Giuseppe et Caterina et Maura Martino

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Giuseppe e Caterina e Maura Martino

Un petit tour dans mon passé - Giuseppe Martino, Toronto le 21 juillet 2001

Je suis venu au Canada le 16 mars 1954 avec ma femme, Fortunata Caterina Martino, née D'Agostino, le 21 juillet 1933 et mon fils Mauro Francesco. Il est né le 29 mars 1953. Je suis né le 21 novembre 1930. Nous sommes nés à San Nicola Da Crissa, dans la province de Catanzaro, dans la région de Calabria, en Italie. Le 16 avril 1958, notre fille Silvana Caterina est née à Toronto.

Aujourd’hui, nous avons cinq merveilleux petits-enfants : Adriano, 21 ans, Mila, 19 ans, Vasil, 15 ans, Daniele, 14 ans et Alessandro, 13 ans. Adriano, Daniele et Alessandro sont les enfants de ma fille, Mila et Vasil sont ceux de mon fils.

Ça fait 22 ans que notre fils Mauro enseigne au lycée. Notre fille Silvana enseigne depuis 4 ans dans une école élémentaire. Notre petit-fils Adriano va commencer sa troisième année à l’université en septembre 2001. Lui aussi, il veut devenir professeur en lycée. J’espère que tous mes petits-enfants auront une bonne éducation. C’est mon souhait… Que Dieu les bénisse.

Mon fils, ma femme et moi avons quitté Naples le cinq mars à bord du Saturnia. J’avais 888 $ de dettes à payer à mon beau-père Nicola D'Agostino. Il est venu à Toronto en octobre 1950. Mon beau-frère Salvatore est venu en mai 1951. Ensuite, ma belle-mère Rosa est arrivée en 1953 avec son fils de cinq ans Rosario.

Mon beau-père a acheté une maison pour 11 300 $ au 229, rue Concord, à l’ouest de Ossington, au sud de la rue Bloor où nous sommes partis vivre pendant dix mois. Nous avons aussi laissé derrière nous des dettes de 50 $.

Je n’avais rien à la maison. J’étais très pauvre. Mes parents aussi étaient très pauvres. Ma famille comptait sept personnes : ma mère Caterina Malfara, mon père Francesco Martino, mes frères Rocco, Vittorio, Vito et ma sœur Maddalena.

Une fois, nous n’avions qu’une pièce de 8 x 15 qui est devenue notre salle à manger, notre lit, notre salle de bains et notre cuisine. Était-ce trop petit ? Non, pas du tout. La pièce était chaude ; l’amour la réchauffait, Dieu était parmi nous. C’est tout ce dont on a besoin dans la vie. Une fois mon père m’a dit : « Mon fils, je n’ai besoin que d’une fourchette, une cuillère, une assiette et une poêle. » Ce qu’il voulait dire était « Je n’ai pas besoin de pas grand chose. » C’est aussi mon sentiment. Il était un homme simple, un homme calme, un homme bon pour sa famille. Ma mère ? Toujours heureuse, elle avait toujours un beau sourire chaleureux. C’est le souvenir que j’ai d’eux.

Ce jour-là quand nous avons quitté la ville, mon père et ma mère sont venus nous dire au revoir. Elle m’a accolé, les yeux pleins de larmes, et elle m’a dit: « Va mon fils, va avec Dieu et que Dieu te bénisse. » Ses larmes se sont mêlées aux miennes. Après avoir obtenu un emploi et avoir reçu mon premier chèque, je leur ai envoyé de l’argent. Ils m’étaient très chers.

Nous avons débarqué à Halifax, au Quai 21, en Nouvelle-Écosse le 16 mars. Nous sommes arrivés à Toronto en train le 16 mars. Le 19 avril 1954, j’ai commencé à travailler au 1179 King Street West à Toronto Carpet, une compagnie de 700 employés. J’étais le 700ième. Quand j’ai pris ma retraite le 13 décembre 1990, mon numéro d’ancienneté était le 3.

