Jean Allison Bock

Mur d'honneur de Sobey

Colonne
35

Rangée
23

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Jean Allison Bock

Extraits de mon journal

Vendredi 26 avril

Je suis partie de Sheffield à 9 heures. L'Armée canadienne est venue à ma rencontre à Londres et une voiture privée m'a emmenée avec une fille nommée Beatrice jusqu'à l'hôtel. C'était un endroit très agréable, tout près de Hyde Park. Nous avons dormi dans des lits superposés à deux étages avec à peu près deux douzaines d'autres filles, entre autres Margaret qui venait d'Écosse. Nous sommes toutes les trois devenues de grandes amies. Nous nous sommes aussi liées d'amitié avec six Hollandaises et vendredi après-midi nous sommes toutes sorties ensemble. Le vendredi soir, il y avait un spectacle de Cinérama dans le salon. Samedi, on nous a permis de sortir toute la journée jusqu'à 8 heures 30 le soir.

Nous sommes allées avec Beatrice chez sa sœur à Hammersmith. Ensuite nous sommes allées voir Bette Davis dans « The Corn is Green » (le maïs est vert). Après quoi nous avons dîné dans un café et sommes retournées à l'hôtel.

Dimanche 28 avril

Dimanche matin, nous sommes parties de l'hôtel à 12 heures 30 pour aller à Waterloo dans des autocars privés. Nous sommes montées dans le train spécial pour Southampton et une fois obtenu nos passeports et complété d’autres formalités, nous avons pu embarquer sur le bateau. Ce moment-là était passionnant. Je suis montée le long de la passerelle et un employé a pris mon sac et m'a montré ma cabine. J'étais sur le pont A, à côté de la cabine du Commissaire de bord, dans la cabine B. Je la partageais avec douze autres filles. Les lits étaient doux et merveilleux et tout était très propre. J'étais du deuxième service alors je suis descendue avec mes amies au dîner de 7 heures le soir. J'ai choisi de la soupe, du poulet, des pommes de terre et des légumes grillés, de la crème glacée, du thé et une pomme. Ensuite nous nous sommes promenées sur les ponts jusqu'à l'heure du coucher.

Lundi 29 avril

Lundi matin, nous avons été réveillées par une voix venant des haut-parleurs, « 6 heures 30, il est temps de se lever et de se faire belle, allez les filles, sortez du lit ». Nous étions prêtes sur le pont avant 7 heures 30 et notre petit déjeuner était à 9 heures. J'ai choisi des oranges, des flocons de blé, deux œufs, du bacon, du pain grillé et du thé. La nourriture était merveilleuse et le garçon qui servait notre table était très sympathique.

Nous sommes allées sur le pont et avons fait un exercice de sauvetage. Nous avions l'air bizarre. A midi nous avons pris la mer. C'était une expérience merveilleuse. Comme le bateau quittait le port, les filles ont chanté, « There'll Always be an England » (il y aura toujours une Angleterre). Les gens sur les quais nous faisaient signe et nous acclamaient et nous avons fait de même.

La boutique de souvenirs ouvrait à 4 heures et nous avons acheté du Coca-Cola et du chocolat, du dissolvant à vernis, du rouge à lèvres, des mouchoirs, etc. Nous avons encore eu de beaux repas, avec toujours abondance de fruits frais. Le soir, il y avait un chœur populaire.

Mardi 30 avril

La plupart des filles étaient malades et je ne me sentais pas très bien moi-même, mais j'ai réussi à continuer à manger même si je n'ai pris que du pamplemousse et du pain grillé pour le petit déjeuner et des salades froides pour le déjeuner et le dîner. La salle à manger était presque vide à chaque repas. Je suis restée sur le pont toute la journée à prendre l'air frais. Il faisait un temps magnifique.

Mercredi 1 mai

Il restait encore une semaine avant qu’on accoste à Halifax. La plupart des filles étaient très malades et mes amies l'ont été, mais jusque-là, je mangeais beaucoup de bonnes choses. Des oranges, des pêches, des pommes, des œufs : tout ce qu'on pouvait désirer. Tout le monde était très gentil avec nous et les infirmières se rendaient disponibles tout le temps. Le mercredi soir, nous nous sommes assises sur le pont jusqu' à 10 heures, enveloppées dans nos robes de chambre, chantant des chansons. Nous nous sommes bien amusées. Une employée du navire nous a dit qu'une fois en pleine mer sur l'océan Atlantique, ce serait beaucoup plus calme.

Jeudi 2 mai

Nous étions réveillées et sur le pont avant 6 heures 30. Dès 7 heures, c'était beaucoup plus calme et la plupart des filles sont descendues pour le petit déjeuner. J'ai mangé des oranges, des flocons de maïs, deux œufs, du bacon, du pain grillé, de la confiture d'oranges et du thé. Nous sommes remontées directement sur le pont et avons été interviewées par un journaliste. Nos noms allaient être dans les journaux canadiens. Nous nous sommes assises pour faire notre broderie. Nous nous amusions beaucoup. Nous étions maintenant un groupe de huit bonnes amies.

