Hazel L. West

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War Bride

SOUVENIRS D’UNE ÉPOUSE DE GUERRE – Un « blind date » en pleine Deuxième Guerre mondiale !

NDLT : un « blind date » est un rendez-vous arrangé avec un ou une inconnue.

Je n’étais pas du tout chaude au sujet d’une amie avec qui je travaillais : elle voulait que je l’accompagne pour un « blind date » avec un Canadien en visite à Londres, en Angleterre. Elle avait rencontré un autre pilote canadien et n’avait pas de compagne. J’ai protesté parce que ce genre de rencontre était non seulement réprouvé à l’époque, mais se traduisait généralement par un échec.

Je me souviens avoir protesté de nombreuses fois. Je ne fréquentais personne en raison d’une relation qui avait échoué et je me moquais pas mal du fait qu’un Canadien n’ait pas de compagnie. J’entends encore mon amie me disant : « Oh, allez Hazel. Tu auras à le voir une seule fois. Tu n’auras pas à le revoir. »

J’entends encore mon amie me disant : « Oh, allez Hazel. Tu auras à le voir une seule fois. Tu n’auras pas à le revoir. »

Le lieu de rencontre allait être la Station de métro Piccadilly, au pied de l’horloge. Alors que nous montions dans le long escalier de la station, je me demandais bien dans quelle aventure je m’embarquais.

Ça n’a pas été difficile de repérer les deux pilotes canadiens qui nous attendaient. Mon amie a salué celui qu’elle avait déjà accompagné et je me retrouvai debout devant cet autre homme, un inconnu, prête à rejeter toute avance.

Il faut l’admettre : il paraissait très bien dans son uniforme bleu « Great Coat » de la Force aérienne, avec sa casquette légèrement rabattue sur un œil. On était en octobre et il portait des gants de cuir brun... Je pense qu’on s’est serré la main lors des présentations. La soirée fut un peu guindée car nous sommes allés tous les quatre au cinéma. Je me souviens de très peu de choses de cette soirée, sauf qu’il m’a raccompagnée jusqu’à la maison, à Wembley, qui était à de nombreuses stations du centre de Londres. Mais il a quand même retrouvé son chemin jusqu’au Beaver Club, très tard dans la nuit, où il logeait.

Ce qui m'a vraiment étonnée, c’est qu’il n’ait pas fait de tentative pour me donner un baiser de bonne nuit, une fois à ma porte. Il a simplement dit « Bonne nuit » après s’être entendus pour se revoir, puis il a disparu dans la noirceur. Les nuits étaient très sombres et froides en novembre, avec ses brumes et ses pannes d’électricité, mais quand même… il se rendait à Wembley pour nos rencontres au cours desquelles nous allions dans les salles de cinéma locales. Cela lui occasionnait une longue marche dans les rues de Londres car il ratait à tout coup le dernier train ou bus.

Bientôt, son congé se termina et il retourna à son poste de la Force aérienne à Watchfield, près de Swindon, dans le Wiltshire, où il était instructeur de vol.

Après quelques congés de plus et bon nombre d’aller-retour à travers Londres, j’ai pris des dispositions pour qu’il puisse rester dans un hôtel de Wembley lors de son prochain congé. Cela permettait à nos rencontres de durer plus longtemps. L’hôtel était à quelques pas de ma maison.

Entre ses congés, nous nous écrivions des lettres. Ses congés étaient de plus en plus fréquents durant les mois de décembre et janvier car en ces derniers mois de la guerre, celle-ci devenait moins intense, surtout à la suite du débarquement qui avait eu lieu en juin. On avait peine à croire que les six ans de guerre allaient éventuellement prendre fin, quelques mois après notre mariage, en février 1945.

Je n’avais pas de coupon de rationnement pour une nouvelle robe et je ne connaissais personne qui aurait pu me prêter une robe de mariage. Je me suis donc mariée vêtue de mon achat le plus récent. La très brève cérémonie s’est déroulée dans un bureau d’enregistrement. Après une couple de « oui, je le veux », nous nous sommes retrouvés dans les rues, à nous demander ce qui venait de se passer. J’avais une fille d’honneur et Russell avait Harold Green, un autre instructeur de vol comme témoin. Nous avons eu une belle réception au restaurant Odenino’s, à Piccadilly, puis nous sommes retournés à la maison de ma mère, à Wembley. Notre lune de miel allait venir plus tard.

Le peu de temps que nous avions eu ensemble avait passé si vite puis, il s’en alla sur la côte sud de l’Angleterre, avant d’être envoyé à la maison, au Canada. J’ai réussi à prendre congé de mon travail et le rejoignis pour une semaine à la belle station balnéaire de Paignton, dans le Devonshire, en Angleterre, où nous avons enfin pu vivre notre lune de miel. Quand il fut envoyé chez lui au Canada, je suis devenue une nouvelle mariée… sans mari. Je vivais avec ma mère, comme je l’avais toujours fait et je continuais de travailler… comme je l’avais toujours fait ! C’était une situation plutôt étrange.

Dix longs mois ont passé avant que je ne reçoive le message du gouvernement canadien confirmant que j’allais appareiller sur l’Aquitania, le 24 avril 1946. Il fut très difficile de quitter la maison. Ma mère n’a pas voulu venir à la gare de Waterloo pour les adieux. C’est un ami qui m’y a emmenée.

La pleine réalisation de mon départ de la maison et de la famille est survenue lorsque le navire largua les amarres et qu’il s’éloigna du quai. Pendant un moment, j’ai cru que c’était le quai qui s’éloignait de nous. Mais c’était bien le contraire ! Il y avait des larmes, un peu de joie et quelques doutes.

Mon arrivée au Quai 21, à Halifax, au Canada, en compagnie de milliers d’autres épouses de guerre, fut de très brève durée. Nous avons bien vite été embarquées sur un train, juste à côté du quai, qui nous mènerait vers nos diverses destinations à travers le Canada et vers un avenir inconnu. Le mien allait être de vivre dans les Prairies, dans une très petite ville du sud de l’Alberta, à quelque 13 jours de voyage de chez moi, en Angleterre.

Ça prendrait un grand livre rempli de souvenirs pour retracer le reste de l’histoire… et je l’ai écrit ! Il couvre la nôtre et celle de nos cinq enfants, nos 16 petits-enfants, nos 16 arrières petits-enfants et le dernier à voir le jour : un arrière-arrière-petit-enfant, né en 2010.

Ça fait toute une aventure… pour faire suite à un « blind date » !

Russell a maintenant 90 ans et moi, 87. Il fait des rôties pour le petit-déjeuner et je ne cesse de dire : « OK, OK. J’arrive dans une minute. » … et je continue de taper sur le clavier!

- Janvier 2011. Hazel L. West