J’ai commencé à travailler à 85c de l’heure. Les 18 premières années, je travaillais de 7h du matin à 10h du soir du lundi au jeudi et le vendredi jusqu’à 4h de l’après-midi. La plupart du temps, le samedi et le dimanche aussi, et pendant mes vacances. Je n’avais jamais le temps, ils me payaient 1 fois et demi mon salaire pour le petit-déjeuner, et l’heure du déjeuner. Je l’ai fait pour ma famille. Ma famille était ma vie. ElIe l’est toujours.

C’était très difficile. Parfois, j’avais envie de dormir plusieurs jours. J’étais très fatigué mais je l’ai fait par amour. Non seulement le travail était difficile mais le langage et la culture aussi. A l’époque, il nous était interdit de nous arrêter et de discuter avec nos collègues. Nous ne parlions que des choses que nous avions à la maison avant ou de notre vie au Canada. Peut-être que la police pensait que nous étions tous des Mafiosi (de la Mafia).

Parfois, ils nous disaient d’une voix forte de bouger et de continuer à travailler. D’autres fois, ils nous appelaient « Les indigènes, Degos ou DP's ». C’était très stupide, arrogant et scandaleux. Eh bien, aujourd’hui je suis sûr qu’ils ont changé et je leur pardonne.

Aujourd’hui, de tout mon cœur et sans peur, je peux dire: « Je suis canadien ! ». Aujourd’hui, je peux dire avec amour « C’est notre pays. Le vôtre et le mien. Que Dieu bénisse le Canada. » Ce pays qui est le mien a été bon avec moi. C’est un pays incroyable, un pays magnifique. L’un des meilleurs. Sinon le meilleur pays au monde. C’est ce que je pense, c’est ce que je ressens.

J’aime toujours l’Italie, le pays où je suis né. À l’âge de 71 ans, je vais y retourner pour défendre, de ma vie, le pays où je suis né. À l’âge de 71 ans, je vais défendre ce pays, ce charmant pays, le Canada, jusqu’à ma dernière goutte de sang. J’aime profondément le Canada. C’est mon pays. C’est mon chez-moi.

Un an plus tard, on a payé toutes nos dettes et on a remercié tout le monde. En 1958, nous avons acheté notre première maison pour 16,500 $. En 63, nous avons dû partir parce que le métro Bloor était en construction. La ville de Toronto l’a rachetée 16,600 $. Notre part était de 9,000 $. Avec 16,500 $ nous avons acheté une maison plus grande et bien meilleure. Nous habitons toujours dans cette maison chaleureuse et charmante et ce, grâce au Canada.

En 1956, j’ai demandé à mes frères Vito et Vittorio de venir au Canada. Vito est venu en août 1956 et Vittorio en décembre de cette année.

Quand j’avais dix ans en Italie, j’ai appris comment devenir barbier. Le salon de coiffure pour hommes appartenait à un ami de ma famille. Mon grand-père, Giuseppe Martino, possédait un salon de coiffure pour hommes. Mon père était aussi barbier jusqu’en 1935. J’y ai passé deux ans et j’ai appris quelques trucs. De temps en temps, je me coupe encore les cheveux. En le faisant, j’ai chaud au cœur. Alors, à 12 ans, je suis allé chez un tailleur et j’y suis resté aussi pendant deux ans. J’y ai appris quelques trucs. Je fais toujours des trucs pour ma famille et moi-même. Ça aussi, ça me donne chaud au cœur.

Ensuite, j’ai essayé de travailler dans une ferme et dans le bâtiment et aussi pendant deux semaines dans un moulin à eau à la River Fella', juste à quelques minutes à pied de ma ville.