Nous retardions notre horloge d'une demi-heure par jour.

Vendredi 3 mai

Levées tôt une fois de plus. C'était une belle journée chaude et ensoleillée et nous faisions notre broderie toute la journée sur le pont en nous bourrant de fruits et de chocolat.

Samedi 4 mai

Nous avons essuyé un orage ; le bateau se soulevait et plongeait : c'était quelque chose de terrible. Les embruns arrivaient jusqu'au-dessus des ponts. Beaucoup de filles étaient de nouveau malades, mais je me sentais bien et j'ai bien mangé, surtout des pommes.

Dimanche 5 mai

C'était beaucoup plus calme à ce moment-là et le soleil sortait, mais il faisait encore très froid. J'étais sur le pont à sept heures trente. J'ai mangé un bon petit déjeuner : des oranges, des flocons de maïs, deux œufs, du bacon, du pain grillé et du thé.

Ce matin-là, nous sommes allées à la messe. C'était charmant. Nous avons chanté « For Those in Peril on the Sea » (pour ceux qui sont en mer) et « Through All the Changing Scenes of Life » (les différentes scènes de la vie).

Nous avons passé la journée sur le pont. Nous avons mangé de la dinde, de la crème glacée, et ainsi de suite, au dîner. Ensuite, Bebe, Scottie et moi nous sommes lavé les cheveux et sommes allées nous coucher. C'était agréable.

Diana Lamont est née ce jour-là. C'était la première fois qu'un bébé naissait sur le bateau alors évidemment ça a fait du bruit et un fonds a été lancé en son honneur. Mme Lamont était dans ma cabine.

Mardi 7 mai

Le mardi avait été exaltant car nous avons vu la terre. Quand nous sommes entrées dans Halifax, la foule sur le quai poussait des exclamations et les fanfares jouaient « Here Comes the Bride » (marche nuptiale) et l'hymne national canadien « Ô Canada ».

Mes amies, toutes les huit, ont encore eu des entrevues avec la presse et nous avons aussi été prises en photo pour les journaux canadiens. Puis nous avons changé notre argent. Ça alors, qu'est-ce que nous avons ri pour les histoires d'argent !

Mercredi 8 mai

Avec un soldat par fille, nous avons quitté le bateau et sommes montées dans le train, et quels trains : le confort y était merveilleux. J'étais encore avec mes amies. À la gare, avant le départ du train, on nous a donné du lait, du lait délicieux et des biscuits à la crème.

Le premier arrêt était Moncton. Nous sommes sorties chercher des magazines. Il neigeait. Nous avons eu des bananes après le repas, puis au lit. Les lits étaient tout simplement merveilleux.

Jeudi 9 mai

Une belle journée. Nous nous sommes arrêtés 20 minutes à Québec, une belle ville. À sept heures du matin, Betty et moi avons marché le long du quai et on nous a donné des oranges, des noix, de la gomme et du chocolat, le tout gratuit.

L'arrêt suivant était Montréal. Beatrice et Betty nous ont quittées là pour se rendre à Toronto. Nous avions quatre heures à passer à Montréal et on nous a promenées en voiture dans la ville pour voir les attractions puis chez Eaton's, un grand magasin dans lequel nous pensions vivre un rêve. Tout ce qu'on pouvait imaginer s'y trouvait. J'ai acheté entre autres un chemisier, des sous-vêtements, des bigoudis et une chemise de nuit, du parfum, des bonbons et des cartes.

La nuit dernière nous sommes passées par Ottawa, mais je dormais.

J'ai encore posé pour des photos. À l'endroit suivant, nous nous sommes arrêtés 20 minutes, presque tout le monde était de type indien peau-rouge. Nous avons pu nous procurer des bananes et de la crème glacée et c'était reparti pour des heures. Nous avons traversé des forêts qui poussaient le long des voies ferrées et longé de beaux lacs. Le paysage nous semblait sauvage et nous rappelait les histoires que nous avions lues à propos d'Indiens, de grands pins sombres, d'apaisants lacs aux reflets dansants et du gémissant hou! hou! du train dans sa course vers l'ouest, qui nous rapprochait de plus en plus du but de notre voyage.

À dix heures le samedi 11 mai, nous sommes arrivés à Winnipeg. C’est là que nous nous sommes séparées. Mes amies sont allées de leur côté. On m'a dit que mon mari me rencontrerait à 9 heures du soir le dimanche à North Battleford en Saskatchewan. J'étais seule de nouveau.

Je suis allée dans une petite ville de Saskatchewan d'environ 500 âmes. Nous n'y sommes restés que deux ans avant de déménager sur la côte Ouest. Mon mari et moi sommes restés mariés pendant 47 ans, jusqu'à sa mort. J'ai eu de la chance et nous avons été très heureux ensemble. Nous avons trois enfants et six petits-enfants.