

Au mois de juillet 1945, je suis monté sur le paquebot Louis Pasteur au Quai 21 avec un certain nombre d'autres enfants qui retournaient au Royaume-Uni. C'était un bon bateau rapide et en quatre jours et demi nous sommes arrivés dans le port de Southampton. En prenant le train pour Londres et l'autobus de Waterloo Station à King's Cross, nous avons vu tous les dommages faits pendant la guerre.

À l'arrivée à Newcastle en train, en approchant de la ville par-dessus la rivière Tyne, la vue était magnifique. L’arrivée à la gare centrale et les retrouvailles avec les membres de la famille qui m'attendaient ont mis fin à cette période de ma vie.

Peu après, il y a eu pour célébrer mon retour une grande fête où j'ai rencontré d'autres membres de la famille et mes anciens amis. Toutefois, beaucoup de mes amis s'étaient éloignés et les choses ne semblaient plus tout à fait les mêmes. La ville, après avoir habité au Canada, paraissait être grise et morne, le rationnement était toujours en vigueur et il y avait peu de possibilités, apparemment, de faire des études supérieures. J'ai travaillé avec mon oncle George dans son entreprise de charbon et j’ai conduit des camions sur de longues distances mais le désir de retourner au Canada ne m'a pas lâché. J'ai écrit aux Dodge pour voir s'ils pouvaient encore m'héberger. Ils n'étaient que trop contents de pouvoir m’offrir leur aide et mes parents, avec regret je pense, ont consenti que ce serait dans mon meilleur intérêt.

Au mois de mars 1947, j'ai pris le train pour Londres, puis le train pour Southampton à Waterloo Station et ai embarqué sur l'Aquitania pour Halifax. Cette fois-ci, je suis arrivé au Quai 21 comme immigrant reçu et avec l'intention de rester.

Je suis retourné à l'école le lendemain et j’y ai terminé mon enseignement secondaire. J’ai participé au théâtre, aux débats, à l’album de l’école et j’ai fait du hockey ; je suis aussi devenu commandant des Cadets royaux de l'Armée canadienne avec un rang de Major.

Après avoir complété le cours élémentaire de pharmacie et travaillé à la pharmacie de Mumford, je suis allé au Maritime College of Pharmacy à Halifax où ai terminé mes études en 1953 avec un diplôme en pharmacie et suis devenu bachelier ès sciences l'année suivante à l'université Dalhousie. Les étés, en tant que membre du C.O.T.C (Canadian Officer’s Training Corp - la Formation du Corps des officiers canadiens) j'ai suivi les entraînements à Valcartier et à la Citadelle de Québec, à Workpoint près de Victoria en Colombie-Britannique et à York Redoubt près de Halifax, recevant mon brevet de l'Artillerie royale canadienne.

En 1954, j'ai épousé Adele Conrad et nous avons 5 enfants et 5 petits-enfants.

Après 26 ans dans la pharmacie de détail, au cours desquels j'ai été propriétaire et exploitant de la pharmacie Mumford à Middleton pendant 5 ans, je suis devenu directeur de la pharmacie au Soldier's Memorial Hospital d'où j'ai pris ma retraite en 1993. J'ai œuvré auprès de la communauté en tant que conseiller municipal pendant 12 ans, président du financement pour l'unité de l'Est de l'Annapolis de la Société canadienne du cancer, participant et solliciteur pour la randonnée en grand vélo (Big Bike Ride) de la Fondation des maladies du cœur, ancien maître de la loge maçonnique, ancien président du club de Shriners Western Valley, ancien président du club de rite écossais de la Vallée et bénévole pour Meals on Wheels.

Ma femme et moi avons voyagé considérablement, surtout depuis la retraite, et chaque fois je suis très heureux quand nous sommes de retour en Nouvelle-Écosse. J'aurai toujours de la gratitude pour le Quai 21, puisque c'est là que je suis entré au Canada la première fois et je me souviendrai toujours des excellentes cérémonies officielles d'ouverture le 1er juillet 1999 et de notre récente réunion d'évacués C. O. R. B. le 16 septembre 2000. Merci !