Finalement à l’âge de 17 ans, j’ai commencé une formation pour devenir un médiocre cordonnier. De l’âge de 15 à 18 ans, j’ai joué au football : j’étais ailier droit. À l’âge de 19 ans, je jouais dans une pièce de théâtre trois fois par semaine ; deux représentations dans ma ville natale et une dans une ville à 40 kilomètres. J’avais un rôle dramatique dans la pièce. La dernière fois que j’ai joué dans ma ville natale, il y avait plus ou moins 2000 personnes. À la fin de la pièce, nous avons eu une ovation. J’entends encore ces applaudissements sans fin.

Souvenirs. Les souvenirs de tout ce que j’ai fait dans ma vie, je les garde quelque part où je me sens bien. Dans mon cœur, où que j’aille, je les emmène avec moi.

Quand j’étais petit, je voulais devenir docteur. Et puis je suis devenu un cordonnier médiocre et ça allait. C’est ce que Dieu voulait de moi. Je n’ai étudié que jusqu’à la cinquième année. Je dois avouer que j’ai même eu du mal à la finir.

En 1984, j’ai décidé d’écrire de courts romans, des petits romans. Jusqu’à présent, j’ai écrit 10 courts romans en italien et 12 en anglais. Jusqu’en 1997, je ne pouvais pas écrire plus de 100 mots. Ce que je sais faire maintenant, je l’ai appris grâce aux études.

Aujourd’hui, je peux dire, sans prétention, que je parle italien, anglais et un peu espagnol. J’adore écrire. Je le fais avec mon âme. Je crois que tout ce que je fais sur le chemin de ma vie était voulu par Dieu. Je voudrais juste préciser que je ne suis pas écrivain. Je le fais pour mon âme et c’est assez pour moi. Je crois que c’était en moi et je ne le savais pas jusqu’en 1984.

Maintenant, j’aimerais remonter le temps et être en Italie, en août 1953. C’était une nuit merveilleuse. L’air était chaud et agréable. Haut dans le ciel, une pleine lune grise surplombait ma ville natale. Les étoiles constellaient le ciel brillant de San Nicola Da Crissa, la ville où je suis né. Je dois avouer que le ciel de Calabria est l’un des plus beaux au monde.

J’ai atteint les quatre coins de la planète et pourtant, je n’ai pas vu de ciel plein d’étoiles brillantes comme ça. Elles avaient l’air si proche que vous vouliez tendre le bras et en prendre une, surtout le major Orsa. Qu’est-ce que je peux dire sur la voie lactée ? C’est d’une beauté divine. Alors…cette belle nuit, j’ai dit à ma femme : « Je vais marcher avec notre fils Mauro ». Elle m’a regardé et elle a dit, « Sois prudent et reviens vite. »

Nous sommes partis de la maison et j’ai pris la direction de River Fella'. Si j’avais été tout seul, j’en aurais pissé dans mon pantalon. J’avais peur des fantômes. J’en ai toujours peur. J’avais mon fils dans les bras. Il suçait son pouce et dormait. Il avait cinq mois. Quand je me suis approché du pont, le Due Mari, je me suis arrêté. Le bruit d’un petit ruisseau naturel d’eau fraîche descendait pour se fondre dans le River Fella'. A ma droite, en haut de la colline, il y a avait un cimetière.

La lumière de la lune étincelante illuminait les murs du cimetière. À ce moment-là, les larmes rendaient ma vision trouble. J’ai embrassé mon fils sur le front et j’ai murmuré: « Mon fils, je te promets qu’au Canada je ferai tout mon possible pour aider ma famille. Je travaillerai dur pour mettre du pain sur la table et un jour, nous aurons notre propre maison. »

Eh bien je suis sûr que j’ai fait de mon mieux. Je l’ai fait par amour. Sans jamais rien demander en retour. Ma famille est ma vie. C’est ma récompense.

Je sais que Dieu m’a aidé. Il était tout le temps à mes côtés. Il l’est toujours.

« Dieu, prends ma main et marche avec moi. »